L’« opération spéciale » menée par le Russie en Ukraine a tourné à la guerre d’usure qui, à ce rythme, est partie pour durer des années.

Or, dans ce type de conflit, ce qui compte, c’est la capacité d’improvisation, de créativité, de rentabilité et de cadences de production industrielles élevées.

L’expérience a montré dans le passé que les armements les plus modernes – et souvent les plus chers et ayant une complexité à mettre en œuvre et à entretenir – n’apportaient pas un avantage décisif à celui qui en était équipé n’apportaient pas un avantage décisif à celui qui en était équipé.

Hitler attendait beaucoup des Wunderwaffen («  armes miraculeuses »), les armes révolutionnaires censées renverser de la situation militaire catastrophique du Troisième Reich à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La plupart sont restées au niveau du prototype et les autres ont été délivrées trop tard et en trop petit nombre pour avoir un effet opérationnel significatif.

C’est bien sûr différent avec la bombe atomique et heureusement que les Nazis ne sont pas parvenus à la fabriquer…

Pour résumer, il n’existe pas d’arme classique « révolutionnaire » capable de changer le cours d’une guerre.

Dès les premiers mois de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine en 2022, les pertes en hommes et en matériels de part et d’autre ont été effroyables. Du côté russe, les effectifs ont pu, bon an mal an, être recomplétés mais les chaînes de production du complexe militaro-industriel – très lentes à passer en « économie de guerre » – se sont trouvées trop peu productives pour remplacer rapidement les armements mis hors d’usage.

Il a alors fallu s’adapter pour être à même de poursuivre le combat en attendant l’arrivée des armements sortis d’usine.

C’est à ce moment là que sont apparus ce qui a été appelé des armements « Frankenstein » qui sont des assemblages hétéroclites de différents matériels généralement très anciens.

Parmi les « équipements étranges », il a été possible de voir le complexe MC-227 naval à munitions incendiaires de 140 mm A-22 Ogon installé sur le transport de troupes blindé soviétique MT-LB datant des années 1970. Les résultats au feu de ce concept ne sont pas connus mais doivent être comparables à ceux des LRM BM-21 de 122 mm.

Le RBU-6000 « Smerch-2 » 5« cyclone »), un lance-roquettes naval anti-sous-marins de calibre 213 mm soviétique en service depuis les années 60 a été vu sur un camion et sur le châssis d’un T-80. Il peut lancer douze missiles qui explosent ensuite dans l’eau mais il est à noter qu’il était aussi destiné à effectuer des tirs mer-sol.

Il a également été observé des bitubes navals 2M-3S de 25mm, armes de huit décennies d’âge retirées depuis longtemps des navires de guerre et aujourd’hui installées sur des camions et des MT-LB. En mode anti-aérien, au mieux, ces canons peuvent être utiles contre des drones lents. Parallèlement, ils peuvent apporter des appuis feux à terre.

Même des lanceurs de roquettes normalement montés sur des avions et des hélicoptères ont déjà été vus sur des véhicules terrestres. La précision doit être totalement aléatoire.

BTR-80 avec des modules UB-32. Ces paniers lancent des roquettes S-5 ou S-8 non guidées.

Une photo d’un char T-54 avec un canon antiaérien C-60 de 57 mm a été publiée. La tourelle du char T-54 (qui était en production de 1945 à 1974) a été remplacée par une plate-forme avec un canon antiaérien C-60 (produite en 1950-57).

Un canon antichar MT-12 Rapira de 100 mm a été observé sur l’increvable blindé MT-LB.

Les exemples sont certainement beaucoup plus nombreux : on soude ce qui fonctionne encore et ce qui est disponible. Malgré les moqueries relayées par la propagande, tous ces « Frankenstein » sont devenus utiles sur le champ de bataille dans la guerre d’usure où la mobilité et la puissance de feu comptent tactiquement.

Cela n’aura qu’un temps car les Russes ont besoin d’une arrivée massive de matériels qui remplaceront ceux hérités des stocks qui datent de la Guerre froide.

Quoiqu’en dise Moscou, le complexe militaro-industriel n’est pas encore au maximum de ses capacités de production. La meilleure rentabilité ne pourra au mieux être atteinte qu’à l’automne 2024 lorsque les chaînes de montage industrielles seront réellement opérationnelles.

Et dans cet intervalle de temps, les bricolages en tous genres vont se poursuivre.

Deux concepts différents s’opposent

Il y a deux concepts différents.

. La doctrine occidentale qui est devenue totalement dépendante d’une industrie lente, concentrée et coûteuse car c’est le prix de l’ « excellence ». Pour les ingénieurs occidentaux, la haute technologie devrait l’emporter face à l’effet de saturation des matériels ennemis de moins bonne qualité.

. Le complexe hautement étatique russe basé principalement sur la rénovation et la modernisation des équipements existants dont la conception date pour une bonne part de l’époque soviétique. L’importance est la durabilité; la rénovation, la modernisation et crée également des improvisations à utiliser sur le champ de bataille avec des solutions bon marché.

La modernisation d’anciens véhicules entre dans cette stratégie comme celle du BMP-1 AM et du char de bataille T-90M.

Cette guerre donne de nombreuses leçons aux militaires du monde entier. La question est : faut-il privilégier la qualité à la quantité ? La réponse idéale pourrait être : « les deux mon général ! » mais techniquement et surtout financièrement, c’est impossible.

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