Les jours avant le début du Ramadan qui commence le 10 mars vont être critiques pour la situation à Gaza, en Cisjordanie et au nord d’Israël. À savoir que la pression internationale se fait encore plus forte pour qu’une trêve de longue durée soit décrétée à l’occasion du « mois saint par excellence » pour les musulmans.

Mais leur côté, les autorités politiques et militaires israéliennes souhaitent poursuivre leurs opération pour éradiquer le Hamas qui le principal responsable de l’action terroriste du 7 octobre 2023 appelée «  Déluge d’al-Aqsa. »

Les activistes du Hamas mais aussi du Jihad islamique palestinien (JIP) et de groupuscules armés pourraient profiter du Ramadan – mois sacré mais pas pacifique – pour se relancer en impliquant les populations civiles de Cisjordanie, voire les Israéliens arabes.

Bande de Gaza

Bien que les Forces de défense israéliennes (FDI) aient réduit significativement ses effectifs sur zone renvoyant une grande partie des réservistes dans leurs foyers, les unités restant engagées poursuivent leurs actions offensives.

Sur le fond, Israël continue à affirmer qu’il ne pourra pas mettre un terme à la mainmise du Hamas sur la bande de Gaza sans s’attaquer à ville de Rafah frontalière avec l’Égypte. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a précisé que ne pas le faire signerait l’échec de la guerre contre le groupe terroriste.

Dans le secteur nord et au centre de la bande de Gaza, des éléments de la 162ème division blindée Ha-Plada surnommée la « Formation d’Acier » poursuivent leurs opérations.

Les troupes du Corps du Génie Militaire Yahalom appuyés par la Brigade d’Infanterie Nahal de la 162ème division ont effectué un raid le 26 février sur un réseau de tunnels longs de plus de dix kilomètres, passant sous l’hôpital de l’amitié turco-palestinienne et une université voisine pour rejoindre le quartier de Zeitoun à Gaza City.

Ces tunnels ont été détruits par le génie.

Le 25 février, les forces de la 401ème Brigade blindée Ikvot HaBarzelauraient neutralisé plus de trente hommes armés du Hamas dans le cadre d’une opération conduite dans le quartier Zeitoun de Gaza City.

Des troupes de Tsahal en train d’opérer à Gaza dans cette photo autorisée pour publication le 26 février 2024. (Crédit : armée israélienne)

Pour sa part, la Brigade d’infanterie Nahal aurait tué plus de dix activistes du Hamas.

Dans l’ouest de Khan Younès, Tsahal a annoncé que la 7ème Brigade blindée (Sa’ar,la plus ancienne de Tshahal ; elle dépend du commandement Nord), la 35ème Brigade parachutiste et la Brigade d’infanterie Givati ont neutralisé de nombreux terroristes du Hamas lors de combats terrestres et en faisant notamment appel à des frappes aériennes.

Dans la région de Khan Yunès, la 98ème division parachutiste Ha-Esh continue de diriger les opérations de combat, bien que le nombre de ses brigades déployées soit en baisse (particulièrement les unités de réservistes.)

Le véritable drame se déroule sous la surface. La chasse se poursuit pour trouver Yahya Sinwar considéré comme la tête pensante des massacres du 7 octobre et d’autres dirigeants du Hamas.

Selon le ministère de la santé du Hamas Plus de 29 000 personnes seraient mortes à Gaza depuis le début de la guerre. Les chiffres publiés sont invérifiables et ils incluraient les activistes palestiniens tués en Israël et à Gaza mais aussi les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui sont retombés à l’intérieur de la bande de Gaza.

De son côté, l’armée israélienne affirme avoir tué plus de 12 000 membres le Hamas et du Jihad islamique à Gaza, en plus d’un millier de terroristes à l’intérieur d’Israël depuis  le 7 octobre

La plupart de ses résidents de la bande de Gaza sont déplacés; les infrastructures militaires palestiniennes y compris les lance-roquettes, ont été détruites. Il est vrai que les tirs vers Israël ont décru drastiquement.

Rafah est devenue une ville de tente où près d’un million et demi de personnes sont maintenant confinées.

Dans les villes allant du nord à la frontière au cœur de la bande de Gaza, il n’y a pas d’électricité, pas d’égouts, il n’y a pratiquement plus de nourriture que les parachutages (Jordano-américains, jordano-français, etc.) ne parviennent pas à suppléer.

Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré début mars que les habitants des villes frontalières du nord de Gaza ne seraient pas en mesure de rentrer chez eux tant que tous les otages n’auraient pas été ramenés en Israël. Pour lui, la destruction à grande échelle de la bande de Gaza est maintenant le principal moyen de pression pour ramener les otages et faire respecter une nouvelle réalité à Gaza « sans le Hamas. »

Pour lui, la semaine à venir va se montrer cruciale car il existe actuellement une occasion plausible de ramener d’abord certains des otages qui restent à Gaza dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu temporaire. Cet accord serait en cours de négociations entre la CIA, le Mossad par l’intermédiaire du Qatar. Ces dernières semaines, d’autres discussions auraient lieu via le Shin Bet et l’Égypte  avec la « direction des affaires étrangères » du Hamas.

Le contrôle du corridor de Philadelphie entre Rafah et l’Égypte n’a pas encore été réalisé par Tsahal.

Cisjordanie

L’Autorité palestinienne est chargée d’assurer la sécurité et l’administration d’une zone A. Elle gère également l’administration de la zone B, dont la sécurité est en revanche confiée à Israël. L’Etat hébreu, quant à lui, assure les deux missions dans la zone C.

Le Hamas s’accroche toujours à sa tentative d’enflammer la Cisjordanie, ainsi que d’inciter la population arabe israélienne à passer à l’action durant la période du Ramadan.

Du point de vue de la population arabe israélienne, le Shin Bet n’a pas identifié une augmentation des évènements considérés comme « nationalistes » ou une sympathie généralisée pour les actions du Hamas.

Cinq mois après les massacres du 7 octobre, qui se souvient encore à quel point la division était importante avant ces tragiques évènements avec des attaques répétées et en constante augmentation.

Un responsable militaire israélien en Cisjordanie affirme : « il y a la situation en Samarie avant le 7 octobre et ce qui se passe après […] La situation est maintenant beaucoup plus calme qu’avant la guerre. D’une fusillade tous les deux jours en moyenne, nous sommes passés à un évènement par mois. Même les incidents de jets de pierres n’ont plus jamais eu lieu. » Il poursuit : « je me suis demandé pourquoi la situation a tellement changé […] Une partie de l’amélioration de la situation est liée au fait que les activistes du camp de réfugiés de Balata (Naplouse) ne sont plus présents dans la région après toutes les opérations de lutte contre le terrorisme. Il me semble aussi que les Palestiniens peuvent constater qu’à Gaza nous avons été impitoyables […] Nombre d’entre eux ont également du mal à s’identifier à tous les actes de violence et de massacre qui ont été dénoncés. »

Le QG des Brigades de martyr d’Al-Aqsa dans le camp de réfugiés de Balata, bras armé du Fatah bombardé le 18 novembre 2023.

Enfin, il précise que la coordination avec les forces de sécurité palestiniennes (Autorité palestinienne) se poursuit sans interruption, y compris des discussions régulières avec son homologue palestinien ; « et cette coordination ne se produit pas parce qu’ils nous aiment, mais parce que le Hamas est un ennemi commun ».

En ce qui concerne les incidents de violence attribués aux Israéliens dans la région de Cisjordanie, il affirme que « cela n’arrive plus à peine, presque. »

Malgré le calme apparent, les forces de sécurité israélienne dans la région restent en état d’alerte maximale car tout pourrait changer brutalement, en particulier au moment du Ramadan.

C’est pourquoi la Division Judée-Samarie garde encore quatre bataillons renforcés par des forces de défense territoriales dans toutes les colonies de la région. Et même si la période du Ramadan se passe pacifiquement, la plus grande vigilance sera maintenue à l’égard de ce que les Palestiniens appellent le « Jour de la Nakba » le 14 mai.

Nord d’Israël

Sur le théâtre nord, les FDI sont loin de porter un coup décisif au Hezbollah. Les échanges de tirs sont de plus en plus intenses, et au début mars, ils ont inclus des tirs de roquettes dans les profondeurs de la Galilée et des hauteurs du Golan.

Les tirs de missiles antichars dirigés contre la base israélienne de contrôle aérien de Meron deviennent presque routiniers.

D’autre part, l’armée de l’air a bombardé un système de missiles antiaériens du Hezbollah situé à Baalbek, au cœur de la vallée de la Bekaa au Liban, à plus d’une centaine de kilomètres au nord de Metula.

Le centre de commandement pour les opérations est implanté  dans des bunkers souterrains du quartier général du commandement Nord près de Safed. Comme à Gaza, la coordination entre les forces terrestres et l’armée de l’air est la règle.

Une grande partie des attaques dans le nord sont des « éliminations ciblées » qui vont jusqu’à Beyrouth et Damas mais ils sont soit dirigés depuis le bunker de l’armée de l’air à HaKirya à Tel-Aviv, soit depuis le siège de l’Agence générale de sécurité (Shin Bet.)

En général, ces neutralisations ciblées, qui se poursuivent depuis le début de l’année visent  des responsables du Hezbollah libanais mais aussi des Iraniens tués au cœur de Damas.

La précision de ces opérations laisse entendre que les services israéliens sont très bien renseignés pour localiser dans l’espace-temps les cibles à frapper en causant un minimum de pertes collatérales.

Bien malin celui qui sait comment la situation va évoluer d’autant qu’il semble que les dirigeants réagissent au coup par coup.

Quelques constantes tout de même :

. les responsables israéliens veulent non seulement éliminer le Hamas et consorts mais aussi « donner une leçon » aux Palestiniens pour les années à venir ;

. les responsables iraniens et leur allié du Hezbollah ne souhaitent pas que la situation ne dégénère trop avec l’État hébreu, ce qui explique le peu de réactions aux exécutions ciblées ;

. les Américains embourbés en Ukraine et dans la campagne électorale ne veulent pas avoir l’air d’influencer Israël ;

. les Russes jouent toutes les cartes ayant reçu de nombreux responsables palestiniens à Moscou où le Hamas n’est pas classé comme un mouvement « terroriste » ;

. les Européens, comment dire …

 

1. Voir : « ACTIONS VIOLENTES AU LIBAN ET EN IRAN » du 4 janvier 2024.

Publié le

Texte

Alain Rodier