À la mi-décembre 2023, les autorités turques ont arrêté trois dirigeants notoires d'Organisations criminelles transnationales (OCT) lors d'opérations coordonnées menées à Istanbul et dans la province méridionale d'Antalya.

Thomas Josef Konrad

Identifié comme le cerveau d’un important réseau de trafic de drogue opérant entre la Pologne, le Maroc, l’Italie et l’Espagne, Thomas Josef Conrad été appréhendé à Alanya dans le sud de la Turquie. Il faisait l’objet d’une « Notice rouge » d’Interpol.

Jinking Pen

Jinking Pen accusé de fraudes et d’activités illégales en Chine qui faisait également l’objet d’une « Notice rouge » rouge d’Interpol, a été arrêté dans le quartier de Fatih à Istanbul.

Daniel Alexander Müller

Daniel Alexander Müller, le troisième dirigeant arrêté était en fuite d’Allemagne où il était suspecté de trafic de drogue après une saisie de cocaïne.

Muller a été capturé à Beyoğlu, Interpol ayant émis une notice de diffusion, soulignant l’urgence de sa capture dans l’attente d’une « Notice rouge ».

À l’occasion de ces arrestations, le ministre turc de l’intérieur Ali Yerlikaya a déclaré : « nous sommes déterminés à nettoyer notre pays des organisations du crime organisé nationales et internationales et des trafiquants de ce poison [la drogue] ».

Pour mémoire, la criminalité turque contrôle depuis des dizaines d’années la « route des Balkans » qui achemine de l’héroïne depuis l’Afghanistan vers l’Europe. Depuis la prise de pouvoir des taliban à Kaboul en 2021, il semble que la source soit en train de diminuer considérablement. L’Afghanistan (le « Croissant d’or ») ne serait plus que le deuxième producteur d’opium après le « Triangle d’or » (Laos, Myanmar -Birmanie-, Thaïlande, une partie du  Vietnam et la province chinoise du Yunnan). Mais la voie de pénétration vers les consommateurs européens semble toujours transiter par la Turque d’autant que la voie nord de la « route des Balkans » passant par la Russie étant coupée en raison du conflit ukrainien.

Ces opérations font suite à une série d’arrestations menées ces dernières semaines en Turquie contre les réseaux du crime organisé international.

Ainsi, en novembre Hakan Ayık, un fugitif de premier plan recherché en Australie pour trafic de drogue a été interpelé. Il avait été décrit en juin 2021 comme « l’homme le plus recherché d’Australie ». Officiellement, il était le propriétaire du Kings Cross Hotel à Istanbul.

À ses côtés, 36 autres individus impliqués dans un vaste syndicat international du crime, poursuivis par les autorités américaines et néo-zélandaises, ont également été appréhendés.

Il est surnommé le « gangster de Facebook » également connu sous le nom de Reis. Son « narco-business » s’étendait de l’Amérique latine à l’Australie, aux Pays-Bas, à Hong Kong, à la Corée du Sud et à l’Afrique du Sud.

Le ministre turc de l’Intérieur, Ali Yerlikaya, a déclaré que cette arrestation s’inscrivait dans une procédure diligentée contre la bande de motards « Commanchero motorcycl club » qui, selon lui, serait impliquée dans le trafic de drogue, de meurtres, de vols et de blanchiment d’argent dans le monde entier. Certaines bandes de « bikers » sont connues pour occuper une place de choix dans le monde des OCT (1).

Ce qui est significatif est le fait qu’il travaillait également aussi avec le consortium de Triades chinoises « Sam Gor » alias « the company » qui regroupe les organisations criminelles Bambou Uni, Grand Cercle, Sun Yeen On et Wo Shing Wo.

Shaun Monaghan

Lors d’une autre opération au début du mois de décembre, Shaun Monaghan, le chef d’un gang britannique notoire impliqué dans le trafic de drogue, d’armes et les vols à main armée, a été arrêté à Istanbul.

Il dirigeait une organisation criminelle dans la région du Nord-Est de l’Angleterre. Recherché au Royaume-Uni, il avait une « Notice rouge » d’Interpol sur sa tête.

Shamil Amirov

Une autre opération récente contre le crime organisé a conduit à la capture de Shamil Amirov, un haut responsable du groupe criminel russe lié aux « Voleurs dans la loi » (Vory v Zakone).

Pour une fois, la justice turque via ses forces de sécurité, a décidé de sévir contre le crime organisé qui est historiquement très implanté dans ce pays. Il est vrai que l’autre lieu privilégié par les OCT en Europe est l’Espagne mais ce pays commence à être moins confortable, Madrid ayant décidé depuis quelques années que la mansuétude avait ses limites. Ces affaires mettent en lumière la coopération qui semble être la règle entre les différentes Organisations criminelles transnationales… La seule manière de lutter efficacement contre elles est aussi la coopération internationale dans les domaines policiers et judiciaires. C’est sur ce dernier point qu’il y a un blocage car les législations des différents pays ne sont pas identiques et parfois même contradictoires – notamment dans le domaine des extraditions -. En raison de sa puissance financière qui lui permet d’infiltrer et parfois de corrompre la société civile, les OCT représentent un danger existentiel pour la société.

 

1. Voir : « Opération policière contre les bikers en Autriche » du 3 juillet 2023.

Publié le

Texte

Alain Rodier