Le président Vladimir Poutine a déclaré dans un communiqué publié le 5 janvier : « compte tenu de l'appel de Sa Sainteté le Patriarche Kirill [NdA : Cyrille], je charge le ministre russe de la Défense d'introduire un régime de cessez-le-feu sur toute la ligne de contact entre les parties en Ukraine à partir de 12 h 00 le 6 janvier de cette année jusqu'à 24 h 00 le 7 janvier ».

Le président russe a appelé les forces ukrainiennes à respecter cette trêve afin de donner la possibilité aux orthodoxes, confession majoritaire en Ukraine comme en Russie, « d’assister aux offices la veille de Noël, ainsi que le jour de la Nativité du Christ » (selon le calendrier orthodoxe).

C’est le premier cessez-le-feu de cette ampleur décrété depuis l’invasion de l’Ukraine par les forces russes le 24 février.

Si le passé de « Kgébiste » du patriarche de l’Église orthodoxe russe Kirill est souvent mis en avant, le fait que son grand-père, également pope, ait connu le goulag stalinien est oublié ainsi que sa propre condamnation de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1984. Par contre, il est parfaitement exact qu’il est richissime proche de Poutine et qu’il soutient l’« opération spéciale ».

Cet appel du patriarche Kirill avait été balayé par le conseiller de la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak qui avait qualifié une éventuelle trêve de « piège cynique […] élément de propagande ». Il avait ajouté : « la Russie doit quitter les territoires occupés, c’est alors seulement qu’il y aura une ‘trêve temporaire’. Gardez votre hypocrisie ».
Dans un deuxième message survenu après le communiqué du Kremlin, Podoliak a qualifié le cessez-le-feu décrété par Poutine de « pur geste de propagande […] la Russie tente par tous les moyens de réduire au moins temporairement l’intensité des combats et les frappes sur ses centres logistiques afin de gagner du temps ».
Nul ne sait si Kiev va respecter ce cessez-le-feu d’autant que la Russie avait lourdement bombardé l’Ukraine à l’occasion des fêtes de fin d’année. Si ce n’est pas le cas, Moscou aura beau jeu de dénoncer l’« inhumanité » du gouvernement ukrainien en oubliant un peu vite qui est l’agresseur initial. Il y a tout de même une petite différence : Kiev n’avait pas décrété de cessez-le-feu unilatéral pour les fêtes de fin d’année.

Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan qui joue habilement les intermédiaires (1) avait également demandé Poutine au cours d’un appel téléphonique à mettre en place un « cessez-le-feu unilatéral » en Ukraine. Mais il semble que le temps n’est pas à la paix car les deux parties n’ont pas remporté de succès militaires significatifs sur le terrain. La parole va rester aux armes, les négociations viendront plus tard, sans doute quand Washington l’aura décidé…

Pour l’instant, les deux parties ont des propositions totalement inapplicables.
Kiev veut bien discuter mais qu’après que l’armée russe ait évacué tout le territoire ukrainien (Donbass et Crimée y compris). En outre, l’Ukraine exige que les dirigeants russes soient traduits en justice pour rimes de guerre et contre l’humanité devant un tribunal international. De son côté, Poutine déclare : « la Russie est ouverte à un dialogue sérieux – à condition que les autorités de Kiev se conforment aux exigences bien connues et exprimées à plusieurs reprises et tiennent compte des nouvelles réalités territoriales ». Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin répète en effet depuis décembre : « ces ‘réalités’ sont que la Fédération de Russie a de nouveaux ‘sujets’ à la suite des référendums qui ont eu lieu dans ces territoires ». Pour lui, tout progrès diplomatique est impossible tant que Kiev « ne prendra pas en compte ces réalités ».

36 heures de cessez-le-feu, s’il est respecté, ne permettront pas aux forces, d’un côté comme de l’autre, de se réorganiser mais éventuellement, de souffler un peu. Cette initiative de Poutine est surtout destinée à son opinion intérieure pour lui montrer sa « bonne volonté ». Les combats vont ensuite reprendre les deux camps souhaitant lancer des offensives de manière à emporter la décision. Cela rappelle les heures sombres de la Première Guerre mondiale, heureusement avec moins de victimes pour l’instant.

1. Voir « Les chefs de guerre se rencontrent à Moscou » du 2 janvier 2022.

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Texte

Alain Rodier

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