La Somalie souffre depuis de nombreuses années d’une véritable guerre civile les principales menaces provenant des groupes salafistes-jihadistes Al-Shebab et État islamique - sans compter la sécession de fait du nord du pays par le Puntland et le Somaliland. Depuis 2007, les Shebabs mènent une insurrection armée contre le gouvernement somalien et les forces de maintien de la paix de l’Union africaine présentes dans le pays.

Le 4 octobre, des activistes des Shebabs (la branche somalienne d’Al-Qaida(1)) ont pris d’assaut la prison de Godka Jilacow située près du palais présidentiel. Ce lieu de détention est sous l’autorité de l’Agence nationale de renseignement et de sécurité somalienne (NISA).

Des dizaines de détenus seraient parvenus à s’enfuir mais certains ont ensuite été rattrapés.
Selon un processus rôdé, l’attaque a commencé par une voiture piégée qui a été lancé contre l’entrée principale de la prison. Des hommes armés ont profité de l’explosion pour pénétrer dans l’établissement, neutraliser les gardes puis libérer des prisonniers avant d’occuper la prison. Les forces de sécurité somaliennes n’ont repris le contrôle de la situation que tôt le lendemain matin.

Selon les autorités somaliennes, la voiture piégée utilisée était aux couleurs de la NISA, tandis que les attaquants shebabs portaient des uniformes des forces de l’ordre. Sept d’entre-eux auraient été tués. Les pertes gouvernementales ne sont pas connues.

Les shebabs ont rapidement revendiqué l’attaque publiant un communiqué affirmant qu’elle faisait partie d’une opération baptisée « Soutien aux opprimés » et que son objectif était de « libérer tous les prisonniers musulmans que les apostats y détenaient et torturaient. »
Le communiqué a aussi confirmé l’utilisation d’un kamikaze marquant au moins le 22e attentat de ce type en Somalie depuis le début de l’année.

Les shebabs se déguisent souvent pour infiltrer des installations de sécurité comme en début d’année, lorsqu’un kamikaze s’est fait exploser lors d’une campagne de recrutement de l’armée somalienne.
Cette branche d’Al-Qaida en Somalie a un long historique d’attaques et d’évasions.
En 2024, des détenus shebabs de la prison centrale de Mogadiscio ont organisé une révolte pour tenter de s’évader.
En 2021, les shebabs ont libéré des centaines de prisonniers après un raid sur la prison centrale de Bosasso, dans le nord du pays.
En 2020, des détenus shebabs ont organisé une révolte à la prison centrale de Mogadiscio, tandis qu’en 2017, le groupe a fait exploser une voiture piégée devant les murs de la prison pour tenter à nouveau de libérer des prisonniers…

Juste avant l’attaque d’octobre 2025, le gouvernement somalien avait levé les restrictions de sécurité sur plus de 50 routes autour de Mogadiscio affirmant que la capitale était plus sûre. Il est vrai que selon le portail d’information Garowe Online, l’armée nationale somalienne venait de reprendre la ville stratégique d’Awdheegle à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Mogadiscio. Cette localité située sur les rives du fleuve Shabelle, à proximité de trois ponts clés reliant les régions du sud du pays à la capitale est cruciale pour la sécurité de la capitale.

Cette opération pour reprendre la ville aurait duré plusieurs mois.

Même si les shebabs ne sont plus présents en force dans la capitale, à l’évidence ils y bénéficient encore de réseaux d’informateurs et logistiques.

La politique « Briser les murs. »

Les évasions de prison constituent un élément essentiel de la stratégie globale des mouvements jihadistes. Elle a été initiée sous l’appellation de « brisons les murs » par l’État Islamique en Irak en 2012-2013 (qui deviendra Daech en 2014.)

Ces actions constituent depuis un objectif pour tous les groupes jihadistes. Outre leur valeur psychologique (les militants emprisonnés savent que tout est fait pour tenter de les libérer), ces opérations permettent de renforcer les rangs des activistes en récupérant des combattants expérimentés.
Ainsi, l’État islamique a organisé ces dernières années d’importantes évasions dans le nord-est de la Syrie, dans l’est de l’Afghanistan, aux abords d’Abuja (la capitale du Nigéria), en Asie centrale et à deux reprises dans les villes de Beni et de Butembo au Congo.

Al-Qaida a fait de même notamment en Afrique.
Par exemple, entre 2018 et 2020, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), la branche officielle d’Al-Qaida en Afrique de l’Ouest a mené plusieurs attaques de prisons au Mali et au Burkina Faso. Ces opérations ont été saluées par Al-Qaida central qui a enjoint au GSIM à poursuivre ce type d’opérations.

Dans cette logique, les attaques et les mutineries dans les prisons vont vraisemblablement se poursuivre dans l’avenir.

(1) Voir : « Somalie : la branche locale d’Al-Qaida continue le combat » du 22 août 2022.