Suite à l’attaque terroriste du complexe industriel de TAI de Kahramankazan à 40 kilomètres d’Ankara le 23 octobre par deux activistes du PKK, la Turquie a lancé dès le lendemain une offensive de représailles dans le nord de la Syrie et de l’Irak contre différentes milices kurdes. Elle se poursuit discrètement.
Une situation complexe
Il n’existe pas à proprement parler d’un « Kurdistan ».
Depuis la Première guerre du Golfe en 1990-1991, une zone autonome kurde s’étend en Irak du Nord, dirigé par le gouvernement régional du Kurdistan. Cette zone est partagée entre les clans Barzani – proche d’Ankara – et Talabani – proche de Téhéran.
Depuis la révolte de 2011 en Syrie, l’est de l’Euphrate est contrôlé par le Parti de l’union démocratique kurde soutenu par des éléments des Forces spéciales américaines et une langue de terre le long de la frontière turque jusqu’à la province d’Idlib (tenue-même bastion de mouvements islamistes) est partagée entre les Kurdes et les Turkmènes.
Le PKK est présent en permanence dans ces régions kurdes, son état major central étant éparpillé sur les flancs des monts Qandil au nord-est de l’Irak à proximité de la frontière iranienne. Il se sert de ces zones comme base arrière pour mener des opérations en Turquie. Résultat, Ankara considère avec la plus grande suspicion tous les Kurdes et même assimile le PYD syrien au PKK.
La situation déjà extrêmement imbriquée et instable est compliquée par des intérêts étrangers avec des interventions directes des États-Unis (en Syrie et Irak), de la Russie en Syrie et de la Turquie qui poursuit l’établissement d’une zone tampon tout le long de sa frontière avec ces deux pays et ponctuellement par l’Iran.
Dernière action terroriste du PKK en Turquie
Le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a bel et bien revendiqué officiellement l’attaque terroriste d’Ankara, les deux activistes ayant commis l’attentat étant des membres de l’organisation faisant partie du « bataillon des immortels ». Cette faction dîte « autonome » fait penser aux « Faucons de la liberté du Kurdistan » (TAK) une branche soi-disant dissidente du mouvement central créée en 2004 mais qui lui permet de se démarquer des actions les plus violentes.
Mine Sevjin Alçiçek et Ali Örek alias « Rojger », les membres du PKK morts le 23 octobre.
Des propos tenus par la terroriste Mine Sevjin Alçiçek qui a participé à l’attaque inquiètent particulièrement les autorités turques. En effet, celle-ci explique dans une vidéo que « la guerre au Kurdistan ne suffit pas » et qu’il faut «amener la guerre dans les métropoles et étouffer l’ennemi partout où il respire».
Les suites de l’opération de représailles
Non seulement les Turcs procèdent à de nombreuses frappes aériennes, mais ils ont aussi engagé des forces terrestres.
Un convoi militaire composé des forces armées turques est entré en Syrie par le poste frontière de Öncüpınar.
Il est difficile d’estimer les pertes même si les services turcs ont estimé à la suite des opérations aériennes dans le nord de l’Irak le 28 octobre à 23 le nombre de « terroristes » du PKK neutralisés en un jour. Le bilan en Syrie n’est pas connu.
Le co-président de l’énergie du nord-est de la Syrie Ziyad Rustem estime que les dégâts causés aux centrales électriques à eux seuls dépassent largement les cinq millions de dollars. La Turquie aurait aussi coupé l’eau de plus de 460.000 personnes dans le nord et l’est de la Syrie.
Face à cette offensive, l’armée américaine a de son côté souhaité rassurer la population locale en menant des activités de patrouille dans le nord-est de la Syrie.
En réaction aux opérations menées par les forces armées turques, des centaines de personnes ont manifesté à Qamichli, ville syrienne à la frontière turque, pour réclamer l’arrêt des violences.
Des Kurdes de la région de Manbij ont quant à eux manifesté devant une base militaire russe, exigeant le soutien de Moscou et l’arrêt des opérations menées par les forces armées turques.
Outre les Kurdes de la région, c’est la diaspora kurde qui s’est également mobilisée et a manifesté dans plusieurs villes d’Europe comme à Cologne, en Allemagne.
Enfin face a l’offensive, le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes, Mazloum Abdi a menacé directement la Turquie en annonçant que : « Si les attaques au nord de la Syrie continuent, nous réagirons encore plus fort ».
Et pendant ce temps là, la Turquie célèbre le 101èmeanniversaire de la République
Le 29 octobre, la Turquie a célébré le 101èmeanniversaire de la République fondée par Mustafa Kemal Atatürk.
Dans son message, le président Erdoğan a salué les principes durables de la République et présenté sa vision d’une Turquie forte et résiliente sur la scène internationale : « Nous empêchons les terroristes qui vivent à nos frontières de respirer […] Jusqu’à l’instauration d’un pays et d’une région sans terrorisme, nous poursuivrons ce combat […] Lorsque nous détectons une menace pour notre pays, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, personne ne peut nous empêcher de l’éliminer ».
Plus généralement au niveau de la Défense, il a précisé : « nous sommes désormais en mesure de développer les armes dont nous avons besoin dans la lutte contre le terrorisme et nous n’avons besoin de l’autorisation de personne » ajoutant que la Turquie était en train de se doter d’un « dôme de fer » de défense antiaérienne similaire à celui dont dispose Israël, « mais en acier ».
Il a ajouté que la Turquie était également devenue « le plus grand fabricant mondial de drones » et que « depuis 2018, 65 % des ventes de drones armés dans le monde ont été réalisées par des entreprises turques ».
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