Le 15 octobre, le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller, a révélé le contenu d’une lettre datée du 13 octobre adressée aux autorités israéliennes par les ministres américains des Affaires étrangères et de la Défense, Antony Blinken et Lloyd Austin. Les deux responsables déplorent le faible niveau actuel d'aide humanitaire à Gaza après un an de guerre dévastatrice. Ils indiquent « clairement au gouvernement d'Israël qu'il y avait des changements à faire pour que le niveau de l'aide apportée à Gaza remonte par rapport aux niveaux très, très bas d'aujourd'hui ».

Par ailleurs, ils menace de suspendre « une partie » de leur assistance militaire s’il n’y a pas d’amélioration significative d’ici trente jours.

Mais « en même temps », Washington doit déployer un système antimissile de haute altitude THAAD (Terminal High Altitude Area Defense,  Système de défense de zone terminale de haute altitude) et des servants en Israël pour renforcer les défenses anti-aériennes de ce pays après l’attaque iranienne qui a eu le 1er octobre. Téhéran avait alors lancé quelques 200 missiles balistiques dont la plupart avaient été interceptés. Toutefois, certains avaient frappé le centre et le sud d’Israël.

Israël a promis de répliquer et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré que la riposte serait « mortelle, précise et surtout surprenante ». L’Iran a répondu qu’il ne laisserait aucune attaque israélienne sans réponse.

C’est dans ce cadre que le président Joe Biden a ordonné la mise en place d’une batterie de défense THAAD « pour défendre l’État hébreu ». Chose importante, ce sont une centaine de militaires américains qui serviront ce système d’armes ce qui signifie un engagement direct de l’US Army sur le terrain (« boots on the ground » selon l’expression consacrée).

Le Pentagone a d’ailleurs affirmé que ce déploiement « souligne l’engagement de fer des États-Unis en faveur de la défense d’Israël mais aussi de défendre les Américains en Israël contre toute nouvelle attaque de missiles balistiques de l’Iran ».

Pour le moment, les États-Unis ont au total sept batteries THAAD (deux autres ont été acquises par les Émirats Arabes Unis ). Ils espèrent pouvoir en mettre en service une huitième en 2025.

Après les massacres du Hamas du 7 octobre 2023), une batterie aurait été positionnée au Moyen-Orient, peut-être en Jordanie ? Une est affectée en Corée du Sud et une autre sur l’île américaine de Guam.

Le système THAAD a également été déployé temporairement à plusieurs reprises en Europe ces dernières années.

Une batterie complète du THAAD avait été déployée pour entrainement en Israël fois en 2019.

Les Américains auraient déjà laissé sur place (peut-être dès 2012) le radar à bande X longue portée AN/TPY-2 du système THAAD ; Il serait stocké dans un « site de sécurité conjoint » connu sous le nom de « Site 512 » dans le désert du Néguev. Cela signifie que le THAAD pourrait se déployer sans avoir besoin d’y déplacer son système de capteurs de base…

À noter que les États-Unis renforcent aussi leurs capacités dans la région depuis des mois, notamment avec d’autres moyens de défense antimissile à savoir des destroyers capables d’intercepter des missiles balistiques à mi-parcours. Leur objectif est de dissuader l’Iran et d’être mieux préparés à réagir si un conflit plus large éclate dans la région.

 

Qu’est-ce que le système THAAD?

Le système THAAD fournit une couche supplémentaire de protection contre les menaces aériennes venant de l’intérieur ou de l’extérieur de l’atmosphère terrestre. Les missiles THAAD qui ont une portée annoncée allant jusqu’à 200 km détruisent leur cible à l’impact.

Une batterie THAAD peut comprendre jusqu’à neuf lanceurs-érecteurs-lanceurs, chacun transportant huit intercepteurs prêts à l’emploi, ainsi qu’un radar à bande X AN/TPY-2 à longue portée, un centre mobile de contrôle et de commandement des tirs et divers équipements de soutien. Des intercepteurs supplémentaires seraient également disponibles pour recharger les lanceurs lors d’un déploiement au combat.

Chaque batterie coûte environ un milliard de dollars.

 

La défense antiaérienne israélienne

 

La défense antimissile israélienne comprend de nombreux de systèmes de défense.

Au plus bas niveau, les Forces de défense israéliennes mettent en œuvre des missiles portables Stinger à courte portée. Bien que destinés à faire face aux menaces de basse altitude et à déplacement lent comme les hélicoptères, des dernières variantes peuvent désormais cibler des missiles de croisière et des drones évoluant aussi à basse altitude.

En version mobile, Israël exploite également le système de défense aérienne à courte portée Machbet, un M113 armé de Stingers et d’un canon de type Gatling.

La famille Spyder (SR et MR) de systèmes de défense aérienne mobiles à courte/moyenne/longue portée est utilisée par Israël contre un large éventail de menaces tels les missiles de croisière, les drones, etc. (SR : 15 km, 9.000m ; MR : 50 km, .16.000 m).

La star du système de défense aérienne israélien est le « Iron Dome » qui met en œuvre les missiles Tamirs. Il s’agit d’un système à courte portée connu pour abattre des roquettes en grande partie non guidées tirées depuis le territoire palestinien et le Sud-Liban. Cependant, grâce à des mises à niveau, il peut désormais abattre des missiles de croisière, des drones et bien plus encore. Opérationnel depuis 2011, le système a, dans l’ensemble, maintenu un taux de réussite supérieur à 90 %.

À remarquer que par mesure d’économie de munitions, l’« Iron Dome » n’abat pas toutes les roquettes tirées sur Israël. Il utilise un système de radar et d’intelligence artificielle pour déterminer si une roquette entrante constitue une menace. Il ne lance un intercepteur uniquement si cette dernière risque de toucher une zone peuplée ou une infrastructure.

La « Fronde de David » se trouve au centre du bouclier de défense aérienne d’Israël. Elle est conçue pour abattre les missiles balistiques à courte portée, les drones et les missiles de croisière. Chaque système est doté d’un lanceur vertical contenant jusqu’à 12 missiles intercepteurs Stunner et, contrairement aux Tamirs, est équipé de chercheurs de nouvelle génération, qui permettent au missile de percuter la cible.

La société américaine Raytheon, qui l’a développé avec l’israélien Rafael, a déclaré qu’il est capable de vaincre tous les missiles balistiques à courte portée, soit 92 % de l’inventaire mondial des menaces de missiles balistiques de théâtre. La principale source de données de ciblage du système « Fronde de David » est le radar à balayage électronique actif 3D EL/M-2084 d’Elta.

Au dessus, il y a le système de défense aérienne américain Patriot PAC-2. Bien qu’il ait été développé pour contrer les missiles balistiques, il peut bien sûr affronter d’autres menaces aériennes.

Le dernier et le plus efficace des systèmes de défense aérienne israéliens est l’« Arrow » destiné à détruire les missiles balistiques à longue portée.

Il existe deux variantes : l’Arrow 2 et l’Arrow 3. L’Arrow 3 n’a pas d’ogive explosive et repose sur un tir direct en dehors de l’atmosphère terrestre (exo-atmosphérique). En outre, l’autre différence avec les systèmes « Fronde de David » et « Patriot » est que l’Arrow 3 cible le missile ennemi en milieu de vol, et non au stade terminal.

L’« Iron Beam » est un nouveau système de défense aérienne à énergie dirigée qui est toujours en cours de test en Israël. Il complètera le « Dôme de Fer ». Le faisceau de 100 kilowatts est conçu pour neutraliser les roquettes et les munitions d’artillerie ainsi que les drones mais aussi les missiles antichars. Il utilise un laser à fibre pour générer un faisceau laser afin de détruire sa cible.

L’ensemble de la défense antiaérienne israélienne complétée par les renforts américains est cohérent. Mais, il est toujours très difficile de lutter contre les missiles balistiques en raison de leur vitesse élevée et de leur possibilité de changement de trajectoire en vol, en particulier au cours de leur phase terminale. De plus, le premier danger est la saturation des défenses.

Pour information, le président Volodymyr Zelensky est furieux et demande pourquoi Washington n’accorde pas la même « protection » à l’Ukraine. La réponse est simple : pour la Maison-Blanche, la défense d’Israël est une obligation vitale ; celle de l’Ukraine n’est que de circonstance.

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Texte

ALAIN RODIER