L’Ukraine confrontée à la stabilisation de sa contre-offensive lancée début juin et interpelée par les critiques qui commencent à poindre dans certains pays de l’OTAN sur l’échec des tactiques utilisées par ses troupes qui appliqueraient encore des schémas à la « soviétique » et pas « Otaniens », s’est lancée dans une campagne d’attaques ciblées sur des objectifs d’infrastructures et navals.

Parallèlement, des objectifs symboliques sont aussi visés dans la profondeur de la Russie  et en particulier la capitale.

Si sur le plan purement tactique les dommages infligés à la Russie restent mineurs – ils ne vont changer le cout de la guerre – , ils n’en sont pas moins très spectaculaires et habilement exploités médiatiquement dans le but de conserver le soutien de ses alliés alors que la guerre est partie pour durer des années.

Ainsi, le 6 août, l’aviation ukrainienne a lancé au moins deux missiles de croisière « Storm Shadow/SCALP » contre les ponts Chongar et Henichesk, qui commandent les entrées orientales de la Crimée depuis la région de Kherson.

Le missile qui a frappé le pont Henichesk a touché le côté provoquant de graves dommages structurels et routiers mais la frappe contre le pont Chongar semble n’avoir causé que des dégâts mineurs à modérés le missile n’a pas complètement explosé.

Si les photos diffusées sont les bonnes, il est possible que le missile défectueux soit un SCALP-EG – récemment officiellement livrés à l’Ukraine – car un marquage indique « MBDA FRANCE » (le missilier MBDA est formé de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne et de l’Italie).

Une partie du flux logistique entrant et sortant de Crimée a été détourné vers l’Autoroute M-17 passant par Armyansk plus à l’ouest (voir carte ci-avant). Les délais de transport ont été nettement rallongés mais la situation devrait revenir progressivement à la normale dans les semaines à venir.

La guerre navale

Le 19 juillet, deux jours après une nouvelle attaque contre le pont de Crimée et après s’être retirée de l’accord céréalier de la mer Noire, la Russie se proclamait « maîtresse » de cette zone maritime. Tout navire tentant de briser le blocus imposé à la production agricole ukrainienne serait considéré comme un ennemi susceptible d’être envoyé par le fond.

Mais il apparaît que les choses ne se passent pas exactement comme le Kremlin l’e voudrait.

En effet, apparemment, c’est Kiev qui a repris l’initiative.

En effet, l’Ukraine avait averti que eaux jouxtant les six ports russes sur la mer Noire, Taman, Anapa, Novorossiysk, Gelendzhik, Tuapse et Sotchi étaient déclarées zones de « risque de guerre ».

Pour Kiev, tous les navires transitant par la mer Noire vers des ports russes ou occupés par la Russie « pourraient être considérés par l’Ukraine comme transportant des marchandises militaires avec tous les risques correspondants ».

Pour mémoire, l’Institut d’études stratégiques de la mer Noire a rapporté qu’en juin 2023, la Russie a exporté 4,9 millions de tonnes de pétrole via la mer Noire à bord de 42 pétroliers.

Ainsi, le pétrolier russe Sig a été frappé par un drone de surface ukrainien ( USV, Unmanned Surface Vehicle) près du détroit de Kertch le 4 août et les dégâts semblent importants. Il devait rejoindre le port de Feodossia (Théodosie) au sud-est de la Crimée.

Dans un tweet publié le 5 août, le ministère ukrainien de la Défense a déclaré : « Il est temps de dire aux tueurs russes : ‘Ça suffit’. Il n’y a plus d’eaux sûres ni de ports paisibles pour vous dans les mers Noire et d’Azov ».

De l’eau noire et huileuse jusqu’à la taille avait inondé la salle des machines du navire après l’attaque.

En haut, les fenêtres du pont ont été brisées et sa timonerie s’est déformée sous l’onde de choc.

Les dégâts correspondraient à la vidéo prise par une caméra équipant le drone utilisé dans l’attaque, avec un impact au niveau de la ligne de flottaison près de la salle des machines.

Ce navire transite souvent par le Bosphore transportant du carburant à destination de l’armée de l’air russe présente en Syrie. Il semble qu’il était vide quand il a été atteint. Il fait l’objet de sanctions de la part du département du Trésor américain depuis 2016…

Si l’Ukraine commence à attaquer les pétroliers russes en mer Noire ainsi que d’autres navires marchands, la flotte russe de la mer Noire pourrait devoir ajouter l’escorte à sa mission de protection des voies de navigation.

Pourtant, même pour les navires de guerre, la protection contre les drones marins est très difficile. Des convois de cargos seraient toujours très vulnérables même sous la protection des navires de la marine russe.

Un navire de débarquement amphibie de la marine russe a été gravement endommagé à la suite d’une attaque de drone ukrainien tôt le matin du  4 août. Différentes vidéos et photos montrent l’attaque du navire de la classe Ropucha Olenegorsky Gornyak, ainsi que ses conséquences dans le port russe de Novorossiysk.

Novorossiysk, un important port russe sur la côte orientale de la mer Noire, se trouve à environ 780 kilomètres des côtes ukrainiennes.

Comme pour l’attaque dans le port de Sébastopol en octobre 2022, l’opération a été revendiquée conjointement par la marine ukrainienne et le service de sécurité ukrainien (SBU).

Selon certaines informations, des explosions se seraient produites dans la région de Yuzhnaya Ozerievka où se trouve le terminal maritime du Caspian Pipeline Consortium à proximité du lieu de l’attaque du navire de débarquement.

Encore une fois, des drones navals auraient été utilisés, en l’occurrence, pour attaquer des infrastructures pétrolières.

De même, la Russie affirme avoir repoussé l’attaque du bateau drone contre l’installation pétrolière, bien que sur la base de ses commentaires sur l’Olenegorsky Gornyak, cette affirmation doit être traitée avec beaucoup de prudence.

Plus récemment, des USV auraient également été responsables de l’attaque du pont de Kertch a été attaqué le 8 octobre 2022 puis le 17 juillet 2023. Il semble qu’une nouvelle opération aurait échoué le 6 août.

Les nouveaux drones ukrainiens

Les USV ukrainiens de nouvelles génération sont des bateaux gris à difficilement visibles doté de capteurs optiques à cardan et fixes permettant le contrôle à distance. Ils peuvent être armés d’une charge de 300 kilogrammes et ont une portée de 800 kilomètres… Le réseau de communication par satellite (visible à l’arrière) est nouveau. Il est largement admis que Starlink a été utilisé sur les drones navals ukrainiens antérieurs(2) mais la société a limité l’accès pour que le système ne puisse plus être utilisé sur zones. Cette nouvelle baie de satcom contourne probablement ces limitations en utilisant un autre fournisseur ».

1.     Voir : « Que se passe-t-il vraiment en Russie? » du 18 juillet 2023.

2.     Voir : « Les drones navals ukrainiens » du 20 février 2023.

Publié le

Texte

Alain Rodier