Le 23 mai, deux groupes armés, le « Corps des volontaires russes » (RDK) et la Légion « Liberté de la Russie » (LSR) ont déclaré avoir agi de concert depuis l’Ukraine. Les attaquants avaient deux chars et dix véhicules blindés. Ils auraient été soutenus par des drones légers.

Le Kremlin a exprimé sa « profonde préoccupation » et appelé à faire « plus d’efforts » pour empêcher ces incursions, sur le sol russe. La dernière a eu lieu les 21 et 22 mai dans la région de Belgorod.

Si l’armée russe assure avoir « écrasé » avec son aviation et son artillerie les combattants infiltrés sur son territoire, des attaques de drones se sont poursuivies dans la région dans les jours qui ont suivi.

Vyacheslav Gladkov, le gouverneur régional de Belgorod a rapporté que deux femmes ont été tuées et qu’au moins douze personnes ont été blessées. Les médias russes ont rapporté qu’environ 500 maisons ont été endommagées lors de l’attaque, dont 200 ont été détruites. Les habitants qui avaient fui vers la ville de Belgorod ne sont pas encore rentrées dans certains villages car les autorités tentaient de sécuriser la zone du district de Grayvoron.

Elles ont affirmé avoir neutralisé 70 activistes qualifiés de « nationalistes ukrainiens » qui avaient mené une mission de sabotage visant à détourner l’attention des gains de la Russie dans la ville de Bakhmut.

Mais Denis Kapoustine alias Nikitine, le responsable de cette opération a déclaré pour sa part que les pertes totales de son unité s’élevaient à deux tués et dix blessés. Il a ajouté : « bien sûr, l’armée ukrainienne a pris nos blessés. Mais rien de plus que cela rendrait les choses difficiles […] Chaque décision que nous prenons… au-delà de la frontière de l’État est notre propre décision. De toute évidence, nous pouvons demander à nos camarades [ukrainiens], à nos amis, leur aide pour la planification ».

Le raid transfrontalier audacieux des mouvements RDK et LSR embarrasse toutes les parties. D’abord les Russes qui, une fois de plus, montrent leur incompétence tactique. Ils ne sont même pas capables de protéger leur propre territoire.

Les Américains – et moins directement les pays de l’OTAN – car la mise en avant de nationalistes russes d’extrême droite combattant du côté ukrainien fait désordre.

Enfin Kiev qui craint que la volonté des alliés occidentaux de fournir des armes pourrait en être affectée. Il convient de souligner que Washington exige que le régiment Azov ne reçoive pas d’armes américaines… D’autant que certains blindés Maxxpro ont des marquages troublants comme sur des véhicules pris à l’ennemi par les nazis (c/f photos ci-après).

Mais un objectif plus immédiat et plus important pour Kiev est de forcer le Kremlin à déployer des forces dans les régions frontalières de Belgorod, Bryansk et Koursk. Cela devrait diminuer la présence militaire russe en Ukraine et faciliter la contre-offensive tant attendue.

Les formations russes alliées de l’Ukraine

Le « Corps des volontaires russes » (RDK) est apparu le 2 mars 2023 en revendiquant une première incursion en Russie dans la région frontalière de Briansk.

Il est dirigé par Denis Kapoustine alias Nikitine « White Rex », figure connue du milieu hooligan et d’extrême droite en Russie. Il organisait en Ukraine des combats d’arts martiaux. Il est décrit par l’Anti-Defamation League (une organisation non gouvernementale fondée par l’organisation B’nai B’rith aux États-Unis dont l’objectif est de lutter contre toute forme d’antisémitisme et de discrimination) comme « un néo-nazi russe ».

Kapoustine admet que son groupe est de droite mais à la qualification de « nazi » il répond : « j’ai mon opinion, c’est un ensemble d’opinions patriotiques, traditionalistes, de droite […] vous ne me trouverez jamais agitant un drapeau avec une croix gammée, vous ne me trouverez jamais levant la main dans un signe d’Hitler ».

Il vivait en Allemagne, où la police l’a décrit comme « l’un des militants les plus influents » du mouvement d’extrême droite. Après son retour en Russie, il a rejoint l’Ukraine en 2017 où il a noué des liens avec le régiment Azov connu pour avoir défendu la ville de Marioupol au printemps 2022.

Un des combattants photographié après le raid du 22 mai est Alexeï Levkine un chanteur, militant néonazi, meurtrier russe et militaire, d’abord au sein du régiment Azov puis du Corps des volontaires russes.

 

La Légion « Liberté de la Russie » (LSR)

Créée au printemps 2022, la Légion « Liberté de la Russie » (LSR) dont l’emblème est un drapeau blanc, bleu et blanc au milieu duquel il y a un poing fermé (style club de karaté) serait composée de militaires russes ayant changé de camp est également classée « terroriste » par la Russie.

Son chef politique serait l’ancien député russe Ilia Ponomariov (en civil sur la photo en compagnie du chef militaire « Ceasar »), le seul à avoir voté contre l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014. Il s’est par la suite installé en Ukraine.

Ceasar serait un « un ancien militant politique, qui a gravité autour de pas mal de groupuscules de droite, nationalistes et monarchistes, avant de s’en détourner ». Il aurait notamment milité pour « Mouvement impérial russe », une organisation identifiée comme terroriste par les États-Unis avant de s’en détourner lorsqu’elle s’est engagée aux côté des séparatistes du Donbass.

Les formations militaires constituées de Russes anti-Poutine ressemblent historiquement – en beaucoup plus modeste – à l’Armée de libération russe connue sous le nom d’« Armée Vlassov ». Il est vrai que l’Histoire ne se répète jamais mais le sort de cette unité fut tragique.

Enfin, il est à souligner que les activistes d’extrême-droite russes sont très majoritairement restés au pays ou ont rejoint les républiques autoproclamées du Donbass pour combattre les Ukrainiens.

Publié le

Texte

Alain Rodier