Le ministre de la défense Roustem Oumerov a déclaré le 8 février : « le général Valerii Zaluzhnyi avait l'une des tâches les plus difficiles : diriger les forces armées ukrainiennes pendant la grande guerre avec la Russie. Mais la guerre ne reste pas la même. La guerre change et les exigences changent. Les batailles de 2022, 2023 et 2024 sont trois réalités différentes. 2024 apportera de nouveaux changements, auxquels nous devons être prêts. De nouvelles approches, de nouvelles stratégies sont nécessaires. Aujourd'hui, une décision a été prise sur la nécessité de changer la direction des forces armées ukrainiennes. Je suis sincèrement reconnaissant à Valery Zaloujny pour toutes ses réalisations et victoires ».

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait eu un entretien avec le général Valery Zaloujny quelques minutes avant l’annonce faite par le ministère de la Défense. Il a déclaré à cette occasion : «  nous avons parlé des changements dont les forces armées ont besoin. Nous avons aussi discuté de qui pourrait faire parti d’un commandement renouvelé des forces armées de l’Ukraine. Le temps du renouveau, c’est maintenant. J’ai proposé au général Zaloujny de rester dans l’équipe [sans expliquer en quoi cela consisterait]. »

 

Le président Zelensky a donc désigné l’actuel chef de l’armée de terre, le général Oleksandre Syrsky, comme nouveau commandant en chef des forces ukrainiennes.

Le chef de l’État l’a qualifié de « général le plus expérimenté d’Ukraine », soulignant qu’il avait commandé la défense de Kiev au début de l’invasion russe puis la contre-offensive de l’automne 2022 qui avait libéré la région de Kharkiv.

Malgré sa grande expérience de terrain, le général Oleksandre Syrsky âgé de 58 ans (son prédécesseur en a 50) n’a ni la popularité ni la notoriété de Zaloujny.

Il n’a pas une excellente réputation auprès de ses troupes où certains le considèrent comme un officier de formation soviétique peu avare de la vie de ses hommes.

En effet, cet officier général, artilleur de formation, a servi en Afghanistan, au Tadjikistan et en République tchèque. En 1982, il est sorti diplômé de l’École supérieure de commandement militaire de Moscou, le principal établissement d’enseignement militaire supérieur d’Union soviétique. Il s’est installé en Ukraine dans les années 1980 et a servi dans l’Armée rouge jusqu’à la dissolution de l’Union soviétique en 1991.

Le président Zelensky a déclaré qu’il attendait un plan détaillé pour les forces armées cette année, prenant en compte la réalité de la guerre avec la Russie. Il pense qu’il faut adopter une approche différente en matière de gestion, de mobilisation et de recrutement.

 

Mykhailo Podolyak, conseiller du président, a déclaré que cette décision était nécessaire pour réviser les tactiques utilisées lors de la contre-offensive ukrainienne de l’année dernière [qui fut un échec]. Il a fait écho aux commentaires de Zelensky sur la nécessité d’éviter la stagnation sur la ligne de front et de trouver des solutions de haute technologie.

Les réactions à cette annonce ont été mitigées jusqu’à présent, les députés de l’opposition étant les premiers à critiquer ce remaniement.

 

Le maire de Kiev et premier opposant à Zelensky, Vitali Klitschko, a remercié le général Zaluzhnyi pour ses services rendus à Ukraine, ajoutant qu’il espérait que les autorités justifieraient les changements.

Oleksii Honcharenko, ancien maire d’Odessa et député du parti d’opposition dirigé par l’ancien président Petro Porochenko, a déclaré que cette décision était « une énorme erreur » de la part du président. Il a déclaré que cela comporterait des risques pour le pays, ajoutant : « Nous devrons tous payer pour cette erreur. »

 

Un autre député d’opposition, Valentyn Nalyvaichenko, du parti Batkivschina, a déclaré que le leadership militaire pendant la guerre « est quelque chose que nous devons préserver, soutenir, non pas critiquer, mais aider de toutes les manières possibles. »

Dans toutes les guerres de longue durée, la valse des généraux a toujours été la règle. En dehors des dictatures tenues par des militaires, ces derniers doivent rester subordonnés aux autorités politiques auxquelles ils présentent des plans de bataille. Mais ce sont ces dernières qui prennent les décisions finales.

Toutefois, il semble que le président Zelensky estime qu’il n’a plus besoin de stratège militaire puisqu’il parait penser avoir désormais assez d’expérience personnelle pour piloter directement les armées. Ses subordonnés militaires n’auront qu’à mettre à exécution ses décisions.

Ses déclarations laissent entendre qu’il est opposé à une guerre de positions privilégiant le mouvement et si possible, l’offensive, pour libérer le plus possible de territoire ukrainien. Cela dit, il est confronté à de nombreuses difficultés (1). L’avenir dira s’il a raison.

 

1. Voir : « SITUATION EN UKRAINE DÉBUT FÉVRIER » du 7 février 2024.

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Texte

Alain Rodier