La chute rapide du régime de Bachar el-Assad n’avait été prévue par aucun analyste réputé. Suite à l’effet de sidération, les circonstances commencent à s’éclaircir ainsi que les suites possibles – à court terme -.

Ainsi le brigadier général iranien Behrouz Esbati, ancien haut responsable militaire iranien en Syrie, a reconnu dans un discours prononcé au début janvier que l’Iran avait subi une « défaite cinglante » suite à la chute du régime de Bachar el-Assad.

Dans cette déclarations enregistrée dans une mosquée de Téhéran, il précise : « Je ne considère pas la perte de la Syrie comme une source de fierté. Nous avons été vaincus, et vaincus très durement, nous avons pris un coup très dur et ça a été très difficile ».

Par ailleurs, il a révélé que les relations entre Téhéran et Assad s’étaient détériorées dans les mois précédant sa chute. Assad aurait notamment rejeté les demandes de Téhéran de lancer des opérations  contre Israël depuis le territoire syrien après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023.

Il accuse aussi la Russie d’avoir trompé l’Iran en prétendant bombarder des rebelles syriens alors qu’elle ne visait que des zones vides. Moscou aurait également « désactivé les radars », facilitant ainsi les frappes israéliennes contre les positions iraniennes en Syrie.

Interrogé sur d’éventuelles représailles suite à l’élimination du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, le général Esbati a indiqué que l’Iran avait déjà riposté par des frappes de missiles l’automne dernier. Il a toutefois admis que la situation ne permettait pas actuellement de nouvelles actions contre Israël.

Concernant d’éventuelles frappes contre les bases américaines en Irak, il a averti qu’une telle action provoquerait des représailles massives, ajoutant que les missiles conventionnels iraniens ne peuvent pas pénétrer les systèmes de défense américains avancés.

À propos des relations de Téhéran avec Damas, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Esmaïl Baghaï, a déclaré : «notre position de principe sur la Syrie est très claire : préserver la souveraineté et l’intégrité [du pays] et permettre au peuple syrien de décider de son avenir sans ingérence étrangère». Il a également appelé la Syrie à ne pas «devenir un repaire pour le terrorisme». Il a admis que Téhéran n’avait «pas de contact direct» avec le nouveau pouvoir à Damas au contraire d’autres chancelleries qui ont envoyé des missions à  Damas pour prendre contact avec les nouvelles autorités. Pour la Turquie, c’est le ministre des Affaires étrangère en personne qui a fait le déplacement et l’ambassade turque a été rouverte.

Mais le Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ne tient pas encore tout le pays.

Ainsi, le 7 décembre 2024, juste avant la fuite de Bachar al-Assad de la Damas, alors que les forces du HTS étaient toujours positionnées aux abords de Homs, l’« Armée syrienne libre » (soutenue par Washington depuis des années) stationnée dans la région d’al-Tanf ont pris la ville de Palmyre au cœur du désert syrien avec le soutien de l’aviation américaine. La cible était les positions de l’EI dans la région. L’ASL a ensuite poursuivi vers Damas.

Bien sûr, il ne contrôle pas le Rojava (Kurdistan syrien) à l’est de l’Euphrate et la situation est confuse dans le sud avec les Druzes d’un côté, des unités druzes de Deraa qui se sont placées sous le commandement du HTS et les Israéliens de l’autre.

Et Israël ?

Lors d’une réunion du cabinet restreint présidée par le ministre de la Défense Yisrael Katz, une proposition pour une conférence internationale sur l’avenir de la Syrie a été proposée. Selon les informations révélées par « Israel Hayom », la discussion a porté sur les bouleversements en Syrie. La méfiance vis-à-vis d’Ahmed Hussein al-Charaa alias al-Joulani reste vive et les Israéliens s’inquiètent pour la sécurité des minorités druzes et kurdes.

Le ministre Eli Cohen a proposé de promouvoir cette conférence internationale dans le but de « garantir la sécurité de notre frontière nord et permettre à Israël de se défendre activement contre les menaces émanant des groupes rebelles, qui ne sont pas liés aux accords de séparation des forces ».

L’idée de diviser la Syrie en différentes « provinces » autonomes permettrait à garantir la sécurité et les droits de tous les groupes ethniques en Syrie. Cette proposition devrait être abordée lors de la conférence envisagée.

Officiellement, Israël n’a pas l’intention de s’installer durablement en Syrie, mais ne compte pas non plus se retirer des zones occupées jusqu’à ce que la situation soit stabilisée…

Une réunion plus large dirigée par le Premier ministre Netanyahou, est prévue dans les prochains jours pour approfondir ces questions, notamment concernant l’implication turque en Syrie qui inquiète l’État hébreu.

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Texte

Alain Rodier