Le chef d’état-major russe, le général d’armée Valery Gerasimov, s’est rendu sur la ligne de front à l’est de l’Ukraine à la fin avril. Le but de ce déplacement était d’inspecter le déroulement de l’offensive ayant lieu actuellement vers l’est.

Les Ukrainiens ont été prévenus de ce déplacement et ont tenté de l’entraver le 30 avril en lançant une attaque contre l’École d’éducation générale n°12 de la ville d’Izyum où sa présence avait été signalée. Cet établissement accueillerait les PC avancés de la seconde Armée de forces combinées (2è CA) et des forces aéroportées.

Cela a permis à la propagande ukrainienne relayée par quelques medias anglo-saxons de dire qu’il avait été blessé lors de l’attaque puis évacué. Cette information est à prendre avec beaucoup de précautions. Par le passé, ce général avait déjà été annoncé limogé…
Les Ukrainiens ont ensuite affirmé que cette action avait fait 200 morts dont celle du major général Andrei Simonov, un des responsables de la guerre électronique russe. Ce serait le neuvième officier général russe tué au combat depuis le début de l’invasion.

Les Américains sont restés très prudents affirmant que, s’ils connaissaient la présence de Gerasimov sur zone (où il aurait passé deux jours), ils n’étaient pas informés des résultats de l’opération ukrainienne…

La situation générale

Selon des analystes occidentaux, les forces russes, bien qu’ayant réduit leurs ambitions tactiques à la baisse en abandonnant l’offensive sur Kiev et Karkiv, sont toujours confrontées aux mêmes problèmes logistiques et de coordination entre les différentes unités.
Les Ukrainiens poursuivent une résistance acharnée mais pourraient rencontrer à leur tour des difficultés logistiques en raisons de la destruction d’une partie de leur réseau ferré qui complique notablement les approvisionnements. Les stocks de munitions fournies par les Occidentaux pourraient s’amenuiser dans l’avenir tout simplement par ce qu’ils diminuent rapidement et que l’industrie d’armement ne peut suivre la cadence. À titre d’exemple, les missiles sol-air Stinger ne sont plus fabriqués et une chaîne de production ne pourrait pas reprendre avant plusieurs mois.
Depuis le début de la guerre, les Russes ont été handicapés par un commandement trop centralisé sur Moscou. Cela a changé au début avril avec la désignation du général Aleksandr V. Dvornikov (qui commandait le front sud) comme commandant en chef des forces russes en Ukraine(1).

Au moment où les États-Unis se rangent résolument derrière l’Ukraine jusqu’à ce que « la victoire soit gagnée », la dernière visite en date à Kiev étant celle qu’a effectué Nancy Pelosi (la numéro trois dans la hiérarchie politique américaine après le président et le vice-président) le 30 avril , Moscou semble vouloir accélérer les choses sur le terrain.
Le représentant démocrate du Colorado, Jason Crow, membre du comité des forces armées et ancien Ranger (armée) qui a accompagné Pelosi à Kiev (puis en Pologne) a déclaré : « ils [les Russes] ont eu des centaines de tués au combat, le moral est bas et que leurs offensives dans le sud et dans l’est paraissaient ne pas progresser de manière significative ».
À priori, Washington ne craint plus de réaction « inappropriées » de la part de Vladimir Poutine comme une attaque dirigée contre un pays de l’OTAN ou l’emploi d’armes de destructions massives. Les services de renseignement américains avaient de bonnes informations quant à l’invasion de l’Ukraine. Il faut souhaiter qu’il en est de même pour cette estimation. Le but affiché de la Maison-Blanche est de voir une « Russie affaiblie au point de ne plus pouvoir faire le genre de chose qu’elle a fait en envahissant l’Ukraine ».

Situation sur le terrain au début mai

Front nord.
Si les Ukrainiens ont tenté en avril quelques attaques du côté de Kharkiv, il semble que cela était destiné à fixer une partie des forces russes pour les empêcher de rejoindre les axes d’effort principaux plus à l’est et au sud.

Front du Donbass.
Au nord, les Russes progressent très lentement élargissant leur zone de sûreté à l’ouest d’Izyum, de façon à éviter une contre-attaque de flanc dans leur progression vers Slovyansk.
Depuis plus à l’est, ils poussent maintenant vers Lysychansik.

Front sud.
Marioupol n’est plus une préoccupation importante, les effectifs se redéployant désormais sur d’autres axes. Les derniers combattants d’Azovtal sont assiégés et les civils sont évacués progressivement en coopération avec l’UNHCR.
Le front sud voit l’offensive vers Zaporizhia piétiner.
Malgré de grandes activités de par et d’autre, la situation dans la zone de Kherson reste bloquée.
Les bombardements se poursuivent dans la profondeur du territoire ukrainien, Moscou tentant de faire obstacle à l’acheminement vers l’est de nouveaux armements et de munitions. C’est à ce titre que l’aéroport d’Odessa a été visé mais la piste doit être rapidement remise en état.

S’il a beaucoup été question de la Transnistrie, aucune des parties (Russie, Ukraine, Moldavie) ne semble vouloir pour le moment déclencher les hostilités dans la région. Les services américains n’ont aucune information sur une intention de Moscou d’envahir la Moldavie.

Les Russes progressent désormais très lentement mais ils parviennent à isoler les défenses qu’ils rencontrent en les encerclant « par petits bouts » puis en les assommant avec des tirs d’artillerie. Ils devraient ainsi grignoter peu à peu du terrain.
Sur le fond, ils souhaitent contrôler des oblasts (provinces) en suivant les découpages administratifs ce qui leur permettra ensuite d’effectuer des sécessions en provoquant des « élections libres ».
Sur un plan plus global, Kiev craint que la Russie ne soit en train de renouveler dans les régions qu’elle contrôle l’« holodomor » qualifié de génocide par Kiev. Il s’agit de la « grande famine » provoquée volontairement par Staline en 1931-33 qui aurait fait, selon les historiens, de trois à six millions de victimes. Si l’holodomor a été particulièrement sévère en Ukraine, de nombreuses autres régions ont aussi été frappées. C’est l’un des crimes de masse reconnu du stalinisme.
Selon le Pentagone, 25 % du potentiel de combat engagé par Moscou en Ukraine depuis février a été neutralisé (ce qui ne veut pas dire sur l’ensemble du potentiel russe qui reste considérable). La Russie aurait perdu environ 500 chars, 300 véhicules blindés, 30 hélicoptères et 20 avions de combat. Il faudra au moins deux ans à l’industrie d’armement russe pour remplacer ces matériels sans compter qu’elle va être handicapée par les sanctions.

Enfin, de nombreuses questions sont posées sur les catastrophes qui touchent le territoire russe lui-même. À proximité de la frontière comme à Belgorod, les Ukrainiens ont la capacité de lancer des raids aériens mais des incendies suspects sont survenus sur des installations proches de Moscou. Sont-ce des accidents ou des sabotages ? Dans ce deuxième cas, quels en sont les auteurs ?

Lors de la cérémonie du 9 mai commémorant la victoire sur le nazisme, le président Poutine devrait délivrer un discours qui est attendu par tous les observateurs pour tenter de deviner quelles sont ses intentions pour l’avenir.

1. Voir : « UKraine : Enfin un chef à la tête des forces d’invasion russes ? » du 11 avril 2022.

Publié le