Depuis le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine le 24 février, de nombreuses attaques ont eu lieu sur le sol russe.

Mais jusqu’à maintenant, elles se cantonnaient dans la région de Belgorod et dans la péninsule de Crimée (qui, selon les lois internationales, fait toujours partie de l’Ukraine). Ces zones relativement proches de l’Ukraine étaient donc relativement faciles à atteindre par des drones et autres missiles à courte portée sans parler de quelques raids audacieux menés par des hélicoptères armés. Mais, il semblerait que la situation évolue

Ainsi, une grande explosion est survenue le 5 décembre à 06 H 04 sur la base de bombardiers stratégiques russes Engels-2 près de la ville de Saratov. Cette base hautement stratégique accueille depuis des années des bombardiers à long rayon d’action. À la fin novembre, elle avait été renforcée par de nouveaux Tupolev Tu-95 and Tu-160 laissant à penser que des bombardements dans la profondeur du territoire ukrainien allaient s’intensifier.

En même temps, une explosion a eu lieu à Dyagilevo, une autre base stratégique de la région de Razyan au sud-est de Moscou. Cette base est utilisée pour l’entraînement des équipages des bombardiers stratégiques.

Les premières informations font état à Engels-2 de deux appareils Tu-95 endommagés et de deux blessés.

En ce qui concerne la base de Dyagilevo, les autorités russes parlent de l’interception d’un drone. Des débris auraient touché un camion citerne au niveau des pistes. En explosant, il aurait tué trois militaires et blessé cinq autres (c/f photo ci-après).

La simultanéité de ces deux explosions et leur localisation en profondeur dans l’État russe posent question.
En effet, les bases d’Engels et de Dyagilevo sont situées respectivement à 500 kilomètres et 460 kilomètres des frontières ukrainiennes.

Quelques heures avant ces évènements, la société d’armement ukrainienne Ukrobonoprom avait annoncé avoir testé avec succès un drone d’une portée de 1.000 kilomètres armé d’une tête militaire de 75 kilos. En théorie, ce drone serait capable de frapper ces deux bases. Il avait été annoncé qu’il serait procédé à des tests opérationnels particulièrement pour voir sa résistance aux contre-mesures électroniques adverses.
Mais il est surtout fait état de l’utilisation de vieux drones de reconnaissance à réaction datant de l’ère soviétique : des Tupolev Tu-141 produits à 152 exemplaires de 1979 à 1989.
Certains sont devenus la propriété des États successeurs de l’URSS, notamment de l’Ukraine.

L’Ukraine serait aujourd’hui le seul pays à encore utiliser cet armement connu localement sous l’appellation de Tu-141 « Strizh » (« martinet »). Ainsi, le 10 mars 2022, un Tu-141, s’est écrasé (sans faire de victime) à proximité de Zagreb en Croatie après avoir survolé la Roumanie et la Hongrie. Kiev a nié que ce drone lui appartenait et qu’il lui avait « échappé » avant de se cracher à court de carburant. Mais il semble évident que son origine était ukrainienne.
Par contre, le 9 mai 2022, Kiev a annoncé avoir abattu un engin russe du même type. Il semble plutôt que leurs forces territoriales ukrainiennes ont détruit par mégarde un de leurs propres UAV (c/f photo ci-après)…

Si les derniers évènements se révèlent exacts, il semble que les Ukrainiens ont voulu « marquer un coup psychologique » important comme cela a été le cas avec les nombreux exploits de type « commando » qu’ils ont réussi jusque là dans la région de Belgorod, en Crimée et en Mer Noire.
Sur le plan tactique, cette double frappe est insignifiante – d’autant qu’elle ne pourra pas être souvent renouvelée car Kiev ne doit plus avoir beaucoup de Tu-141 aptes à voler -. Mais elle attire la ire en Russie où certains agitateurs médiatiques connus pour leur radicalité réclament une réponse « nucléaire » puisque les « intérêts vitaux » de la défense ont été atteints (même si cela reste d’une manière symbolique).
La réaction immédiate de Moscou a été plus prosaïquement : quelques 70 missiles ont été tirés le 5 décembre sur les infrastructures ukrainiennes. Selon Kiev, 60 auraient été interceptés par la défense anti-aérienne…

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Texte

Alain Rodier

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