La centrale nucléaire de production d’électricité d’Akkuyu construite pour 20 milliards de dollars par le géant énergétique russe Rosatom dans la province de Mersin en Turquie a été inaugurée en avril 2023. En décembre, les autorités turques ont autorisé la mise en service de la première unité de production d'électricité de la centrale.

Elle devrait être pleinement opérationnelle d’ici 2028 et fournira environ 10 % de la consommation électrique du pays.

Or, un incident inquiétant est survenu, la presse turque annonçant le 13 février l’arrestation d’un technicien vraisemblablement russe. Il serait soupçonné être un activiste de Daech et serait détenteur de faux papiers d’identité.

Le suspect qui faisait l’objet d’une fiche de recherche d’Interpol, a été déféré devant un tribunal et incarcéré en attendant son procès.

Les autorités turques communiquent très peu dans ce genre d’affaire. L’identité et les qualifications professionnelles du suspect n’ont pas été dévoilées au grand public. Cela dit, ce fait divers démontre la dangerosité que peut représenter l’infiltration de sites sensibles par des activistes violents.

Un cas historique

Pour mémoire, le président tchétchène Akhmad Kadirov (le père de Ramzan Kadirov) a été tué dans un attentat le 9 mai 2004 au stade de Grozny qui venait juste d’être rénové. Lors des travaux, la charge explosive avait été noyée par des ouvriers dans le béton d’une colonne portante de la tribune officielle.

Cet attentat qui a fait au moins dix morts et une centaine de blessés a été revendiqué par le « moudjahid » Chamil Bassaïev (lui-même tué le 10 juillet 2006),  le commandant d’un groupe d’indépendantistes tchétchènes.

Chamil Bassaïev. On notera une étrange ressemblance avec le suspect d’Akkuyu…

La lutte turque contre Daech

Au début février, le ministre de l’Intérieur Ali Yerlikaya avait déclaré que la Turquie avait arrêté 147 personnes soupçonnées d’avoir des liens avec Daech dans le cadre d’opérations menées dans 33 provinces.

En janvier, un citoyen turc a été tué par deux hommes armés de Daech dans l’église catholique italienne Santa Maria à Istanbul. La police avait alors arrêté deux personnes soupçonnées d’avoir perpétré l’attaque.

Selon les autorités d’Ankara, Daech désigné comme « mouvement terroriste » en 2013 est la deuxième plus grande menace pour la Turquie après le PKK avant les groupuscules d’extrême-gauche radicale dont le plus important est : le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C).

Le pays a depuis été attaqué à plusieurs reprises par Daech qui a causé la mort de plus de 300 personnes et en a blessé  des centaines d’autres dans au moins dix attentats suicides, sept attentats à la bombe et quatre attaques à main armée.

Le programme nucléaire turco-russe

En vertu d’un accord conclu en 2010, la Russie est responsable de la conception, de la construction, de l’entretien, de l’exploitation et du démontage de la centrale Akkuyu après la fin de sa durée de vie estimée à 60 ans.

La centrale regroupe quatre unités qui abritent des réacteurs de type VVER-1200/513. Une fois achevée, la centrale devrait produire près de 35 milliards de kilowattheures d’électricité par an.

Au-delà du projet Akkuyu, la Russie s’est déclarée intéressée par la participation de ses sous-traitants à la construction de la centrale nucléaire de Sinop sur la mer Noire (le terrain est déjà déboisé, photo ci-après) et des petits réacteurs modulaires (PRM ou SMR en anglais) à fission de faible puissance.

Il n’en reste pas moins que la sécurité des installations sensibles – et en particulier des centrales nucléaires – est un sujet prioritaire surtout en raison de la charge symbolique de l’atome (explosions de bombes, accident de Tchernobyl, etc.). Elle démarre bien en amont des barrières de protection qui entourent les installations, par le renseignement. Il semble que cela soit le cas de cette affaire car elle serait le résultat de la coopération sécuritaire entre Ankara et Moscou.

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Texte

Alain Rodier