Même si la situation est globalement différente, les stratèges israéliens ont suivi de près ce qui s’est passé en Ukraine ces deniers temps. Leur objectif est de ne pas renouveler les fautes stratégiques et tactiques qui ont été commises des deux côtés.

Ainsi, l’échec la « contre offensive » lancée début juin par l’armée ukrainienne a été intéressant à étudier pour Tsahal.

Comment les forces ukrainiennes très motivées  – qui peuvent dans un certain sens être comparées à l’armée israélienne –  ont échoué à atteindre leurs objectifs qui, globalement était de bouter l’envahisseur russe du pays.

Comme cela a été écrit précédemment, la situation est différente mais il y a tout de même un parallèle : les Ukrainiens devaient briser une défense statique (et enterrée) russe. Tsahal doit faire de même avec le Hamas, le Jihad islamique palestinien (JIP)  – et quelques groupuscules associés -.

Par contre, le problème israélien est complexifié par le terrain (zone urbaine à forte densité de population) et les otages dont la vie ne coûte pas cher pour les geôliers terroristes.

Si aucune solution tactique ne peut être tirée de la tragique expérience ukrainienne pour obtenir un succès sur un autre théâtre d’opérations, des « erreurs » peuvent être évitées.

Quelles sont les erreurs commises ?

1. Les forces au sol ont cruellement manqué de défense anti-aérienne mobile. Cela a permis à l’aviation russe, et particulièrement à ses hélicoptères Ka-52, de casser l’effort blindé-mécanisé ukrainien. Le cas de Gaza est différent mais la menace aérienne est représentée par la capacité des activistes palestiniens à poursuivre leurs tirs de roquettes sur le territoire israélien. L’opération en cours n’a pas encore permis de mettre fin à ces bombardements.

2. L’excès de confiance a poussé le commandement ukrainien à négliger la planification alors que Kiev et ses alliés occidentaux étaient parfaitement conscients de l’étendue des défenses russes dans la profondeur. Il semble que l’état-major israélien – comme le reste de la population de l’État hébreu – a été totalement surpris et sidéré par l’attaque terroriste du 7 octobre. La planification des opérations actuelles a été conçue dans l’urgence et, apparemment, avec beaucoup d’improvisations. Pour le moment, le commandement israélien semble plus gérer au jour le jour sans avoir de stratégie à long terme. L’ordre a été donné de détruire le Hamas, mais après ?

3. L’insuffisance en véhicules de combat lourds et de munitions d’artillerie semble avoir été un facteur déterminant. L’Ukraine aurait reçu moins de 200 chars de bataille et environ 350 véhicules de combat d’infanterie en 2023. En outre, l’armée ukrainienne était déjà confrontée à une pénurie d’équipements individuels dans les mois qui ont précédé la contre-offensive. Kiev se retrouve complètement dépendant des fournisseurs occidentaux qui, à plusieurs reprises, n’ont pas réussi à honorer les commandes passées. Là, il semble qu’Israël n’est pas dans cette configuration même si Tsahal utilise des matériels parfois anciens. L’important est la manière dont ils sont servis et qu’ils ne viennent pas à manquer.

4. Tout au long de la contre-offensive, les commandants ukrainiens et de l’OTAN ont été  en désaccord sur la tactique à employer. Les conseillers de l’OTAN espéraient changer en quelques années des décennies de doctrine soviétique appliquées par l’armée ukrainienne. À une offensive blindée-mécanisée de grande ampleur qui n’a pas réussi a succédé une tactique d’engagement de petites unités à pied. Ces deux tactiques n’ont pas permis de percer les défenses russes.

Israël sait pertinemment que cette guerre va se terminer au combat au corps à corps dans les ruines des immeubles et dans les tunnels. Les pertes seront conséquentes et les otages vraisemblablement sacrifiés. C’est un engagement classique de guerre asymétrique avec deux facteurs essentiels : le quadrillage du terrain après conquête accompagné d’une chasse de destruction des éléments opérationnels adverses.

5. Au cours de la contre-offensive, la Russie a réussi à innover parvenant à étendre la portée de ses drones Lancet, à utiliser massivement de bombes planantes et à augmenter la production de véhicules blindés. Cette année, les usines russes ont livré entre 450 et 600 VCI et plus de 500 chars (dont des T90M, T72B3M, T-80BVM et T62M). Bien que la moitié de ces chiffres soient constitués de chars qui peuvent être qualifiés d’« anciens » cela indique néanmoins des livraisons continues. Les Palestiniens ont des stocks importants mais ne pourront pas être ravitaillés, c’est un grand avantage pour Israël.

Comme le dit la maxime, on sait quand commence une guerre, on ne sait pas quand elle se termine. C’est vrai dans les cas ukrainien et israélien. Mais encore un point commun à ces deux conflits : le camp qui a tort quelques soient les bonnes (ou mauvaises) raisons invoquées, c’est celui qui l’a déclenché. La responsabilité des suites dramatiques lui incombent au premier chef.

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Texte

Alain Rodier