Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, avait prévenu l’Occident : ne pas fournir à l’Ukraine d’armes capables de frapper le territoire russe, ce qui pourrait être interprété par Moscou comme « menant à une escalade inacceptable ». Le président Joe Biden avait annoncé le 30 mai : les États-Unis ne livreront pas d’armes aptes à frapper directement la Russie. Le projet de fourniture de M270 MLRS (Multiple Launch Rocket System) ou de M142 HIMARS (High Mobility Artillery Rocket System ) était alors considéré comme annulé mais ce ne serait pas le cas.

Ces deux systèmes d’armes mobiles peuvent mettre en œuvre des roquettes classiques d’une portée de 70 kilomètres mais aussi un missile tactique MGM-140 ATACMS qui a la capacité d’atteindre une distance de 300 kilomètres.

Les forces ukrainiennes sont en ce moment soumises à une pression intense dans le Donbass, leurs ennemis russes ayant quasiment achevé l’encerclement des villes de Sievierodonetsk et Lyssytchansk, les deux dernières de la province de Louhansk à être encore sous le contrôle de Kiev.

Pour contrer la manœuvre russe largement appuyée de puissants feux sol-sol et afin de compléter les pièces d’artillerie qui lui ont été livrées comme les obusiers M777 américains, les CAESAr français ou autres AHS Krab polonais (liste non exhaustive), les forces ukrainiennes souhaiteraient disposer d’une capacité de frappes dans la profondeur du dispositif ennemi. Mykhaïlo Podoliak, un conseiller du président Volodymyr Zelinski, a tweeté le 27 mai. « certains partenaires évitent de donner les armes nécessaires par peur de l’escalade. Escalade, vraiment ? La Russie utilise déjà les armes non nucléaires les plus lourdes, brûle les gens vivants. Peut-être qu’il est temps […] de nous donner des MLRS […] il est difficile de se battre lorsque vous êtes attaqué depuis une distance de 70 km et que vous n’avez rien pour riposter ».

Mais il a été décidé qu’il était possible de livrer ces systèmes d’armes avec des roquettes classiques d’une portée maximum de 70 kilomètres (pour les M30/M31 (1)), ce qui, théoriquement, ne devrait pas engager Washington directement dans le conflit.

La formation des artilleurs ukrainiens devrait prendre quelques semaines et surtout, l’arrivée de ces matériels imposants va être guettée par les Russes.

Mais la Directrice du renseignement national américain, Avril Danica Haines, a prévenu le Sénat lors d’une audition au début avril que les mois à venir mettraient la guerre sur « une trajectoire plus imprévisible avec une possibilité d’escalade  ».

Washington est déjà – et de loin – le premier partenaire de l’Ukraine pour ce qui est de la livraison de matériels (28 pays au total fournissent une aide militaire) et de renseignements ce qui a indéniablement permis à Kiev de résister avec efficacité au rouleau compresseur russe.

1. Les M26A1/A2 ont une portée maximale de 45 kilomètres et les M26 (charges à 644 sous-munitions, Washington – comme Moscou – n’étant pas signataire de leur interdiction) de 32 kilomètres.

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Alain Rodier

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