Poussée par l’Alliance atlantique qui voulait des résultats après la livraison en nombre d’équipements lourds et avant le sommet de Vilnius, l’armée ukrainienne a donc lancé sa contre-offensive il y a maintenant plus d’un mois. Or, celle-ci, malgré quelques succès locaux, n’a pas encore permis d’enfoncer les lignes de défense russes.

Pourtant, Kiev n’avait pas lésiné sur les moyens, en engageant quelque 30 brigades à l’assaut, soit un quart de l’armée ukrainienne(1), appuyées par plus de 600 pièces d’artillerie. Bien renseigné par l’OTAN, l’état-major ukrainien planchait sur un enfoncement spectaculaire des défenses ennemies, comme cela avait été le cas autour de Kiev en septembre 2022. Mais cela ne s’est pas reproduit. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet échec. Tout d’abord, le nombre de pièces d’artillerie déployées n’a pas été suffisant pour pouvoir écraser au maximum les premières lignes puis tenir les positions conquises pour stopper toute contre-attaque éventuelle, et en même temps frapper tous les sites stratégiques adverses jusqu’à 40 km en profondeur.

Autre faiblesse : le manque de munitions d’artillerie –malgré les millions d’obus livrés par les Occidentaux(2)– lié au problème d’approvisionnement, étant donné la diversité des calibres et des équipements. En effet, chaque brigade est équipée différemment, et c’est la même chose au niveau des bataillons, voire des batteries d’artillerie ! Autre problème : la faiblesse des équipements du génie, trop peu nombreux et rapidement détruits dès le début de la contre-offensive.

Ce qui, pour le moment, empêche les Ukrainiens de manœuvrer et d’ouvrir le front, c’est l’artillerie russe. Bien qu’elle ait beaucoup souffert après un an de guerre, qu’elle ait subi des pertes très importantes et qu’elle manque, elle aussi, de munitions, l’artillerie russe est encore bien présente et a réussi à stopper les colonnes blindées à coups de munitions téléopérées et de drones kamikazes. Les Russes n’ont pas été surpris par l’attaque ukrainienne. Ils ont eu le temps de construire un dispositif défensif solide.

D’autant qu’ils ont quand même tiré des leçons de leurs échecs à répétition. Et, profitant des faiblesses ukrainiennes en matière de lutte antiaérienne de courte portée, l’aviation russe a réapparu ; spécialement ses hélicoptères d’attaque, qui ont causé des pertes dans les colonnes blindées adverses.

Très rapidement, l’état-major de Kiev a compris, à la vue de la progression de 8 km2 par jour, que les objectifs étaient trop ambitieux, les moyens trop dispersés et peut-être sous-utilisés, et que ses brigades allaient s’épuiser et fondre en hommes et matériels sur les premières lignes avant d’atteindre la ligne de défense majeure.

Il est possible que les alliés de l’Ukraine lui aient conseillé de s’arrêter, de réorganiser ses unités d’assaut avec encore plus de blindés, de matériels et de munitions, et de se concentrer sur un seul front pour réaliser la percée de la victoire. Sinon, le scénario qui semble apparaître est celui d’une guerre d’usure.

(1) Selon les experts, l’armée ukrainienne aligne 80 brigades de manœuvre, dont une soixantaine sont de bonne qualité tactique.

(2) Ainsi, depuis un an les États-Unis ont livré à l’Ukraine plus de 2 millions d’obus, dont beaucoup de munitions de 155 mm.

Bonne lecture
Eric Micheletti

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