Les revers se multiplient pour l’armée russe. L’échec de l’offensive sur Kiev a été cuisant. Il semble que la même situation se renouvelle dans la région de Karkiv. Il convient de rajouter les humiliations connues de la marine russe dont plusieurs navires ont été endommagés (voire coulés comme le navire amiral Moskva de la Flotte de la mer Noire). Certes, les offensives dans l’Est et au Sud progressent mais très lentement et aux prix de pertes significatives. Le président Vladimir Poutine aurait décidé de se séparer de hauts gradés militaires les jugeant incompétents.

Il convient de prendre toutes les précautions avec les informations diffusées par l’Ukraine et de les recouper en fonction de nouveaux éléments recueillis mais elles peuvent interpeler. Donc, selon Kiev, le chef d’état-major de l’armée russe, le général d’armée Valery Gerasimov aurait été « suspendu » et c’est pour cette raison qu’il n’aurait pas été présent lors des cérémonies du 9 mai sur la place Rouge. À noter que les Ukrainiens avaient annoncé qu’il avait été blessé lors de sa visite au front au début mai…
Le commandant de la première Armée de chars qui à la pointe de l’offensive dans la région de Karkiv depuis le début de la guerre aurait démis de ses fonctions et peut-être arrêté.
Deux commandants de l’armée de terre auraient également été démis de leurs fonctions ainsi que l’amiral commandant la Flotte de la Mer Noire qui, en plus, aurait été arrêté. Son adjoint encore en poste pour assurer l’intérim serait placé sous le coup d’une enquête.

Le lieutenant général Sergei Kisel , commandant la première Armée de chars paye l’échec de l’offensive sur Kiev.

Le lieutenant général Vladislav Ershov, commandant la sixième A rmée a aussi échoué dans la région de Karkiv. Il aurait été limogé.

Le major général Arkady Marzoev commandant le vingt-deuxième Corps d’Armée qui avait pris Kherson au sud de l’Ukraine a été démis de ses fonctions vraisemblablement parce qu’il n’est pas parvenu à stabiliser la situation sur zone ni à poursuivre vers l’ouest avec comme objectif final (aujourd’hui inaccessible) : le port d’Odessa. La liaison avec la Transnistrie (la région séparatiste de la Moldavie) qui aurait pu être lancée depuis Odessa ne se fera pas avant longtemps.

Le commandant de la Flotte de la mer Noire, l’amiral Igor Osipov, a été démis et arrêté pour tous les déboires rencontrés par les forces maritimes russes.

Son adjoint, le vice-amiral Sergei Pinchuk qui assure l’intérim serait sous le coup d’une enquête. Cela dit, même les victoires époustouflantes des forces ukrainiennes dans les régions de Kiev et de Karkiv ne veulent en aucun cas dire pour l’instant que la Russie a perdu la guerre.

En premier lieu, les avancées des armées ukrainiennes n’ont eu lieu que parce que les forces russes se sont repliées – majoritairement sans combats directs en dehors d’échanges de tirs d’artillerie – . Le président Vladimir Poutine semble s’être rendu compte que ses ambitions stratégiques étaient battues en brèche. Il les a considérablement révisées à la baisse se concentrant sur le Donbass et sur les côtes sud-est de l’Ukraine.

Même si cela n’est pas spectaculaire, les forces russes poursuivent actuellement leur grignotage, kilomètre après kilomètre. Cela ne correspond pas à l’« armée en déroute » que la propagande ukrainienne reprise par ses homologues anglo-saxones (et la majorité des médias européens) nous décrit.

Les approvisionnements ukrainiens, qu’ils soient civils ou militaires, commencent à montrer des signes de faiblesse. Les forces, mais aussi les réseaux logistiques nécessaires à la vie des populations, n’ont des réserves en carburant que pour quelques jours.

Le flux d’armes, et surtout de munitions « intelligentes » va progressivement baisser car les stocks otaniens se vident et que les chaines de production ne parviendront pas à suivre le rythme.
Les personnels ukrainiens ont montré une résolution farouche mais l’usure et la fatigue sont au rendez-vous. Les relèves de troupes fraiches sont quasi-impossibles même si tout le monde ne sert pas au front.
L’intérêt du public occidental (relevé lors du concours de l’Eurovision) va baisser avec le temps qui passe et surtout, quand les citoyens européens vont se rendre compte de l’impact du conflit sur leur vie de tous les jours, vraisemblablement à l’automne. Il est facile d’être un va t’en guerre derrière son téléviseur ou son ordinateur mais cela devient moins évident quand le pouvoir d’achat en baisse fait perdre l’équivalent d’un mois de salaire.
Sauf miracle, le conflit va s’installer dans la durée devenant une guerre de positions. L’image des deux Corées peut être reprises. Depuis 1953, elles se font face sans jamais avoir signé le moindre accord de paix.

Enfin, Moscou va tout faire pour déstabiliser l’Occident sur d’autres théâtres en étendant la « guerre hybride ». Si les États-Unis restent relativement à l’abri en raison de leur puissance politico-militaire et de leur éloignement géographique, ce n’est pas le cas des pays européens dont la France. Les manœuvres hostiles menées par la Russie (et pas seulement par le groupe Wagner qui a « bon dos ») en Afrique en sont les prémices. Après le Mali, c’est le Tchad qui est visé (avant que des agitations « populaires » anti-françaises n’apparaissent dans d’autres États).

Certains rêvaient d’un retour à la Guerre froide. L’auteur qui l’a connu et en a été un très modeste acteur pense que, toutes proportions gardées (car le contexte a changé), cela y ressemble beaucoup.

1. Voir : « UKRAINE : le chef d’état-major russe au front » du 3 mai 2022.

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