En 2025, le groupe État islamique (Daech) ne contrôle plus de territoire significatif au Moyen-Orient, mais sa menace persiste à l'échelle mondiale. Grâce à une organisation alliant autonomie régionale et supervision centralisée, Daech demeure redoutable.

La présence territoriale de l’État islamique en Irak et en Syrie a considérablement diminué(1) ne comptant plus que 1.500 à 3.000 activistes entre ces deux pays (sur les 80.000 dont la moitié constituée de combattants étrangers en 2014.)
Malgré son recul au Moyen-Orient, sa présence mondiale s’est considérablement accrue et, fin 2024, il demeurait l’organisation terroriste la plus meurtrière au monde.
En 2025, le groupe État islamique s’appuie principalement sur un réseau de filiales régionales qui opèrent avec une grande autonomie d’action, l’EI-Khorasan, basé en Afghanistan, étant la branche la plus importante liée à de nombreux attentats d’envergure non seulement en Afghanistan mais aussi en Iran, en Russie, en Turquie, etc. (2)
L’identité réelle de l’actuel calife de l’État islamique, Abou Hafs al-Hachimi al-Qourachi reste incertaine par mesure de sécurité tous ses prédécesseurs ayant connu une mort violente.
Mais Daech est désormais une structure hybride qui privilégie la flexibilité et la sécurité au contrôle centralisé.
Toutefois, le noyau dur du groupe État islamique conserve la connectivité et la supervision de son réseau mondial d’affiliés grâce à une « Direction des provinces » qui prodigue surtout des d’orientations idéologiques répondant à la doctrine salafiste-jihadiste.
Son responsable, Abdallah Makki Muslih al Rifai alias Abou Khadijah qui, selon Washington, avait en charge les opérations, la logistique et la planification de Daech à l’échelle mondiale, aurait été neutralisé en Irak en mars 2025(3). Son remplaçant n’est pas connu.

Depuis le début 2025, le groupe État islamique semble connaître la croissance rapide en Afrique aidé en cela par l’instabilité politique, les rivalités locales, les difficultés économiques et la faiblesse de la gouvernance.
Elle a été facilitée par le retrait des forces militaires occidentales engagées jusqu’en 2024 dans le cadre d’accords de défense et de lutte antiterroriste dans la région sahélienne.
Les mercenaires russes de Wagner puis de l’Africa corps au service du Kremlin qui les ont remplacé n’ont pas obtenu de résultats tangibles en raison de leur trop faible nombre et leur manque de matériels – particulièrement aériens -.

En conséquence, la Province du Sahel de l’État islamique (PSIS/ISSP), qui opère principalement au Mali, au Burkina Faso et au Niger, a considérablement étendu son contrôle territorial dans la région des trois frontières du Liptako-Gourma. Les dernières estimations évaluent l’effectif de la PSIS entre 2.000 et 3.000 combattants.
L’EI-Somalie/IS-S qui opère en Somalie est aussi une branche en forte croissance. Elle a doublé en taille en un an et devient progressivement un pôle logistique et financier clé de Daech à l’échelle mondiale. Ce groupe compte environ 1.000 activistes, dont des combattants étrangers, principalement originaires des pays africains voisins.
L’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO/ISWAP) demeure l’une des branches terroristes dominantes et les plus actives, avec une force estimée entre 2.000 et 3.000 activistes opérant dans le bassin du lac Tchad.
La Province de l’État Islamique de l’Afrique Centrale (EIAC/ISCAP) opère principalement en République démocratique du Congo et au Mozambique (sous le nom d’« État islamique au Mozambique » qui en fait dépendrait de l’EIAC.)
La présence de l’État islamique en Libye et dans la région du Sinaï en Égypte est nettement plus limitée, tant en termes de nombre de combattants que d’impact opérationnel.

La Province de l’État Islamique de l’Afrique Centrale (EIAC/ISCAP) publie une vidéo.

Un exemple de l’augmentation de la pugnacité de Daech en Afrique est donné par une vidéo de 18 minutes diffusée le 26 septembre 2025 par l’ISCAP (Province de l’État Islamique de l’Afrique Centrale) intitulée « Djihad et Da’wah [prosélytisme] » (source : MEMRI.)

Il s’agit de la première vidéo publiée par le groupe depuis plus de trois ans.
Dans cette dernière, des activistes de l’ISCAP, s’exprimant en langues locales, menacent les chrétiens africains et appellent les musulmans à rejoindre le groupe pour mener le jihad.
La vidéo s’ouvre en contextualisant l’activité de l’ISCAP dans le cadre d’une longue histoire d’« agressions chrétiennes » contre les musulmans.
Elle établit un lien entre les croisades historiques et les invasions américaines de l’Irak et de l’Afghanistan, la Coalition mondiale contre Daech, la colonisation française et belge du Congo, ainsi que ce qu’elle appelle des « campagnes douces trompeuses » modernes fonctionnant comme des activités « missionnaires » en RDC. Ces dernières, selon la vidéo, incluent les programmes d’aide et de secours internationaux mis en œuvre dans le pays.

Dans ce contexte historique d’« agressions » chrétiennes présumées, la vidéo explique que l’ISCAP a été créé en 2013 lorsque « des prédicateurs [islamiques] de RDC, d’Ouganda et de Tanzanie ont refusé d’obéir aux plans des Croisés […] et ont cherché la vérité jusqu’à ce qu’ils la trouvent auprès de l’État islamique. »
Depuis lors « les chrétiens paient le prix de leur agression contre les musulmans » car l’ISCAP « a déclenché des guerres contre les chrétiens et leurs armées en RDC et en Ouganda au cours de la dernière décennie, les tuant, les expulsant, incendiant leurs églises et leurs casernes et coupant leurs moyens de subsistance. »

Menaces contre les chrétiens

« Tant que votre agression contre les musulmans se poursuivra, vous serez envoyés en enfer. »
La vidéo comprenait une série de discours prononcés par des agents de l’ISCAP. Ces courts extraits, entrecoupés d’images violentes et explicites des attaques de l’ISCAP, s’adressaient aux chrétiens, aux musulmans et aux médias internationaux.
Par exemple, un combattant de l’ISCAP brandissant un couteau a menacé les chrétiens dans la vidéo, déclarant : « Notre message aux Croisés en général, et aux Croisés d’Ouganda en particulier, est que vous avez constaté la force des moudjahidines suite à votre tyrannie contre les musulmans et à votre invasion de leur territoire, et vous avez appris que c’est notre seul langage avec vous et avec ceux comme vous […]. Que vous est-il arrivé sur votre propre territoire et dans la capitale de votre polythéisme, Kampala ? », a-t-il demandé, faisant référence à un attentat suicide contre la capitale ougandaise. « Tant que votre agression contre les musulmans se poursuivra, votre destruction se poursuivra et vous serez envoyés en enfer, avec la permission d’Allah. »

L’ISCAP appelle les musulmans africains à migrer vers la RDC.

Un autre activiste s’adresse aux musulmans – en particulier à ceux d’Afrique de l’Est, du Sud et du Centre – les exhortant à migrer vers la RDC.
« Vous contentez-vous de survivre en terre d’incroyance plutôt que de migrer vers l’État islamique ? » a-t-il demandé, avant de poursuivre : « Vos frères Ansar et moudjahidines attendent votre arrivée et s’en réjouissent. »

Exécution de chrétiens ougandais : un message adressé au président ougandais

Une scène choquante de la vidéo montre des combattants de l’ISCAP exécutant des chrétiens ougandais. L’un des combattants, s’exprimant au nom du groupe, a décrit cette exécution comme « un message adressé au tyran ougandais [le président Yoweri] Museveni, à ses soldats et à ses compagnons ».
Comparant Museveni au pharaon de la Bible, il déclare : « Vos paroles ne nous effraient pas. Votre ancêtre Pharaon les a dites à notre ancêtre, le prophète Moïse. Mais finalement, le Pharaon et ses soldats ont péri noyés, et le prophète d’Allah, Moïse, et ses compagnons ont été victorieux. Et ce sera bientôt votre fin. Vous, vos soldats et vos compagnons serez détruits, avec l’aide d’Allah. »

Dans la vidéo, un autre activiste de l’ISCAP lance également un appel au recrutement pour les musulmans de RDC, d’Ouganda, de Tanzanie, du Burundi et du Rwanda : « Nous vous disons : le djihad est la voie de votre gloire et de votre survie, et Allah vous l’ordonne.
Celui qui vous a ordonné de prier, de jeûner et d’accomplir le pèlerinage est celui qui vous a ordonné de mener le jihad pour soutenir votre religion et combattre ses ennemis.
Alors, répondez à l’appel de votre créateur et rejoignez les camps militaires des moudjahidines dans les jungles de la foi, ou participez au combat contre les armées des chrétiens et des juifs, où que vous soyez. »

Conversion des chrétiens

La vidéo met également en lumière les efforts de Da’wa de l’ISCAP pour convertir les chrétiens à l’islam.
Elle montre des images de chrétiens récitant apparemment la chahada, tout en soulignant que les efforts du groupe ont permis à « des dizaines » de chrétiens d’embrasser l’islam.

En conclusion, un membre de l’ISCAP, s’exprimant en anglais, a nié que le groupe se considère comme les Forces démocratiques alliées (FDA) : « C’est étrange que les médias mécréants nous appellent les Forces démocratiques alliées – FDA – et oublient que le seul parti qui combat la démocratie et tout le système, c’est l’État islamique. »
Les Forces démocratiques alliées (FDA) sont un groupe armé ougandais fondé en 1995 et regroupant des mouvements islamiques radicaux se sont déplacés en République démocratique de Congo (RDC). Ils ont fait allégeance à l’organisation État islamique en octobre 2017 et ont modifié le nom de l’organisation en Madinat Tawhid wa-l-Muwahidin ou ADF-MTM. Toutefois, l’implication directe de l’État islamique reste sujette à caution.
En avril 2019, l’État islamique a bien revendiqué une attaque menée par les ADF-MTM contre une caserne des forces de la RDC et de la MONUSCO mais n’a pas confirmé ses liens avec les ADF-MTM.
Il semble que les deux structures communiquent sur les activités des deux groupes pour augmenter leur importance.

Selon le journaliste Wassim Nasr, l’EI continue sa campagne dirigée contre les communautés chrétiennes en brûlant églises et habitations dans plusieurs localités du nord est du Mozambique. Cela peut être une action coordonnée de l’État islamique au Mozambique » avec l’EIAC dont il dépendrait.

La progression de Daech en Afrique est un signe très inquiétant car personne ne sait où cela pourra s’arrêter d’autant que son idéologie salafiste-jihadiste est un discours qui peut être considéré comme révolutionnaire par les jeunes qui sont plongés dans la plus grande misère.

La seule formation qui peut s’opposer à Daech est le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn, JNIM) qui pourtant partage la même idéologie.
Mais il semble que certains de ses responsables sont impressionnés par l’expérience syrienne avec l’arrivée au pouvoir d’Ahmed al-Charaa, ancien jihadiste d’Al-Qaida.

(1) Voir : « Opérations conjointes anti-Daech en Syrie » du 26 août 2025.

(2) Voir : « Le groupe État islamique toujours bien présent » du 22 janvier 2025.

(3) Voir : « Un leader du groupe État Islamique neutralisé en Irak » du 17 mars 2025.