Depuis le début de l’année, les problèmes de terrorisme d’origine salafiste-jihadistes reviennent en force en Fédération de Russie. Ainsi, Le Daghestan connaît une flambée de violences qui laisse à penser qu’une structure clandestine s’y est développée et a décidé de passer à l’action malgré les opérations de police préventives qui se sont répétées au printemps.

Attaques du 23 juin à l’occasion de la fête orthodoxe de la Pentecôte.

En premier à Derbent vers 17 h 55 heure locale, deux groupes de terroristes ont lancé simultanément des engins incendiaires sur l’église orthodoxe de l’Intercession de la Sainte Vierge Marie, rue Lénine, et sur la synagogue Kele-Numaz, rue Tagi-Zade. Les bâtiments ont pris feu. Les assaillants ont alors immédiatement commencé à tirer sur les policiers qui gardaient les bâtiments.

Environ une demi-heure plus tard, un autre groupe a ouvert le feu sur des policiers qui gardaient la cathédrale de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, rue Gromov à Makhatchkala, la capitale du Daghestan.

La fusillade avec la police a eu lieu à quelques mètres de l’église, dans la rue Mirzabekova.

Le média russe Shot écrit qu’il y avait trois assaillants. Quatre policiers ont été tués dans la fusillade et plusieurs ont été blessés.

Au même moment, vers 18h30, un groupe d’individus non identifiés a lancé un cocktail Molotov sur la synagogue de Makhatchkala, rue Ermoshkine.

Ils ont laissé des références à des sourates et des versets du Coran sur les portes du bâtiment. La synagogue est située dans la même rue qu’un poste de police routière si bien que l’attaque contre la synagogue a été immédiatement suivie d’une fusillade avec la police.

Le bilan est évolutif des blessés graves pouvant décéder mais au petit matin du 24 juin, 20 morts et 26 blessés étaient à déplorer.

Sur les cinq assaillants auraient été tués, trois à Makhatchkala et deux à Derbent…

Un véhicule de police aurait également été attaqué dans le village de Sergokal situé entre les deux localités.

L’enquête

La police a arrêté Magomed Omarov, ancien responsable du parti politique présidentiel Russie Unie (dont il a été immédiatement exclu) et maire de Sergokalinsky près de Makhatchkala. En effet, deux de ses fils – Osman et Adil – et un neveu – Abdusamad Amadziev – qui faisaient partie du commando de Makhatchkala ont été neutralisés par les forces de l’ordre. Lors de son interrogatoire, l’édile a reconnu que certains de ses huit enfants avaient versés dans le wahhabisme depuis des années mais qu’il n’avait plus de rapports avec eux.

Un autre terroriste tué a été identifié comme étant le combattant du MMA Gadzhimurad Kagirov.

Le groupe médiatique Al-Azaim associé à l’État Islamique a publié sur le net une déclaration louant l’action des « frères du Caucase » mais n’a pas directement revendiqué l’opération.

Le Kremlin dans le déni

De manière à donner le change auprès de sa population, le Kremlin avance l’hypothèse – déjà utilisée lors du massacre du théâtre du Crocus(1) – que les responsables sont les services secrets ukrainiens et occidentaux.

Dans cette ligne, le président Vladimir Poutine insiste sur le fait que « la Russie ne peut pas être la cible d’attaques terroristes de la part des fondamentalistes islamiques » car elle « démontre un exemple unique d’harmonie interreligieuse et d’unité interreligieuse et interethnique. »

À l’évidence cela permet de faire croire que tout est pour le mieux entre les différentes communautés vivant en Fédération de Russie.

Il n’est certainement pas dupe car il y a trois mois, le service de sécurité intérieur russe, le FSB, a annoncé avoir déjoué un complot de l’État Islamique visant à attaquer une synagogue de Moscou. De plus, au début juin des arrestations d’activistes ont eu lieu au Daghestan.

Mais cela n’empêche pas le patriarche Kirill, chef de l’Église orthodoxe russe et premier propagandiste du Kremlin, d’affirmer que l’« ennemi » cherche à détruire « la paix inter-religieuse » en Russie. Son but serait de « planter les graines de la haine. »

Bref historique

Le Daghestan, l’une des régions les plus pauvres de Russie, est une république majoritairement musulmane. Entre 2007 et 2017, l’organisation jihadiste appelée « Émirat du Caucase » (Wilayat Kavkaz) puis « Émirat islamique du Caucase » a mené des attaques au Daghestan et dans les républiques russes voisines de Tchétchénie, d’Ingouchie et de Kabardino-Balkarie.

En octobre 2023, des émeutes hostiles à Israël avaient éclaté dans l’aéroport de Makhatchkala.

Une foule d’hommes avait envahi son tarmac, en pleines tensions à travers le monde liées au conflit entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, au moment de l’atterrissage d’un avion en provenance d’Israël.

La Russie a été visée à de multiples reprises par des attentats et attaques revendiquées par l’État islamique (EI).

En mars, un attentat revendiqué par l’EI au Crocus City Hall, une salle de concert de la banlieue de Moscou, a tué plus de 140 personnes (1).

Le week-end dernier, plusieurs membres de l’EI ont été tués après avoir pris en otage deux agents pénitentiaires dans une prison du sud de la Russie (2).

Plus globalement, la Russie a été confrontée à une rébellion islamiste au début des années 2000 dans le Caucase, un mouvement né du premier conflit contre la Tchétchénie séparatiste en 1994-1996. Elle avait été défaite par les forces fédérales russes et ces dernières années, les incidents armés s’y sont fait rares.

Près de 4.500 Russes, notamment originaires du Caucase, ont combattu aux côtés de l’EI en Irak et en Syrie, selon des chiffres officiels.

Publié le

Texte

Alain RODIER