Le 13 avril 2024 vers 23 h 00 (heure de Paris), le Corps des gardiens de la révolution islamique CGRI iranien (les pasdarans) a annoncé le début de l'opération « Vraie promesse » qui consistait à bombarder le territoire israélien, le premier affrontement direct entre les deux pays. La dernière fois qu’un pays a frappé directement Israël, c’est l’Irak de Saddam Hussein en janvier-février 1991.

Le Conseil suprême de sécurité nationale iranien a approuvé l’attaque proposée par la Force aérospatiale du CGRI. Elle a été conduite sous la supervision de l’état-major des forces armées.

Le chef d’état-major iranien issu des pasdarans, le major-général Mohammad Hussein Baqeri, a qualifié l’opération « Vraie promesse » d’« avertissement. »

Elle a inclus trois vagues au cours de plusieurs heures qui auraient impliqué 185 drones, 110 missiles sol-sol et 36 missiles de croisière tirés par le CGRI et par les mouvements alliés à Téhéran.

Israël, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Jordanie et la France ont intercepté des drones et des missiles à l’extérieur de l’espace aérien israélien.

Pour la petite histoire, le Premier ministre irakien, Mohamed al Soudani, qui entamait une visite aux États-Unis le 13 avril aurait été prévenu par Téhéran 48 heures avant le début de l’attaque. Il est prévu qu’il doit rencontrer le président Joe Biden le 15 avril.

Il est  probable que l’avertissement iranien a été transmis à la Maison-Blanche qui a organisé une réunion de sécurité nationale impromptue sous la présidence du président Biden dès 13 avril (quelques heures avant l’attaque avec le décalage horaire.)

Le 14 avril, la Mission permanente de l’Iran auprès de l’Organisation des Nations Unies a indiqué sur X (Twitter) que l’opération avait été lancée en réponse à la frappe aérienne israélienne du 1er avril visant le consulat iranien à Damas (donc en infraction vis-à-vis des conventions de Vienne) et ayant tué des responsables du CGRI dont deux officiers généraux.

Pour mémoire, ce bâtiment qui jouxtait l’ambassade d’Iran accueillait en Syrie abritait les bureaux du consulat, la résidence de l’ambassadeur (en déplacement à Téhéran au moment des faits) et les bureaux de l’attaché de défense.

Enfin, trois heures après son déclenchement, la Mission permanente iranienne a déclaré  que l’opération « ‘Vraie Promesse’ peut être considérée comme close » tout en prévenant que « si le régime israélien commettait une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran serait considérablement plus sévère. »

Les membres de l’« axe de Résistance » ont participé à l’opération visant l’État hébreu en même temps que la première vague d’attaques.

Le Hezbollah libanais a affirmé avoir tiré des « douzaines » de roquettes ciblant une base israélienne d’artillerie située sur les hauteurs du Golan (en réalité, uniquement quelques roquettes auraient été tirées.).

Les Houthis ont publié deux vidéos promotionnelles sur la destruction d’Israël pendant la vague d’attaque iranienne tout en lançant leurs propres drones vers le port d’Eilat qui na pas été touché car ils ont été abattus au dessus de la mer Rouge.

La milice irakienne, Faylaq al Waad al Sadiq a félicité la résistance islamique en Iraq pour avoir participé à l’attaque visant l’État hébreu. Il semble que quelques missiles sont effectivement partis depuis le territoire irakien et ont survolé la Syrie en direction d’Israël.

L’Organisation Badr a publié un film célébrant l’attaque de l’Iran sur Israël, déclarant que « nous sommes parmi ceux qui se sont vengés » suggérant qu’elle aurait soutenu l’opération contre l’État hébreu d’une manière non définie.

Le cabinet de guerre israélien s’est réuni le 13 avril à Tel-Aviv et a siégé en permanence jusqu’à aujourd’hui. Renseigné à l’avance du déclenchement de l’action, il a d’abord pris certaines mesures préventives : il a fermé son espace aérien, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont évacué plusieurs bases, déployé des avions et mis en alerte maximum la défense aérienne. Les FDI ont donné pour instruction aux habitants le long de sa frontière nord dans les hauteurs du Golan, Eilat, Dimona et Nevatim (région de Negev) de rester à proximité des abris.

Dans la nuit du 13 au 14, le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole des FDI a déclaré lors d’une intervention télévisée « Nous avons intercepté 99% des tirs vers Israël. »

Ce résultat remarquable démontre une fois de plus les capacités du « Dôme de fer » en fonction depuis plus de dix ans. Il a surtout été remarqué la capacité d’interception de missiles balistiques évoluant à grande vitesse et à très haute altitude.

L’espace aérien israélien a rouvert dès le 14 avril matin. La Jordanie et le Liban, pays voisins d’Israël, ainsi que l’Irak, frontalier de l’Iran, ont également annoncé la réouverture le même jour de leur propre espace aérien (fermé le 13 au soir.)

Bref historique

En 1948, Téhéran a reconnu l’État d’Israël. De 1953 à 1979, le Chah a développé d’excellentes relations avec l’État hébreu. Mais en 1979, la République Islamique d’Iran créée par l’Ayatollah Rouhollah Khomeini a fait d’Israël son principal ennemi juste après les États-Unis : « le grand et le petit Satan. »

Mais les relations entre les deux pays n’ont pas toujours été tendues. Dans les années 1980, un dégel à lieu face à l’ennemi commun, l’Irak de Saddam Hussein. Cette période s’est terminée lorsqu’Israël a envahi le sud du Liban en 1982.

L’Iran a créé le Hezbollah au Liban, un parti politique doté d’une branche militaire qui représente la partie chiite du pays. Israël a alors considéré l’Iran comme l’ « ennemi absolu » et a tout fait pour entraver son effort militaire nucléaire.

C’est alors à cette époque qu’a débuté une guerre via ce que l’on appelle aujourd’hui l’« axe de résistance » (ou « axe de la résistance ».) C’est une alliance non conventionnelle que l’Iran a développée au Moyen-Orient composée d’acteurs étatiques, semi-étatiques et non étatiques qui coopèrent pour défendre leurs intérêts collectifs.

Téhéran se considère à la fois comme « partie » de l’alliance mais surtout comme son « leader ».

L’Iran fournit à ces groupes des aides financières, militaires et politiques en échange d’un certain degré d’influence ou de contrôle sur leurs actions. Certains sont de simples procurations qui sont entièrement sous contrôle iranien (Hezbollah libanais, milices chiites irakiennes), tandis que d’autres sont des partenaires sur lesquels l’Iran exerce une influence plus limitée (Houthis, mouvements palestiniens.)

Les membres de l’« axe de résistance » sont surtout unis par leurs grands objectifs stratégiques qui incluent l’érosion puis, à terme, l’expulsion de l’influence américaine du Moyen-Orient, la destruction de l’État d’Israël, parfois les deux. La poursuite de ces objectifs est devenue la pierre angulaire de la stratégie régionale iranienne.

Derniers « incidents »

Depuis décembre 2023, des frappes aériennes attribuées à Israël ont tué au moins 18 membres des pasdarans en Syrie. Au cours celle du 1er avril, sept membres du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) dont deux généraux, ont été tués.

Ces éliminations ciblées visent à émousser le réseau régional de l’Iran qui fonctionne grâce à des connexions personnelles et non institutionnelles. L’élimination de cadres des pasdarans ayant des années d’expérience dans la région et bénéficiant d’un vaste réseau de contacts personnels affaiblit vraisemblablement la position de Téhéran sur zone.

Cette campagne n’est pas sans rappeler les opérations « homo » et « arma » israéliennes qui ont considérablement entravé la recherche scientifique iranienne dans les domaines balistiques et nucléaire.

Juste avant le déclenchement de l’opération « Vraie promesse », la branche navale des pasdarans a saisi le navire MSC (Mediterranean Shipping Company) Aries battant pavillon portugais (mais appartenant au milliardaire israélien Eyal Ofer via la société Zodiac) dans le détroit d’Ormuz…

À son habitude, Téhéran va pouvoir se servir d’un chantage à l’otage dans la suite des évènements. Il y avait 25 marins à bord (nationalité non divulguée) au moment de la saisie du navire.

Que va-t’il se passer ?

Malgré les demandes internationales pressantes à ne pas étendre le conflit, Israël va très vraisemblablement répondre à cette opération mais d’une manière que personne ne peut prévoir.

Téhéran a appelé les États-Unis à « rester en dehors » de son conflit avec Israël. Des informations avaient fait état de messages transmis ces derniers jours par Téhéran à Washington selon lesquels l’Iran indiquait aux États-Unis que ses bases au Moyen-Orient pourraient être visées s’ils participaient à une attaque directe contre la république islamique.

Les médias affiliés au CGRI ont averti séparément la Jordanie qu’il s’agira de la « prochaine cible » de Téhéran si Aman participe à une réponse israélienne à l’attaque de l’Iran.

Le Ministre iranien de la défense, le brigadier-général Mohammad Reza Ashtiani, a averti que l’Iran donnerait une « réponse décisive » à tout pays qui lui permettrait d’utiliser son espace aérien ou son territoire pour mener une contre-attaque contre l’Iran.

Mais Israël possède également des missiles qui n’obligent pas à un survol de territoires étrangers par des aéronefs pilotés…

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Texte

Alain Rodier