L'amiral Robert Peter « Rob » Bauer de la Marine royale néerlandaise, a souligné que le scénario d'un arrêt de la guerre russo-ukrainienne dans lequel le Kremlin se sentirait vainqueur ne serait certainement pas dans l'intérêt des États-Unis.

Lors d’une conférence organisée par l’Institut international d’études stratégiques , L’amiral Bauer, président du comité militaire de l’OTAN, a été interrogé sur la manière dont les alliés européens de l’OTAN réagiraient si l’Administration Trump renonçait à soutenir l’Ukraine. Il lui a été rappelé comment les Européens avaient accueilli sans grande résistance la décision américaine de se retirer d’Afghanistan, ce qui s’est terminé par une évacuation chaotique de Kaboul et le triomphe des talibans.

Pour mémoire, en tant que président du comité militaire de l’OTAN, il est chargé  de définir les orientations militaires de l’OTAN et de conseiller le Conseil de l’Atlantique nord sur les questions militaires aux côtés du secrétaire général (Mark Rutte) et du commandant suprême des forces alliées en Europe (e général d’armée Christopher G. Cavoli).

Bauer a d’abord répondu qu’il voyait une énorme différence entre l’opération alliée en Afghanistan et la situation qui a émergé avec le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie : « En fait, l’Afghanistan n’a jamais eu d’importance stratégique, pour être honnête. Nous y avons passé 20 ans, nous y avons fait beaucoup de choses et des gens y ont perdu la vie. Mais si vous posez la question de savoir si c’était un pays d’importance stratégique, la réponse est non. L’Ukraine a-t-elle une importance stratégique ? Oui. Parce qu’elle est liée au débat sur l’ordre international fondé sur des règles, parce qu’elle est au cœur de l’Europe, parce qu’elle est liée aux ambitions de la Russie et, indirectement, aux ambitions de la Chine».

Commentaire : un observateur averti peut s’étonner du fait que l’Afghanistan « n’avait pas d’importance stratégique mais que l’OTAN y a combattu pendant vingt ans ». Donc les victimes de ce conflit sont mortes pour rien ?

Il aurait également été intéressant de savoir quels sont les « ambitions indirectes » de la Chine en Ukraine.

Ensuite, l’amiral a poursuivi sur l’intention annoncée du « candidat » Donald Trump d’arrêter la guerre en Ukraine en 24 h 00 dès sa prise de fonctions (le 20 janvier 2025) : « Si je regarde ce que le président Trump dit à propos des 24 heures – ce qui est probablement plus une métaphore –  mais disons ‘très rapidement’, alors je ne peux pas imaginer qu’il soit dans l’intérêt des États-Unis de permettre à Poutine de sortir vainqueur de ce conflit. Ce n’est pas dans l’intérêt des États-Unis ».

Bauer a souligné que la Maison Blanche doit également tenir compte de la coopération de la Corée du Nord avec la Russie, car la RPDC fournit non seulement une assistance militaire à la Russie et envoie des soldats, mais reçoit également en échange des technologies militaires et spatiales. Pour lui, cela constitue un défi et un problème pour les États-Unis.

Commentaire : il semble avoir raison sur toute la ligne sauf que l’« envoi des soldats » n’a pas encore été prouvé. Ce qui est très inquiétant, c’est l’apport de technologies militaires russes à la Corée du Nord qui n’en sera que plus dangereuse.

Bauer a également souligné le rôle de la Chine, qui ne fournit pas d’assistance militaire directe, mais aide la Russie à obtenir les biens et les composants nécessaires.

Il conclut : « On ne peut pas résoudre le problème de l’Ukraine sans tenir compte de tous ces autres acteurs. Sinon, cela impactera les États-Unis ».

Enfin, L’officier supérieur de l’OTAN estime également que si les dirigeants occidentaux n’avaient pas été limités dans leurs décisions par le risque d’utilisation d’armes nucléaires par la Russie, ils auraient envoyé leurs troupes pour aider l’Ukraine dans la guerre.

Commentaire : si le dictateur libyen Mouammar Kadhafi n’avait pas volontairement interrompu son programme nucléaire militaire en décembre 2003, il est possible qu’il serait (ou un de ses proches)  encore au pouvoir à Tripoli. Le dictateur nord-coréen Kim Jong Un peut dormir sur ses deux oreilles son pays ayant une force de dissuasion…

Au début 2024, Bauer s’était montré favorable à ce que l’autorisation de frapper à l’intérieur du territoire russe avec des armes fournies par l’OTAN soit donnée à l’Ukraine : « Vous voulez affaiblir l’ennemi qui vous attaque afin de pouvoir non seulement combattre les flèches qui vous parviennent, mais aussi attaquer l’archer qui, comme nous le voyons, opère très souvent depuis la Russie vers l’Ukraine […] Militairement, il y a donc une bonne raison de le faire, pour affaiblir l’ennemi, ses lignes logistiques, le carburant, les munitions qui arrivent sur le front. C’est ce que l’on veut empêcher, si possible ».

Cette autorisation n’a pas été donnée par Washington.

Commentaire : même s’il est vraisemblable que c’est Washington qui a rebattu les carte en Europe après l’effondrement de l’URSS et du Pacte de Varsovie, il est intéressant de constater que nombre de responsables européens sont plus vindicatifs vis-à-vis de la Russie que l’Oncle Sam. Cela est très compréhensible pour les ex-Pays de l’est qui ont subi le joug soviétique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais pour les autres ? Quant à l’expansion de l’OTAN, il suffit de consulter les cartes qui suivent : 1990 (la France n’est revenue dans la structure intégrée de l’OTAN qu’elle avait quittée en 1966 qu’en 2009) & 2024.

Le mandat de Bauer arrive bientôt à expiration et il sera remplacé par l’amiral italien Giuseppe Cavo Dragone.

 

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Texte

Alain Rodier