Dès la chute du régime de Bachar el-Assad, le Kremlin a indiqué être en contact avec les nouvelles autorités syriennes au sujet de ses deux bases : celle du port de Tartous et la base aérienne de Hmeimim, près de Lattaquié.
Les Russes souhaitent garder ces implantations qui sont indispensable comme étape pour la logistique nécessaire au bon fonctionnement de l’Africa Corps et les SMP privées héritière de Wagner sur le continent africain.
Mais les nouvelles autorités en place à Damas sont en phase de la réorganisation complète du fonctionnement du pays. Elles ont de multiples problèmes à régler dans l’urgence dont leur propre fonctionnement. Pour l’instant, Abou Mohammed al-Joulani qui utilise de nouveau son identité réelle d’Ahmed Hussein al-Charab, accepte de rencontrer de nombreux émissaires étrangers dans le but de retrouver une respectabilité personnelle – il est toujours officiellement inscrit sur les listes des terroristes recherchés par les États-Unis – et pour tenter de faire lever les sanctions internationales qui pèsent sur la Syrie suite à la répression féroce de Bachar el-Assad de 2011 et des crimes qui ont suivi.
Les forces russes qui étaient réparties dans de nombreux points du territoire syrien se sont essentiellement regroupées sur les enclaves les plus importantes : le port de Tartous et la base aériennes Hmeimim.
Certaines petites garnisons qui étaient proches de la frontière turque – dont celle de Qamichli au Kurdistan syrien ont demandé à Ankara de franchir la frontière pour être ensuite évacuées par le territoire turc. La base aérienne de Tiyas a aussi été évacuée.
Qamichli le 12/12/2024 ; Source : X
La décision finale de rester ou de quitter la Syrie n’est pas encore faite a souligné le président Vladimir Poutine dans son discours sur la sécurité de la Russie le 19 décembre. Mais même si les Russes parviennent à se maintenir dans ce pays, les conditions seront beaucoup moins « confortables » que du temps de Bachar el-Assad. De nombreux problèmes se poseront dont les rapports avec les populations locales, l’approvisionnement en énergie des enclaves, les relations avec les nouvelles autorités.
Des premières mesures prises par Moscou ne semblent pas privilégier cette option qui est difficilement tenable. Déjà, des matériels militaires sensibles auraient été évacués, les exportations de blé de l Russie qui était le principal exportateur vers Damas ont cessé. De son côté, le HTS a refusé les offres d’aide humanitaire de la Russie. Mais le vrai indicateur sera la destination des navires russes qui ont quitté Tartous et qui font actuellement des ronds dans l’eau en Méditerranée.
Un départ vers la Libye ?
Il est question de transférer une partie des personnels et matériels de Syrie en Libye dans les zones contrôlées par le maréchal Khalifa Haftar, ce à la grande fureur du gouvernement légal de Tripoli.
D’ailleurs, des responsables américains et libyens pensent que Moscou a déjà commencé ces mouvements. Des avions cargo russes auraient transporté des équipements de défense aérienne, incluant des radars pour les systèmes d’interception S-400 et S-300, vers des bases de l’est libyen contrôlées par le maréchal Khalifa Haftar. Les Russes sont présents depuis des années sur des bases aériennes dont la plus importante est celle de Joufra.
Parallèlement, ils ont toujours montré leur intérêt pour les ports de Benghazi et surtout celui en eaux profondes de Tobrouk.
Base de Joufra. Source : X
Cette manœuvre s’inscrit dans le prolongement de la présence russe déjà établie en Libye, notamment via le groupe Wagner, désormais sous le contrôle du ministère russe de la Défense.
Mais là également, la situation politique n’est pas évidente pour les Russes. Si le maréchal Haftar leur est effectivement favorable, il ne tient pas à trop se mettre à mal avec les États-Unis et certains pays européens qui le soutiennent via l’Égypte et les Émirats arabes unis. Que la zone qu’il contrôle devienne formellement le point d’ancrage pour Moscou avec les conséquences pour son influence en Méditerranée (que la Russie perd avec son départ de Tartous) et sur le continent africain, cela ne peut que déplaire en haut lieu. Même le président montant américain risque de ne pas apprécier…
Pour mémoire
Depuis 2014, la Libye a été divisée en deux avec des gouvernements opposés situés à l’est et à l’ouest du pays. Une administration soutenue par l’ONU (mais dont le mandat est venu à expiration) connue sous le nom de gouvernement d’unité nationale, ou GUN, est à l’ouest, et sa rivale connue sous le nom de « Chambre des représentant »s, est installée à Tobrouk à l’est. Elle est soutenue par le maréchal Haftar qui contrôle divers groupes armés.
Au cours de la dernière décennie, chaque gouvernement a tenté sans y parvenir de renverser l’autre. Le conflit est figé ce qui a entraîne une situation sécuritaire fragile.
Comme dans la guerre civile syrienne, la Turquie et la Russie ont engagé leurs forces armées dans la lutte, soutenant les parties opposées.
Le dirigeant du GUN, le Premier ministre Abdul Hamid Dbeibah, a condamné le 19 décembre les initiatives de la Russie, affirmant que le transfert d’autres armes à la Libye constituait « une réelle menace pour la paix et la sécurité dans le pays ». Mais il n’a aucun contrôle sur ce qui se passe à l’Est.
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