Depuis octobre 2023, les rebelles yéménite houthis ont commencé à attaquer des navires avec des missiles et des drones aériens et navals en mer Rouge, dans le détroit de Bab el-Mandeb et dans le golfe d’Aden sous prétexte de soutenir la lutte des Palestiniens dans la bande de Gaza.

Initialement, ces attaques visaient des bateaux allant ou venant d’Israël, mais ensuite, elles se sont étendues à d’autres navires.

Depuis, le Pentagone a enregistré plus de 190 attaques contre des navires militaires américains ou des navires commerciaux au large des côtes du Yémen.

Mais les menaces sécuritaires se sont accentuées à partir de la fin mars, le volume du trafic à travers le canal de Suez et le détroit de Bab el-Mandeb ayant pourtant diminué  de moitié, selon la Banque mondiale.

Une armada internationale dont la plus grande partie est représentée par l’US Navy, a été déployée sur zone pour contrer ces opérations. Les aviations américaines et britanniques ont mené de nombreux bombardements de neutralisation de sites militaires sur le sol yéménite mais cela n’a pas empêché les rebelles houthis de poursuivre leurs raids.

Essai d’un nouveau drone marin qui complète l’arsenal houthi

À la mi juin, ils ont publié une vidéo montrant un de leurs drones naval « Tufan-1 » (également appelé Toofan-1) attaquer un navire cible lors d’un essai.

La vidéo fait suite à des photos du cargo Tutor battant pavillon libérien mais appartenant à la Grèce qui a sombré en mer Rouge ce 19 juin, une semaine après avoir été touché par un autre drone naval houthi.

C’était le deuxième bateau commercial à avoir été coulé après le Rubymar début mars.

Ces « succès » n’ont fait qu’accroître la détermination des activistes.

Un jour après que le Tutor ait été touché, ils ont frappé le M/V Verbena, un vraquier battant pavillon palaisien, appartenant à l’Ukraine et exploité par la Pologne, lors de deux attaques de missiles distinctes. L’équipage a été contraint d’abandonner le navire en raison des incendies persistants et de l’incapacité de les contrôler. Il a fini aussi par couler.

 

Les Houthis avaient commencé à utiliser des drones navals contre les navires en mer Rouge en janvier. En réponse à cette menace, les États-Unis et leurs alliés avaient augmenté leurs opérations qui visaient auparavant que des missiles et des drones aériens.

L’apparition du Tufan-1 laisse à penser que les Houthis se préparent également à déployer ce nouveau drone marin dans leur campagne anti-navigation en mer Rouge s’ils ne l’ont pas déjà fait.

Les Houthis ont une expérience dans le développement et l’utilisation de ce type d’arme qui remonte au milieu des années 2010. Ils ont tenté de multiples attaques à l’aide de ces engins depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, mais n’ont touché un navire que pour la première fois lorsqu’ils ont réussi à engager le Tutor (voir précédemment.)

Malgré des mois de frappes aériennes menées par les États-Unis contre les combattants houthis, les rebelles continuent à menacer des routes maritimes les plus vitales du monde, puisant dans un arsenal d’armes de plus en plus avancées pour attaquer les navires à l’intérieur et aux alentours de la mer Rouge.

Les Houthis prétendent même aller plus loin. Ils ont déclaré le 23 juin avoir mené une opération militaire conjointe avec le groupe militant de la Résistance islamique en Irak soutenu par Téhéran visant quatre navires dans le port de Haïfa, dans le nord d’Israël.

Leur porte-parole habituel, le brigadier général Yahya Saree, a déclaré à la télévision que les deux groupes avaient mené une attaque de drone contre deux cimentiers et deux cargos au port de Haifa le 22 juin car ils « violaient l’interdiction d’entrer dans les ports de la Palestine occupée. »

L’armée israélienne n’a pas fait de commentaire bien qu’elle ait précédemment nié une affirmation similaire faite par les Houthis au début juin.

Le général Saree a également assuré que les Houthis avaient attaqué le Shorthorn Express en Méditerranée en utilisant des drones dans le cadre de la campagne du groupe pour perturber la navigation dans les principales voies navigables. Selon lui : « Les deux opérations ont réussi à atteindre leurs objectifs, et les frappes ont été précises et directes. »

Il a  aussi cité deux autres navires qui auraient été ciblés en mer d’Arabie et en mer Rouge sans qu’aucune confirmation ne puisse être faites pour le moment.

Pourquoi l’Occident semble impuissant ?

Gerald Feierstein, ancien ambassadeur des États-Unis au Yémen qui est maintenant membre du Middle East Institute à Washington constate : « leur capacité à remplacer tout ce que nous détruisons est sans entrave et notre capacité à interdire le matériel entrant dans le pays […] Leur capacité s’est certainement accrue. »

Le porte-parole du Pentagone, le major-général Patrick Ryder, a déclaré que les « Houthis paieraient le prix de leurs attaques les qualifiant d’inacceptables. »

Cet aveuglement est malheureusement significatif. Jamais Washington ne s’engagera massivement au Yémen. L’Afghanistan est passé par là… (sans ressasser sans cesse l’expérience vietnamienne.)

Le Theodore Roosevelt (CVN 71)à Busan en Corée du Sud le 22 juin 2024 devrait remplacer le l’USS Dwight D. Eisenhower.

Pour le moment, l’effort américain dans la région comprend un porte-avions, l’USS Dwight D. Eisenhower et les destroyers et autres navires de guerre qui l’escortent. L’Eisenhower a déployé en octobre et a vu sa mission prolongée à deux reprises par le secrétaire à la Défense Lloyd Austin, alors que le Pentagone donne la priorité au maintien d’une grande puissance de feu dans la région. Il vient de recevoir l’ordre de rentrer aux États-Unis et devrait être remplacé par le Theodore Roosevelt (CVN 71)… et pas sous la pression des Houthis comme le prétend leur propagande.

Mais dans les faits, le sénateur Mike Rounds qui siège au sein des commissions des services de renseignement et des forces armées du Sénat, a reconnu le 18 juin :  « Nous n’avons tout simplement pas la volonté politique de nous en prendre à eux. » Il a attribué la montée des attaques houthies à « des ressources qui leur sont fournies par l’Iran », ainsi qu’à « une technologie améliorée qui a rendu leurs systèmes plus précis. »

Son collègue, le sénateur Mark Kelly a modéré ces propos en affirmant que les destroyers américains et les groupes de combat du porte-avions dans la région ont « plutôt réussis » à perturber les attaques. Les forces américaines, a-t-il dit, ont « dépensé beaucoup de munitions pour protéger le transport maritime. » Toutefois, il a prévenu : « Mais si nous ne protégeons pas cette navigation, nous allons voir des problèmes accrus de la chaîne d’approvisionnement. »

Pour Nadwa al-Dawsari, un chercheur yéménite actuellement en poste au Middle East Institute basé aux États-Unis : les Houthis « utilisent les attaques de la mer Rouge pour se préparer à une escalade au Yémen. »

La situation au Yémen ne fait que traduire l’incapacité occidentale de résister à la montée des périls portée par les « activistes en sandales » (expression imagée lancée la presse) un peu partout dans le monde. Après avoir été contraints de quitter l’Afghanistan après vingt ans de présence, les Occidentaux complètement focalisés par les menaces russe et chinoise, commencent à connaître les mêmes replis en Afrique de l’Ouest.

Parallèlement, ils sont incapables de gérer les situations catastrophiques qui prévalent au Soudan et au Myanmar pour le pas parler de la situation dans le Pacifique.

De plus, la menace du salafisme-jihadisme semble être passée en arrière plan jusqu’au prochain attentat spectaculaire où les « failles » des services de renseignement seront montées en exergue alors que tout le monde sait qu’elle reste omniprésente…

Il y a également la crainte que la guerre en Israël n’embrase toute la région si Téhéran décide de se lancer dans la bataille, ce que la Maison Blanche redoute terriblement.

Il convient de se faire une raison, l’Occident, États-Unis en tête, ne sont plus les « gendarmes du monde. » Sur le plan européen, les Occidentaux ont déjà beaucoup de mal à gérer la situation sur leur propre sol tout en persistant à délivrer un discours « universaliste » auquel la majorité des populations extérieures n’adhèrent pas.

1. Voir : « premiers morts dans lors d’une frappe houthie » du 8 mars 2024.

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Texte

Alain RODIER