Des troubles ont éclaté au Kurdistan syrien (le Rojava) dans l’est de la Syrie après que des Kurdes membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) aient arrêté le 27 août le leader du clan arabe al-Agaidat (de la tribu al- Baggara) Ahmed Khbeil alias Abou Khawla.

Ce dernier exerçait les fonctions de commandant du Conseil militaire de Deir ez-Zor, lié aux FDS. Il avait été invité avec plusieurs de ses adjoints à une réunion à Hasaka pour s’expliquer de la non participation de ses forces à une opération lancée par les FDS contre Daech. Ils ont tous été arrêtés sur place.

Quelques heures après l’arrestation d’Abou Khawla, les FDS ont lancé une « opération Renforcement de la sécurité » à Deir ez-Zor, affirmant qu’elle faisait suite aux appels des commandants de la région et des chefs tribaux pour mettre fin aux attaques de l’État islamique (EI).

Un communiqué officiel des FDS stipule que « cette opération, aux objectifs bien définis, complète les opérations antérieures dans les zones d’Al-Jazeera et de Raqqa. Ses principaux objectifs consistent à éradiquer les cellules terroristes de l’EI, à contrecarrer leurs attaques potentielles et à poursuivre les criminels responsables d’injustices contre la population locale.Il vise également à traquer les passeurs qui exploitent les moyens de subsistance de la population ».

Toutefois, certains voient dans ce renforcement une tentative visant à empêcher la résistance des partisans d’Abou Khawla dans la région.

D’ailleurs, le média DeirEzzor24 a rapporté que trois membres du Conseil militaire de Deir ez-Zor ont été tués lors d’affrontements qui ont eu lieu le 28 août avec les FDS.

Pour Farhad Shami, le porte-parole des FDS : « trois combattants non identifiés ont été tués après avoir attaqué leurs forces ». Des couvre-feux ont été imposés par les FDS à Hasaka et dans les villes voisines suite au développement.

L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a rapporté de son côté qu’un chef tribal pro-iranien a appelé les tribus arabes à « libérer Deir ez-Zor des méprisables Kurdes ».

Jalal al-Khabil, le frère d’Abou Khawla a appelé le clan al-Agaidat à assiéger le quartier général des FDS afin de faire pression sur les FDS pour qu’elles libèrent les prisonniers.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont annoncé la nomination d’un nouveau chef du Conseil militaire de Deir ez-Zor. À savoir Abou Laith Khisham, qui était auparavant adjoint d’Abou Khawla, a été choisi par les FDS pour assumer le rôle de nouveau chef du conseil. Il est notamment issu de la même tribu al-Baggara que son prédécesseur, Abou Khawla.

Selon Nicholas A. Heras, directeur principal du département de stratégie et d’innovation de l’Institut New Lines, un think tank américain : « il y avait de fortes indications selon lesquelles Abou Khawla utilisait les FDS comme un outil pour construire son propre pouvoir indépendant à Deir ez-Zor […] Le haut commandement des FDS a eu des relations tendues avec Abou Khawla ces dernières années (il avait été arrêté quelques jours en 2017) et il est probable qu’il allait lancer une rébellion contre les FDS dans la province ». Pour cet observateur, « de nombreux membres de la tribu al-Baggara travaillent avec le gouvernement Assad et les Iraniens disposent de réseaux de renseignement de longue date en son sein ». Enfin, il dresse un portrait peu flatteur Abou Khawla : « un mercenaire à louer qui  a beaucoup changé de camp, y compris avec l’EI ».

 

Un peu d’histoire

Les Forces démocratiques syriennes FDS sont une coalition militaire formée le 10 octobre 2015 à l’initiative des Américains pour fédérer la résistance face aux avancées de Daech. Bâties autour de la résistance Kurde qui a héroïquement résisté aux coups de boutoirs des salafistes-jihadistes, les Américains décident d’y associer des tribus arabes proches de l’Armée syrienne libre (ASL) afin de ne pas donner prétexte à la Turquie d’intervenir directement.

Depuis, leur mission a évolué. Tout en continuant à pourchasser les activistes de Daech éparpillés dans la nature mais toujours dangereux, les FDS empêche surtout le régime syrien de reprendre le contrôle de la partie du pays située à l’Est de l’Euphrate.

Il n’empêche que cette région est partagée entre les Kurdes syriens (considérés comme des « terroristes » par Ankara car assimilés à des « cousins du PKK »), les tribus arabes, des forces de la coalition emmenée par les États-Unis, de Turquie (sans mandat international pour les uns comme pour les autres), par des troupes russes (avec l’accord de Damas) et en sous-main Téhéran qui surveille ce qui se passe… Autant dire que la situation est aujourd’hui ingérable en l’état…

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Texte

Alain Rodier