Le président russe Vladimir Poutine effectue une visite officielle en Corée du Nord puis au Vietnam les 19 et 20 juin. Il a été accueilli mercredi 19 vers 03 h 00 du matin par Kim Jong Un.

À l’ouverture d’un sommet bilatéral, le dirigeant nord-coréen a salué l’avènement d’une « nouvelle ère » dans les relations avec Moscou et Vladimir Poutine a remercié son hôte pour son soutien à la guerre qu’il mène en Ukraine.

Le président russe signé un « nouveau document fondamental » renforçant les relations bilatérales à long terme déclarant : « le traité pour un partenariat global signé aujourd’hui prévoit, entre autres, une assistance mutuelle en cas d’agression contre une partie du traité […] La Russie et la Corée mènent toutes deux une politique étrangère indépendante et n’acceptent pas le langage du chantage et du diktat. »

Au cours des dernières semaines, les États-Unis et d’autres pays de l’OTAN ont autorisé l’Ukraine à utiliser des armes occidentales contre le sol russe. Poutine a mis en garde contre les conséquences de cette mesure et a déclaré au début juin qu’il envisageait d’armer les adversaires de l’Occident avec des armes à longue portée. La Corée du Nord semble être le premier bénéficiaire de cette décision.

Cité par les agences russes, Kim Jong Un a toutefois précisé que l’accord avec Moscou était purement « défensif. »

Par ailleurs, il a salué avec son lyrisme habituel le rapprochement entre Moscou et Pyongyang : « Les relations entre nos pays entrent dans une nouvelle ère de nouvelle et grande prospérité qu’il est impossible de comparer même à celle de la période des relations soviéto-coréennes du siècle dernier. »

Moscou et Pyongyang sont alliés depuis la guerre de Corée (1950-1953) à laquelle les Soviétiques ont participé discrètement. En plus de livrer des armes, des pilotes soviétiques ont participé à la guerre aérienne qui a été déterminante dans les succès nord-coréens.

Cet épisode baptisé « Mig Alley » en référence aux Mig-15 russes alors engagés contre les F-86A sabre américains tua environ 120 pilotes soviétiques pour 335 avions détruits (plus de 63.000 sorties.)

Les relations entre les deux pays sont devenues plus étroites depuis l’« opération militaire spéciale » russe lancée en Ukraine en 2022.

Le professeur émérite d’études nord-coréennes à l’université de Dongguk, Koh Yu-hwan, a déclaré à l’AFP : « La Russie a besoin du soutien de la Corée du Nord en matière d’armement en raison de la guerre prolongée en Ukraine, tandis que la Corée du Nord a besoin du soutien de la Russie en matière de nourriture, d’énergie et d’armes de pointe pour alléger la pression des sanctions […] La question de l’alliance militaire doit toutefois être considérée séparément de ce qui est annoncé publiquement et de ce qui est réellement discuté lors des réunions entre les deux dirigeants. »

Moscou reste prudent ne voulant pas « brûler complètement les ponts avec des pays comme la Corée du Sud. »

Kim Jong Il et le président Poutine en 2000

Il s’agit de la première visite en Corée du Nord de Vladimir Poutine depuis 24 ans et de la deuxième rencontre entre les deux dirigeants en moins d’un an. En effet, Kim Jong Un s’était rendu en train blindé dans l’Extrême-Orient russe en septembre pour un sommet avec le chef du Kremlin axé sur l’espace.

En mars 2024, la Russie avait utilisé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour mettre fin à la surveillance des violations des sanctions internationales visant la Corée du Nord, un cadeau majeur fait à Pyongyang.

Américains et Européens s’inquiètent depuis des mois du rapprochement entre Moscou et Pyongyang, accusant – certainement fort justement – les Nord-Coréens de livrer massivement des munitions et des missiles à la Russie.

En échange, selon Washington et Séoul, la Russie a fourni à la Corée du Nord son expertise pour son programme de satellites et envoyé de l’aide pour faire face aux pénuries alimentaires du pays.

Plus globalement, une alliance des pays « bannis » par l’Occident est en train de se mettre en place – Russie, Corée du Nord, Iran… – et elle trouve un écho pas particulièrement hostile auprès de pays comme la Chine (1) – qui pourrait se retrouver sur la liste des « bannis » dans les prochaines années -, l’Inde, l’Indonésie, de nombreux pays africains et arabes, etc. qui ne semblent pas vouloir vraiment partager les « valeurs universelles » prônées par Occident.

Pour mémoire, les pays membres du BRICS+ (‘Arabie Saoudite, Iran,  Egypte, Émirats arabes unis, Ethiopie, Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui regroupent plus de la moitié de la population mondiale (mais que 27% de son PIB) sont courtisés par l’Algérie, l’Argentine, le Bahreïn, le Bangladesh, la Biélorussie, la Bolivie, Cuba, le Honduras, l’Indonésie, le Kazakhstan, le Koweït, le Nigeria, la Palestine, la Serbie, le Sénégal, la Thaïlande, la Turquie, le Venezuela et le Vietnam.

D’ailleurs, suite à sa visite en Corée du Nord, Vladimir Poutine est arrivée au Vietnam le 20 juin pour un bref séjour. Il doit rencontrer le nouveau président To Lam, et le secrétaire général du parti communiste (PCV), Nguyen Phu Trong.

Le président russe Vladimir Poutine (à son arrivée au Vietnam, à l’aéroport international de Noi Bai à Hanoï, le 20 juin 2024. PHOTO AFP / NHAC NGUYEN

La Russie a livré des armes à ses alliés communistes durant la guerre du Vietnam,  tout en contribuant à la formation de nombreux cadres du PCV, dont Nguyen Phu Trong.

L’aviation nord-vietnamienne a reçu des Mig-17 et des Mig-21.

Elle continue de vendre au Vietnam des équipements militaires, dans un contexte de tensions en mer de Chine méridionale où Hanoï s’inquiète des visées expansionnistes de Pékin.

En accueillant Vladimir Poutine, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), Hanoï s’expose au mécontentement de ses partenaires occidentaux, les États-Unis en tête, qui considèrent le Vietnam, cent millions d’habitants, comme stratégique en raison de sa production manufacturière et de semi-conducteurs.

Hanoï suit une politique étrangère souple dite la « diplomatie du bambou » qui allie prudence et pragmatisme.

Et en parallèle…

Montrant son intérêt pour sa zone orientale, la Russie mène des exercices militaires combinés (terre – air – mer) du 18 au 28 juin dans l’océan Pacifique et les mers du Japon et d’Okhotsk sous la direction du commandant de la flotte du Pacifique, l’Amiral Viktor Liina.

Une quarantaine de navires, une vingtaine d’avions et d’hélicoptères de l’aviation navale participent à ces manœuvres.

Selon les services de presse russe :  « dans le cadre de diverses phases, les marins pratiqueront la guerre anti-sous-marine, l’organisation de tous les types de défense pour les détachements de navires pendant les traversées maritimes, l’exécution de tirs conjoints de missiles contre des groupes de navires fictifs ennemis et des exercices pour repousser les attaques des drones et des bateaux sans pilote. »

À n’en pas douter, la Russie tient à montrer que même si ses moyens réels restent limités, elle est encore capable d’être présente en de nombreux points du globe(2)…

 

1. Voir : « Russie – Chine – Corée du Nord, l’union sacrée » du 31 juillet 2023.

2. Voir : « Prélude de grandes manœuvres russes dans les Caraïbes » du 11 juin 2024.

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