Le 17 octobre, l’'Ukraine a déclaré avoir détruit neuf hélicoptères, un système de défense aérienne, un dépôt de carburant et d'autres équipements sur les bases aériennes de Berdiansk (région de Zaporizhzhia, au sud-est de l’Ukraine) et de Luhansk (Donbass, à l’est de l’Ukraine).

Elles constituent d’importantes plaques tournantes pour les opérations héliportées des forces aérospatiales russes en Ukraine.

L’attaque sur Berdiansk aurait eu lieu à 04h00 heure locale (01h00 GMT) et sur Luhansk à 11h00 heure locale. Berdiansk se trouve à environ 85 km de la ligne de front la plus proche, tandis que Luhansk est à près de 100 km.

Il n’y a eu aucune confirmation indépendante de l’attaque, ni aucun commentaire de la part de l’armée russe.

Les images parues sur les réseaux sociaux montrent l’épave d’un missile M39  MGM-140A ATACMS Block I, le premier ATACMS à courte portée mais plus lourdement chargé en sous-munitions.

Elle a été retrouvée dans la région de Berdiansk. Cette variante de missile a une portée d’environ 165 km.

Ces attaques contre deux bases aériennes russes en Ukraine fournissent les premiers signes majeurs de l’utilisation du système américain ATACMS, un missile balistique à courte portée promis à l’Ukraine mais personne ne savait s’il était arrivé. Un article paru dans le Wall Street Journal indique qu’« un petit nombre de missiles ont été secrètement envoyés en Ukraine (en octobre) ».

Variantes ATACMS (U.S. Army)

Au début du conflit, fournir à l’Ukraine des munitions à fragmentation de toutes sortes semblait une possibilité « lointaine », mais la situation a radicalement changé avec la décision de livrer plusieurs milliers d’obus d’artillerie à fragmentation provenant des stocks américains.

Au-delà de la question des armes à sous-munitions, l’idée d’envoyer des ATACMS a également été un problème majeur pendant de nombreux mois, avec, entre autres, une possibilité d’escalade du conflit.

Les aéronefs au sol seraient des cibles très évidentes pour ces missiles, tout comme les parcs de véhicules, les dépôts de munitions et les systèmes de défense aérienne (dans un rayon de plus de 320 km).

Plus précisément, la sous-munition M74, qui semble avoir été utilisée lors des attaques sur les bases aériennes, mérite d’être examinée de plus près (source américaine) :

chaque M39A1 ATACMS, qui utilise le GPS et la navigation inertielle, transporte 300 de ces sous-munitions. Lors de son attaque finale, le missile exécute une rotation stabilisée, la force centrifuge dispersant les petites bombes. La taille de la zone d’effets ATACMS et la densité de la distribution des bombettes peuvent être modifiées en sélectionnant la hauteur de largage. Chacun des M74, de type balle de baseball, a un design asymétrique pour donner encore plus d’effets lors de sa sortie. Dès qu’elle atteint 2.400 tours par minute, la fusée est armée. Les centaines de M74, chacune transportant une ogive à fragmentation hautement explosive, frappent le sol presque simultanément, créant d’importants éclats d’obus ainsi que des explosions.

Les autres armes « longues distances »

le Vilkha-M est une roquette d’artillerie à un système de lancement multiple (MLRS) modifié datant de l’ère soviétique. Elle a une portée de 100 km avec des plans annoncés pour augmenter cette portée à 150 km.

Ensuite, il y a les missiles de croisière mis en œuvre depuis des aéronefs – le Storm Shadow délivré par le Royaume-Uni et le très similaire SCALP-EG fourni par la France – qui font désormais partie de l’inventaire ukrainien et qui ont été utilisés de manière notable, notamment pour frapper des cibles en Crimée occupée.

Dans sa configuration d’exportation, le Storm Shadow a une portée officiellement déclarée de plus de 250 km, bien que les exemples britanniques semblent avoir une portée beaucoup plus grande, de l’ordre de 560 km.

L’Ukraine dispose désormais également de son propre missile de croisière d’attaque terrestre, avec une modification de son missile antinavire Neptune. Des responsables ukrainiens ont déclaré que le Neptune converti avait une portée d’environ 400 km et une charge utile de plus de 350 kg, ce qui en ferait le missile ou la fusée d’attaque au sol à plus longue portée et à plus grande charge utile construit par l’Ukraine.

Dans le passé, l’Ukraine a également réutilisé des drones de surveillance à réaction de l’ère soviétique en les armant d’ogives explosives et en les envoyant dans des missions « suicide » comme des missiles de croisière.

D’autres modèles de drones à longue portée ont également été utilisés de la même manière, frappant des cibles russes dans la profondeur (dont Moscou).

Tout cela soulève une fois de plus la question de la vulnérabilité des installations critiques aux attaques aériennes. À maintes reprises, l’Ukraine a réussi à lancer des attaques contre des bases aériennes russes, non seulement sur les territoires occupés mais aussi au plus profond des frontières russes. Bien entendu, l’ajout d’ATACMS à l’arsenal ukrainien ne fait que rendre encore plus difficile la défense future de la Russie contre ce type d’opération.

Publié le

Texte

Alain Rodier