Le « G9 et la Famille » est la fédération criminelle haïtienne la plus puissante de Port-au-Prince. Elle regroupe neuf gangs de la capitale haïtienne. Fondée en juin 2020 par l’ancien policier Jimmy Chérizier alias « Barbecue », elle a permis aux gangs qui en sont membres d’étendre leurs territoires et a offert aux politiciens une outil utile pour réprimer leurs adversaires.

Territoires des gangs de Port-au-Prince (estimation d’octobre 2022).

Cette coalition anciennement liée au président haïtien Jovenel Moïse, assassiné le 7 juillet 2021(1) et à son parti haïtien Tèt Kale (PHTK) au pouvoir, a assuré des votes et a apaisé les troubles sociaux dans les quartiers qu’elle contrôle. Aujourd’hui, elle rencontre des problèmes liés à une série de décès de certains de ses « boss » et à une confrontation avec une autre coalition de gangs, le G-Pèp très implanté dans le bidonville «  Cité Soleil » (voir carte ci-avant).

Pour l’instant le G9 reste un acteur criminel local sans lien avec des activités criminelles transnationales comme le trafic de drogue.

Cela s’explique par le fait que les membres des gangs se concentrent sur la politique nationale, mais aussi parce que chaque groupe reste financièrement indépendant de la coalition, ce qui limite les investissements criminels à grande échelle. Leur principale source de revenus est le racket. Cela revêt plusieurs formes allant de la prédation pure et simple jusqu’à la gouvernance criminelle de certaines zones.

D’un côté, il y a l’imposition de « paiements de protection » aux entreprises locales, aux vendeurs ambulants et aux chauffeurs de transports publics auxquels viennent s’ajouter les enlèvements contre rançons de riches comme de pauvres.

De l’autre, le G9 a facilité la reprise des services publics tels que l’approvisionnement en électricité et en eau en échange de rémunérations.

Le trafic d’armes régional pourrait également être l’une des activités criminelles émergentes du G9, même s’il n’existe pas suffisamment de preuves pour en être certain. Il est possible que la fédération utilise ses contacts gouvernementaux pour rester constamment approvisionnée en armes légères et en munitions, ses hommes restant mieux équipés que les forces de police. Il est vraisemblable qu’elle vend des armes à de petits gangs au sein de son réseau criminel.

Plus largement encore, il existe des liens politiques présumés avec des policiers et des représentants du gouvernement au sein de l’administration Moïse. L’immunité de ses membres a été la règle puisque très peu de suspects ont été arrêtés. Ces liens ne se sont pas interrompus après l’assassinat du président.

Enfin, au niveau national, il a été rapporté que le G9 aspire à travailler avec des organisations criminelles en dehors de Port-au-Prince afin d’étendre son influence à travers le pays. Déjà le G9 entretient des relations  avec onze autres organisations criminelles prenant parfois le nom de « G20 ».

Parmi les candidats potentiels à ce partenariat figurent le « Gang 400 Mawozo » de la commune de Ganthier au centre d’Haïti et le « Gang Savien » du département nord de l’Artibonite.

Mais avec plus de 150 gangs actifs dans le pays, le G9 a aussi et des adversaires qui contestent sa suprématie.

Ainsi « Black Alex Mana », le chef du gang Belekou affilié au G9 a été abattu par un autre membre du gang le 21 novembre à peine une semaine après en avoir pris la direction.

Il avait succédé à Isca Andrice, alias « Iska » chef de longue date du gang Belekou et co-fondateur du G9. Il est décédé par balle le 10 novembre mais rien n’a filtré sur les circonstances de sa mort. Iska était considéré comme le chef militaire du G9 tandis que Jimmy Chérizier  « Barbecue » en était le visage politique.

Le 15 novembre, la Police nationale haïtienne a mené une vaste opération de sauvetage au Centre hospitalier Fontaine, dans le bidonville de Port-au-Prince  « Cité Soleil ». Un gang lourdement armé avait encerclé l’hôpital.

Le fondateur de l’hôpital, José Ulysse, a déclaré que des membres du « Brooklyn Gang », sous le commandement de Jean-Pierre Gabriel, alias « Ti-Gabriel », chef de l’autre grande alliance criminelle du pays, le G-Pèp, avait effectivement pris le contrôle de la zone environnante, traditionnellement un territoire du G9.

 

L’attaque est survenue malgré une trêve signée en juillet par les principaux dirigeants du G9, « Iska » et « Barbecue » d’un côté et du G-Pèp, Ti-Gabriel et Mathias Saintil de l’autre.

L’attaque du Centre Hospitalier Fontaine était la première action contre les bastions du G9 depuis la mort d’Iska lui-même responsable du siège de l’enclave de « Cité Soleil » gouvernée par Ti-Gabriel. Ce blocus restreignait l’accès du G-Pèp aux routes principales reliant la capitale aux autres régions du pays.

Les zones entourant l’hôpital, dont Belekou, le territoire d’Iska donnent accès à des infrastructures majeures dont le Terminal Varreux, le plus grand port pétrolier du pays. Cette zone a été le théâtre de combats antérieurs et offre au groupe qui la contrôle un précieux financement provenant du racket.

Selon ReliefWeb, le service d’information du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, fin novembre, les violences qui ont éclaté à « Cité Soleil » ont fait plus de 170 morts et déplacé plus d’un millier de personnes,.

À l’évidence, le G-Pèp cherche à exploiter la confusion qui règne au sein de la direction du G9 suite à la mort de certains de ses cadres les plus importants pour s’imposer comme l’alliance criminelle dominante.

Ses affiliés ont également mené des offensives dans divers quartiers de Port-au-Prince, notamment à Bel-Air et le Village de Dieu respectivement au nord et au sud de la capitale.

En dehors de l’insécurité générale qui est de mise à Haïti du fait de la puissance des gangs et de la faiblesse de la classe politique due à la corruption généralisée, les populations sont soumises aux catastrophes naturelles de grande ampleur. En effet, elles sont exposées aux risques d’ouragans, d’inondations, de tremblements de terre et à la sècheresse…

 

1. Voir : « Haïti : qui est derrière l’assassinat du président Jovenel Moïse ? » du 12 juillet 2021.

Publié le

Texte

Alain Rodier