Depuis quelques jours, l’Iran a décidé d’être plus offensif avec les « groupes terroristes anti-iraniens » qui auraient leurs refuges au delà des frontières. Après l’Irak du Nord et la Syrie touchés par des missiles balistiques iraniens le 15 janvier, le dernier pays à être impacté a été le Pakistan le 16 janvier matin. Islamabad a répondu el 18 matin par un bombardement de « repaires terroristes » en Iran.

La frappe iranienne du 16 janvier aurait touché dans le Baloutchistan pakistanais le village de Koh Sabz à environ 45 km de la frontière et à 90 km de la ville de Panjgur. Les responsables locaux décrivent cette zone faiblement peuplée par des tribus baloutches (présentes des deux côtés de la frontière) comme un point de la contrebande de marchandises, de drogues et d’armes.

Des responsables d’Islamabad ont affirmé  que deux enfants avaient été tués et trois autres blessés lors de la frappe iranienne.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, s’exprimant à Davos, a insisté sur le fait qu’aucun citoyen pakistanais n’avait été pris pour cible, mais seulement des membres du groupe Jaish al-Adl : « Nous ne ciblons que les terroristes iraniens sur le sol du Pakistan. »

Effectivement, le Jaish al-Adl (« armée de justice ») est un groupe de musulmans sunnites qui milite pour l’indépendance du Sistan Baloutchistan.

Il a mené par le passé de nombreuses actions violentes dans le sud-est iranien mais aussi dans la profondeur de son territoire.

Il a coopéré avec des groupes séparatistes kurdes en Iran et a également dénoncé l’intervention iranienne dans la guerre civile syrienne.

Les médias d’État iraniens prétendent que le Pakistan, l’Arabie Saoudite et les États-Unis sont les principaux soutiens de ce groupe.

Réaction pakistanaise

Mais le Pakistan indigné par cette opération a déclaré qu’elle avait eu lieu « malgré l’existence de plusieurs canaux de communications.»

La première conséquence de cette action considérée comme hostile par Islamabad a été de rappeler son ambassadeur en Iran et d’empêcher son homologue iranien de revenir d’un déplacement à Téhéran.

Le Pakistan a ensuite répliqué le 18 janvier matin par une frappe aérienne effectuée par des chasseurs-bombardiers et des drones à une vingtaine de kilomètres à l’intérieur du territoire iranien lors de l’opération « Marg Bar Sarmachar. » Les cibles étaient des « cachettes terroristes » dans la province frontalière du Sistan Baloutchistan iranien.

Le ministère pakistanais des Affaires étrangères a confirmé les frappes dans un communiqué et a déclaré qu’« un certain nombre de terroristes ont été tués au cours de l’opération basée sur les renseignements. »

Islamabad a affirmé que ses actions visaient uniquement les « terroristes » connus sous le nom de Sarmachars.

Le ministère des Affaires étrangères pakistanais a fait savoir que « cette action est une manifestation de la détermination sans faille du Pakistan à protéger et défendre sa sécurité nationale contre toutes les menaces » mais qu’il « respecte pleinement » la « souveraineté et l’intégrité territoriale » de l’Iran et que « le seul objectif de l’acte d’aujourd’hui était la poursuite de la sécurité et de l’intérêt national du Pakistan, qui sont primordiaux et ne peuvent être compromis. »

Les médias iraniens ont rapporté de leur côté que trois femmes et quatre enfants avaient été tués.

Dans les faits, les deux pays s’accusent depuis longtemps d’héberger des groupes militants qui mènent des attaques dans leurs régions frontalières.

Globalement, le Pakistan et l’Iran entretiennent des relations délicates mais relativement cordiales. Cette attaque a eu lieu alors que le Premier ministre pakistanais et le ministre iranien des affaires étrangères se sont rencontrés à Davos et que les marines iranienne et pakistanaise aient mené des exercices militaires conjoints dans le Golfe persique.

La Chine a exhorté mercredi le Pakistan et l’Iran à faire preuve de « retenue » et d’« éviter des actions qui conduiraient à une escalade de la tension.» Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mao Ning, a ajouté que Pékin considérait ces pays comme des « voisins proches ».

Les tirs iraniens en Irak et en Syrie

Le 15 janvier, l’Iran a tiré des missiles balistiques sur la Syrie et le Nord de l’Irak contrôlés par les Kurdes. L’Iran a déclaré qu’il visait en Irak l’agence d’espionnage israélienne Mossad, qui, selon lui, avaient été impliquées dans les attentats de Kerman(1) et en Syrie l’État islamique (Daech).

La frappe contre l’Irak a touché un bâtiment dans la ville d’Erbil, dans le nord du pays. Quatre civils ont été tués et six blessés lors de l’attaque, selon les autorités locales.

Peshraw Dizayee, un magnat de l’immobilier multimillionnaire, a été tué lorsqu’un missile a frappé son domicile, a déclaré le Parti démocratique du Kurdistan au pouvoir.

Les États-Unis ont condamné cette attaque.

L’Iran a ensuite frappé la province d’Idlib dans le nord-ouest de la Syrie, qui est le dernier bastion de l’opposition dans le pays et qui abrite 2,9 millions de personnes déplacées.

Toutes ces frappes aériennes surviennent au moment où la tension s’aggrave dans l’ensemble du Moyen-Orient avec la guerre qui fait rage entre les Israéliens et le groupe palestinien Hamas à Gaza.

Téhéran affirme ne pas vouloir s’impliquer dans un conflit plus large mais des groupes de son « axe de la Résistance » qui comprend les Houthis au Yémen, le Hezbollah au Liban et divers milices en Syrie et en Iraq, ont lancé des attaques contre les Israéliens et leurs alliés pour manifester leur solidarité avec les Palestiniens.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont lancé des frappes aériennes contre les Houthis(2) après avoir attaqué le transport maritime commercial.

Vraisemblablement excédé par de récentes attaques meurtrières sur le sol, l’Iran semble avoir l’intention de se venger de ceux qu’il considère comme responsables.

En décembre dernier, le Jaish al-Adl avait attaqué un poste de police à Rask, une ville proche de la frontière avec le Pakistan.

Il y a deux semaines, l’Iran a subi sa pire attaque intérieure(2) depuis la révolution islamique, lorsque deux bombes ont tué plus de 90 personnes lors d’une cérémonie à Kerman pour commémorer l’assassinat par les États-Unis du tristement célèbre Gardiens de la révolution Qassem Soleimani.

Pour le moment, Téhéran fait surtout une démonstration des capacités missilières avec des frappes régionales. Cette politique est aussi à usage intérieur, les autorités iraniennes voulant à démontrer à leur propre population que les actes de violence ne resteront pas impunis.

Plus globalement, il semble que la diminution progressive de position de leadership des États-Unis pousse les uns et les autres à régler leurs comptes sur le terrain.

Même quand les Américains répliquent comme au Yémen contre les rebelles houthis dont ils ont bombardé pour la quatrième fois les installations, les résultats tactiques semblent faibles puisque les missiles et autres drones continuent à harceler les navires – même militaires – qui transitent par la mer Rouge.

Il semble que les USA ne font plus vraiment peur, que ce soit politiquement, économiquement ou même militairement…

 

1. Voir : « ACTIONS VIOLENTES AU LIBAN ET EN IRAN » du 4 janvier 2024.

2. Voir : « FRAPPE ALLIÉE CONTRE LES HOUTHIS AU YÉMEN » du 12 janvier 2024.

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