Les criminels latino-américains – à l’image des mafieux italiens – aiment à faire des démonstrations de leur dévotion à la foi chrétienne. En réalité, ce ne sont que des simagrées destinées à s’attirer la sympathie des populations qui, elles, sont majoritairement sincèrement sensibles à la religiosité. Mais quand un homme d’église commence à « gêner », ils n’hésitent pas à le liquider.

C’est le cas du Père Marcelo Pérez, prêtre catholique autochtone et chef de communauté des Amérindiens Tsotsil (Mayas) qui a été assassiné le 20 octobre après avoir célébré une messe à San Cristobal de las Casas dans le Chiapas. Sa mort a provoqué un deuil général et des protestations de la part de la communauté où il était connu comme un défenseur des autochtones et de leurs droits.

Le 20 octobre, vers 07 h 20, le Père Marcelo venait de terminer son office à l’église paroissiale de Cuxtitali au nord-est de San Cristobal de las Casas lorsque deux hommes masqués sur une moto ont ouvert le feu sur son véhicule avant de s’enfuir. Huit coups de feu ont été tirés, tuant le prêtre sur place.

Les autorités se sont rendues sur les lieux et ont trouvé le Père mort à l’intérieur d’une Ford Titanium. Les projectiles avaient frappé la vitre latérale du conducteur à hauteur de tête (et un dans la portière arrière) : C’était un tir à tuer.

Le bureau du Procureur général du Chiapas a été saisi de l’enquête.

Le diocèse San Cristóbal a déclaré après le meurtre : « Le désarmement immédiat, le démantèlement des groupes criminels qui prédominent dans la région et de leurs alliés nationaux et internationaux intéressés par la dépossession et le contrôle territorial, sont nécessaires de toute urgence ».

La nouvelle présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, a adressé ses condoléances. Elle a hérité d’une situation sécuritaire catastrophique.

Le Père Marcelo avait déjà été la cible de menaces dans le passé.

En avril 2020, il avait reçu un appel téléphonique menaçant d’un homme qui se présentait comme le « colonel » qui avait dit « … c’est à vous de veiller à ce qu’un massacre ne se produise pas parmi vos paroissiens ».

La semaine précédant cet appel, des paroissiens avaient rapporté avoir vu un homme en train de prendre des photos à l’extérieur de l’église.

À peu près à la même époque, un associé du Père avait reçu un appel téléphonique anonyme l’avertissant que les gens demandaient des informations sur ceux qui travaillaient à l’église paroissiale de Guadalupe où il exerçait.

Le père Marcelo critiquait le crime organisé, particulièrement pour sa prédation sur les populations du Chiapas. Mais il n’était pas plus tendre avec le gouvernement et l’Administration qu’il trouvait corrompus.

Il était une figure de proue des mouvements populaires axés sur la lutte pour les droits des autochtones amérindiens Tzotzil et Tzeltzal

Au moment de son assassinat, il était curé de la paroisse de la paroisse de Guadalupe à San Cristobal, mais il était auparavant curé de la paroisse de la communauté de Pantehlo. Il avait été démis de ses fonctions pour ses liens présumés avec un groupe local d’autodéfense dépendant de la milice El Machete.

En 2022, il avait été accusé faussement par le Bureau du Procureur général de l’État (FGE) d’avoir participé à l’enlèvement de 21 personnes sur  l’autoroute de Pantehlo par le groupe d’autodéfense d’extrême-droite. Le FGE avait même lancé un mandat d’arrêt à son encontre lui mais il avait ensuite été prouvé qu’il n’était en rien impliqué dans cette sinistre affaire. À l’évidence, le but consistait à  « criminaliser » le père Marcelo.

L’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) est un mouvement de guérilla formé en 1983 qui contrôle un vaste territoire du Chiapas.

Depuis 1994, les zapatistes ont créé 43 zones rebelles ou municipalités autonomes zapatistes rebelles (MARE)  ne reconnaissent pas le gouvernement mexicain.

Depuis qu’ils ont déclaré la guerre à l’État mexicain et à ses « politiques néolibérales » en 1994, les zapatistes ont subi des attaques violentes de la part de groupes paramilitaires alignés sur les chefs d’entreprise locaux et le gouvernement fédéral et la violence s’est propagée sur l’ensemble de la région.

Autrefois ancrée dans les revendications sociales anticapitalistes l’EZLN semble aujourd’hui  mêlée à des groupes criminels, qui tentent de dissimuler leurs objectifs dans des revendications des habitants présentées comme légitimes.

En effet, l’État du Chapias vit désormais sous la pression de groupes criminels comme le Cartel de Sinaloa et le Cartel de Jalisco Nouvelle Génération de Jalisco qui se battent pour le contrôle des routes axées sur les trafic de drogue, d’armes et d’êtres humains. Ils se sont retournés vers le Sud car le Guatemala voisin leur ouvre de nouveaux débouchés.

C’est dans ce cadre que, menacé depuis au moins dix ans, persécuté par les autorités, le Père Marcelo Pérez, avait tenté à plusieurs reprises de servir de médiateur dans les conflits locaux. Son affectation à San Cristobal, du moins à ce qu’il semblait, avait suggéré une sorte de retrait de ses activités.

Il sera très difficile de trouver les commanditaires de son assassinat tant ses ennemis étaient nombreux.

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Texte

Alain Rodier