Un train logistique russe a été observé quittant la ville d’Arseniev, dans la province de Primorsky où se trouve la base centrale de stockage et de réparations n°1295. Sa destination finale n’est pas connue mais il y a fort à penser que ce n’est pas pour un musée…
Les exemplaires filmés sont d’après le « Conflict Intelligence Team », une organisation russe indépendante :
• des T-54-3 produits entre 1952 et 1955 avec une tourelle améliorée, un viseur télescopique TSh-2-22, un générateur de fumée TDA et une meilleure protection des roulements et des appareils électriques contre la poussière ;
• des T-54B produits entre 1957 et 1959 avec un nouveau canon rayé D-10T2S de 100 mm équipé d’un stabilisateur Cyclone, l’ajout d’un système auto-obturant pour les réservoirs de carburant.
S’il a bien été constaté que depuis 2022, les forces russes en Ukraine utilisaient déjà des vieux T-62, ce serait la première fois que des T54/55 ont été observés rejoignant vraisemblablement l’Ukraine même s’il n’y a pas de certitudes.

Le premier prototype du T-54 a été fabriqué à Nizhny Tagil à la fin 1945. Il remplaçait le T-34. Il est devenu le principal char de bataille soviétique à la fin des années 1950. Il a également été livré à l’ensemble des pays membres du Pacte de Varsovie. La tourelle du T-54 a un blindage de 80 mm sur les côtés, de 30 mm sur le dessus et de 20 mm sur l’arrière. Il emporte 43 obus et peut, selon le modèle, être armé de deux mitrailleuses de 7,62 mm ou une coaxiale de 7,62 mm et une antiaérienne de 12,7 mm.
83.500 chars de ce type ont été fabriqués par l’URSS. La Pologne et la Tchécoslovaquie en ont produit 21.000 exemplaires « sous license ». La Chine a fabriqué la réplique T-59 et l’a fourni à la Corée du Nord, au Nord-Vietnam, au Laos et au Cambodge.

Les T-54 et T-55 ont été engagés dans de nombreux conflits à partir du milieu du siècle dernier et sont les chars de bataille (1) qui ont le plus été « testés au combat ». Après plus de 70 ans d’existence, un grand nombre est encore opérationnel.

Sur le plan technique, ce char de bataille est complètement obsolète et ne fait pas le poids face à ses homologues occidentaux qui doivent arriver sur le champ de bataille dans les semaines à venir. Même les « Leopard 1 » et les T-64/72/80 déjà présents le surclassent techniquement largement.
Si la question des pièces de rechange ne se pose pas vraiment car il suffit aux logisticiens russes de cannibaliser les milliers d’exemplaires encore en stock, celui des munitions de son canon D-10T2S de 100 mm peut être problématique car la Russie n’en fabriquerait plus depuis des années. Cela dit, ce n’est pas le cas de la Chine ni de la Corée du Nord…

À noter que 28 M-55 slovènes (version améliorée du T-55) sont en service dans l’armée ukrainienne depuis 2022…

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, les Forces armées russes ont perdu près de 1 900 chars (source Oryx). Elles ont donc besoin de disposer de nouveaux chars. Toutefois, ce type d’armement ne peut être fourni qu’à la cadence d’une vingtaine d’exemplaires par mois. La Russie puise donc dans ses réserves mais ces blindés doivent d’abord être révisés, de nombreuses pièces – souvent vitales – ayant disparues (marché noir ?)… Cela permettrait un renfort de 90 chars/mois, soit un total de 110 chars/mois… Mais l’armée russe perdrait en Ukraine une moyenne de 150 chars/mois !

Maintenant, il y a aussi quelques avantages. Le personnel pouvant servir ce blindé qui est connu depuis des générations est nombreux. Ce blindé est extrêmement rustique et facile d’entretien. Certes, l’efficacité de son canon ne porte qu’à 1 000 mètres et quand le char est à l’arrêt, mais les conditions d’emploi en Ukraine dépassent rarement ces performances. Le nombre de blindés disponible est prépondérant – les chars occidentaux n’arriveront qu’au compte-gouttes -. Ce qui compte vraiment, c’est la qualité et la motivation des servants. Ce sont ces dernières caractéristiques fondamentales qui posent question. Les tankistes russes sont-ils prêts à se « sacrifier » pour l’« opération spéciale » ?

1. Dans les batailles d’experts en armements, les T-54/55 ne sont pas considérés comme des « chars de bataille » – ne répondant pas à tous les critères de définition.

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alain rodier

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