Le journaliste américain et ancien membre des forces spéciales Jack Murphy rapporte sur son site que la CIA mène une campagne de sabotages en Russie en utilisant un service spécial d’un pays allié membre de l’OTAN. Ce pays qui n’est pas formellement identifié serait un « allié très proches des USA ».
Cette définition laisse à penser qu’il pourrait très bien s’agir des Britanniques.
. Ils sont l’allié le plus proche des États-Unis au sein de l’OTAN ;
. ils ont les unités entraînées pour ce type de missions (SAS, SBS) ;
. depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la Russie est considérée à Londres comme son principal ennemi. À noter que les « cinq de Cambridge » (particulièrement Kim Philby) ont permis aux Soviétiques de neutraliser les membres de réseaux d’activistes envoyés par le MI6 en Pologne et dans les États baltes puis ensuite (avec la CIA) en Albanie (« mission Valuable »). Les agents étaient pour la plupart des exilés polonais, estoniens, lettons, lituaniens puis albanais formés en Grande Bretagne pour effectuer le même genre de mission qu’aujourd’hui derrière le rideau de fer. Les Britanniques en ont gardé une grande rancune envers Moscou…
. Le général Robert Magowan, qui a été le commandant du Royal Marines avant d’être affecté à l’état-major des forces britanniques en mai 2022 a déclaré au début décembre que des membres de son ancienne unité « ont soutenu d’autres opérations discrètes [en Ukraine] dans un environnement extrêmement sensible et avec un haut niveau de risque politique et militaire ». Cet aveu peut laisser entendre que les missions confiées sont allées plus loin.
Les sources américaines du journaliste seraient trois anciens membres des services de renseignement, deux anciens militaires et une personne qui serait dans le secret de l’opération… Il a publié ces informations sur son site car les médias américains ont refusé de le faire.
Selon le journaliste, cette campagne se baserait sur des cellules clandestines installées depuis longtemps en Russie qui auraient été réveillées après l’invasion de l’Ukraine. Cela expliquerait en partie les d’explosions et les accidents inexpliqués – visant particulièrement le complexe militaro-industriel russe – qui surviennent dans la profondeur du territoire russe depuis des semaines.
Ainsi, des ponts de chemin de fer, des dépôts de carburant, des centrales électriques auraient été ciblés.
Ce seraient des officiers de la CIA qui dirigeraient les opérations depuis l’extérieur de la Russie. Ils dépendraient de la Division des activités spéciales de la CIA et auraient été détachés au Centre de missions européen.
Chaque action nécessiterait, avant son déclenchement, l’autorisation directe de la Maison-Blanche.
Utiliser un autre service spécial permet à Washington de démentir toute responsabilité en cas d’incident comme la capture d’un opérateur.
Cela dit, ce service « allié » aurait toute latitude pour accepter ou refuser les missions proposées dans la mesure où ce sont ses personnels qui prennent les risques. Enfin, les services britanniques ont largement utilisé dans le passé comme durant la Seconde Guerre mondiale de nombreux « intermédiaires ».
Une partie des matériels et explosifs nécessaires auraient été déposés dans des caches il y a plus de dix ans, mais pas par la CIA… L’Agence n’a commencé à être impliquée directement qu’après l’invasion de la Crimée par les troupes russes en 2014. Les premiers membres des cellules clandestines téléguidées par Langley auraient été infiltrés à partir de 2016. Ils se présentaient avec des légendes étayées utilisant des sociétés de couverture qui étaient déjà installées en Russie depuis une vingtaine d’années.
Les opérations prévues devaient minimiser le risque pour les citoyens russes lambda.
Les infiltrations se sont accélérées au fil des années, les opérateurs apportant de nouveaux matériels et explosifs, ceux dissimulés dans les caches ayant été récupérés.
Deux jours avant l’invasion du 24 février, le réseau de communications clandestines aurait été activé pour mettre en alerte les cellules dormantes. Les premiers actes de sabotage auraient eu lieu en Biélorussie lorsque des opposants (des cheminots, des hackers, des membres de forces de sécurité, etc.) s’attaquèrent au réseau ferré par où étaient acheminés les forces russes. Selon le Washington Post, le 26 février, cinq sabotages ont presque complètement arrêté le trafic ferroviaire en Biélorussie.
L’espionnage aérien a mis en œuvre – entre autres – des drones qui restent encore confidentiels. Il a permis d’aider considérablement les opérateurs sur le terrain.
La CIA avait procédé un peu de la même façon lors de la guerre d’Irak de 2003 formant à l’avance 70 activistes kurdes qui ont ensuite été projeté sur les arrières irakiens pour s’attaquer aux infrastructures. Une de leurs actions les plus importantes a été le déraillement d’un train de 90 wagons.
La multiplication des actions lancées derrière les lignes russes aurait provoqué des problèmes de coordination qui auraient incité à diminuer leur nombre pour mieux les coordonner. Il serait même arrivé que deux unités s’en prennent au même objectif sans, bien sûr, le savoir, cloisonnement oblige. Suite à un dysfonctionnement, le journaliste fait état d’un activiste tué et d’un autre arrêté lors d’affrontements avec les forces de sécurité russes. Si cette information est vraie, la personne arrêtée ne doit pas être un étranger car elle aurait largement été utilisée pour la présenter aux médias internationaux comme « preuve de la collusion occidentale anti-Russie ».
Suite à l’article du journaliste, le porte-parole de la CIA Tammy Thorp a démenti toute implication de l’Agence dans la série d’incidents et d’explosions survenues en Russie en 2022 : « les allégations qui prétendent que la CIA soutient d’une manière ou d’une autre des réseaux de saboteurs est complètement fausse ». Mais selon l’article 50 du Code US qui autorise les actions clandestines, la CIA peut légalement nier l’existence de ces opérations en dehors de la « bande des huit » constituées par les membres des comités du renseignement du Congrès (la Chambre des Représentants et le Sénat).
Selon le journaliste, les opérations conduites par la CIA en Russie seraient loin d’être les seules.
D’autres pays européens auraient activé leurs propres cellules opérationnelles pour qu’elles passent à l’action indépendamment.
Bien sûr, les services ukrainiens (SBU) seraient également très actifs sur les arrières russes.
Ainsi, le 25 décembre, les services de sécurité russes (FSB) a déclaré : «à l’issue d’affrontements armés le 25 décembre, quatre saboteurs ont été éliminés lors d’une tentative de pénétrer sur le territoire de la région de Briansk depuis l’Ukraine». Le FSB a affirmé que les saboteurs étaient armés de pistolets mitrailleurs MPX de la société allemande SIG Sauer et transportaient des « équipements et moyens de communication et de navigation pour commettre des actes de sabotage et de terrorisme ». Le groupe avait également en sa possession quatre engins explosifs d’un rendement combiné équivalent à 40 kg de TNT.
Toutefois, les Ukrainiens se moquent parfois des déclarations d’accident émises par les autorités russes. Après un mystérieux incendie ayant eu lieu en août d’un dépôt de munitions russe dans la région de Belgorod juste de l’autre côté de la frontière ukrainienne, le ministre de la défense ukrainien a tweeté : « fumer tue »…
Enfin, Kiev affirme par ailleurs que des partisans et des forces spéciales formées par leurs homologues américaines sont présents en Crimée pour y mener des opérations coup de poing ce qui est tout à fait vraisemblable. Les opérations de drones marins explosifs ayant eu lieu sur zone ont peut-être engagé des opérateurs terrestres, au moins pour le guidage terminal(1).
La base aérienne militaire d’Engels (dans la région de Saratov) où sont basés des bombardiers stratégiques Tu-160 et Tu-95 a été attaquée le 5 décembre(2) puis le 26 décembre 2022. Ces attaques seraient le fait de drones.
Mick Mulroy, un ancien opérationnel de la CIA a déclaré « je ne sais pas qui est derrière ces attaques mais leur valeur est substantielle et elles ont des objectifs multiples […] La Russie est confrontée à de nombreux problèmes d’approvisionnements logistiques. Ces actions compliquent encore plus le ravitaillement des forces. […] elles introduisent le doute dans l’esprit des dirigeants du Kremlin ils s’aperçoivent que le président Poutine ne contrôle pas ce qui se passe dans son propre pays […] est-ce un programme concerté ; sont-ce des Russes désenchantés qui sabotent leurs propres installations [NdA : peu probable, l’opposition « active » en Russie étant en état de « mort cérébrale »] ou est-ce une pure incompétence des ouvriers [NdA : dans certains cas, c’est tout à fait vraisemblable] ? Je ne sais pas mais peut-être que le Kremlin non plus. Cela risque de provoquer des sentiments paranoïaques ».
Par exemple, quand un bâtiment des forces aérospatiales russes avait brulé en avril causant la mort d’une vingtaine de personnes, les autorités avaient mis en cause un « branchement électrique défectueux » comme étant à l’origine de l’incendie.
Il est logique que tant que Moscou ne détient pas de preuves tangibles de sabotages et surtout, ne peut pas présenter de « suspects » à la presse internationale, la meilleure manière de ne pas perdre la face – surtout vis-à-vis de l’opinion intérieure -,c’est de prétendre que ces incidents sont accidentels.
Ces informations peuvent surprendre quand on sait que William Burns, le chef de la CIA a rencontré le chef du SVR (ancienne Première direction du KGB) Sergueï Narychkine à Ankara le 3 octobre de cette année. Certes, la guerre secrète n’a pas de limites mais la mise en scène semble pour une fois un peu osée.
Par contre, il est tout à fait plausible que les réseaux d’espionnage détectent des cibles à frapper – voire participent au guidage – pour les drones décollant d’Ukraine.
1. Voir : « L’Ukraine veut plus de drones marins » du 21 novembre 2022.
2. Voir : « Bases stratégiques russes frappées » du 6 décembre 2022.
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