Selon John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l'exécutif américain, la coopération entre la Russie et l’Iran dans les domaines militaire et technique atteint un « niveau sans précédent ». Ce qui est surprenant, c’est que Washington fait semblant de s’étonner de ce qui n’est que la conséquence de la politique étrangère menée depuis des décennies par les présidents américains successifs - Républicains comme Démocrates - .

À désigner des adversaires (ce qui est souvent parfaitement justifié) qui sont ensuite frappés de sanctions économiques, il est logique que ces derniers s’unissent pour faire face à ces mêmes sanctions. Certes, les alliances ne sont que de circonstance car les mésententes Russie – Iran (comme Russie-Chine) sont historiques.
La phrase connue : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » est plus que jamais d’actualité.

Un cas particulier est représenté par la Turquie qui est considérée comme un allié par Washington. Cela ne l’empêche pas pour l’instant de jouer dans tous les camps.

Un flux dans les deux sens.

Selon les Américains, Moscou pourrait, dans le cadre d’une coopération renforcée, livrer des équipements et des composants de haute technologie à Téhéran. Dans un premier temps, il s’agirait de systèmes de défense anti-aérienne S-400 et d’hélicoptères.
De plus, au printemps 2022, des pilotes iraniens se seraient rendus en Russie pour se familiariser avec le chasseur multirôle Sukhoï Su-35. Il est possible que l’Iran commence à en recevoir en 2023.

Mais fondamentalement, c’est la défense aérienne complète de l’Iran qui est totalement à revoir. En effet, si des sites particuliers sont protégés, il n’y a ni système d’alerte avancée ni vraiment de coordination nationale pour assurer la couverture de l’espace aérien iranien. Il est certain que Moscou peut apporter ses compétences dans ce domaine mais l’expérience ukrainienne tend à montrer que la défense aérienne russe est loin d’être aussi performante que cela était présenté.

Dans l’autre sens, l’Iran a livré des drones Shahed-136(1) rebaptisés Geran-2 qui sont utilisés par la Russie en Ukraine. Il est possible qu’une unité de production ne soit construite en Russie d’autant que les techniciens russes ont déjà modernisé les UAV reçus (moteurs silencieux, charge militaire plus importante, possibilité de changement d’objectif lors du vol, etc.) mais le lieu où sont effectuées ces modifications n’est pas connu (en Iran ou en Russie ?).

Washington soupçonne Moscou – qui commencerait à manquer de munitions -, de vouloir acquérir des missiles balistiques à l’Iran. Sur le plan technique, s’est possible car Téhéran semble bénéficier de stocks importants qu’il ne peut conserver éternellement. Les armements, c’est comme les aliments, il y a une date de péremption.

Pour rappel, la rumeur court qu’en ce qui concerne les obus d’artillerie, ce serait la Corée du Nord qui fournirait la Russie via la Chine qui, bien sûr, n’est au courant de rien…

John Kirby précise que si la coopération s’intensifie encore entre Moscou et Téhéran, « cela représentera de nouveaux risques, pas seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour les pays voisins de l’Iran ». C’est pour cette raison que « nous avons partagé cette information avec nos partenaire du Moyen-Orient (au premier rang desquels se trouve Israël mais l’Arabie saoudite est certainement vivement intéressée) et du reste du monde ».

Le 9 décembre, l’administration Biden a sanctionné de nouvelles entités russes impliquées dans le transfert de drones iraniens à Moscou. Il s’agit des forces aérospatiales russes (VKS) qui ont reçu ces drones, du 924ème centre étatique pour l’aviation sans pilote dont des personnels se sont rendus en Iran pour y être formés au pilotage de ces appareils, et du commandement du transport militaire (VTA) qui les a acheminés.
Washington réfléchit a également sanctionner les pays qui seraient, d’une manière ou d’une autre, impliqués dans la coopération militaire russo-iranienne.

1. Voir : « À propos des drones iraniens employés par la Russie » du 21 octobre 2022.

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Texte

Alain Rodier

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