Le président ukrainien Volodymyr Zelensky dénonce les pays occidentaux qui ne veulent pas établir une zone d’exclusion aérienne au dessus de l’Ukraine. Il convient de comprendre une évidence : une telle mesure serait simplement le début d’une troisième guerre mondiale entre puissances dotées d’armes nucléaires avec la Russie qui n’hésiterait pas à l’employer en « première frappe ».

Le 8 mars, il a déclaré dans une vidéo publiée sur Telegram : « cela fait treize jours qu’on entend des promesses. Treize jours qu’on nous dit qu’on nous aidera dans le ciel, qu’il y aura des avions, qu’on nous les livrera […] Mais la responsabilité pour cela repose aussi sur ceux qui n’ont pas été capables de prendre une décision en Occident depuis 13 jours […] Sur ceux qui n’ont pas sécurisé le ciel ukrainien des assassins russes […] L’humanité, qui doit prévaloir dans les capitales mondiales, doit prévaloir sur la peur ».
Il est vrai que dans le passé, de telles mesures ont été adoptées, en particulier au dessus du Kurdistan irakien en 1991. Mais Bagdad n’avait à l’époque aucun moyen aérien pour s’y opposer et surtout, n’avait pas de force de dissuasion.

Or, ce n’est pas le cas de la Russie. D’ailleurs, le président Vladimir Poutine a prévenu le 5 mars qu’il considérerait une telle mesure « comme une participation au conflit armé »(1).
Dans un premier temps, si des aéronefs de l’OTAN venaient en mission de combat au dessus de l’Ukraine, même s’ils ont un avantage technique certain sur leurs homologues russes, il seraient ciblés par la chasse adverse et par ses moyens anti-aériens qui accompagnent les différentes armées, en particulier des S-400. Il s’ensuivrait immanquablement des combats aériens lors desquels les pertes seraient significatives des deux côtés.
Plus grave encore, Moscou pourrait considérer que l’OTAN est officiellement entré en guerre contre la Russie et qu’elle est autorisée à prendre toutes les mesures de coercition à sa disposition(2). Les premières seraient la neutralisation des bases de départ des appareils de l’OTAN, qu’elles soient terrestres ou maritimes (porte-avions). Si la Russie semble rencontrer de sérieux problèmes dans le domaine des combats terrestres en Ukraine, les frappes évoquées ci-avant seraient plus simples à mettre en œuvre avec des missiles sol-sol, air-sol ou mer-mer/sol qui ont été testés depuis la fin 2015 lors de la guerre civile syrienne.

Ce serait alors l’accroissement des violences interétatiques, personne n’étant capable de voir où elles s’arrêteraient. Le seuil stratégique, voire nucléaire, pourrait même être franchi (les premiers tirs étant considérés comme d’ « avertissement ») avec un sérieux risque de finir en apocalypse.

Le problème du « don » des MiG-29 polonais

Vient s’ajouter le problème du possible « don » des 28 MiG-29 polonais. Le Ministère polonais des Affaires étrangères a annoncé le 8 mars : « les autorités de la République de Pologne […] sont prêtes à déplacer sans délai et gratuitement tous leurs avions MiG-29 sur la base de Ramstein (qui dépend des forces aériennes américaines en Europe – USAFE -)». Les MiG-29, de conception soviétique, pourraient être mis en oeuvre par des militaires ukrainiens. Selon le même communiqué, en échange « la Pologne demande aux États-Unis de lui fournir des avions d’occasion ayant les mêmes capacités opérationnelles […] ». Le gouvernement polonais invite également les autres États membres de l’OTAN – utilisateurs de MiG-29 – à suivre son exemple. En réalité, Varsovie craint que si des aviateurs ukrainiens viennent prendre en compte ces appareils en Pologne, cela pourrait être considéré comme un casus belli par Moscou. Transférer ces avions sur la base américaine en Allemagne est une autre affaire pour la Russie qui ne souhaite pas s’opposer militairement aux Américains. Mais Washington semble se méfier du rôle d’intermédiaire que Varsovie semble vouloir lui faire jouer (la Pologne aura donné ses avions aux États-Unis et ce sont ces derniers qui les auront rétrocédé à l’Ukraine…).

Les dirigeants occidentaux ont tout à fait raison de condamner l’agression russe en Ukraine qui viole toutes les règles internationales même si eux-mêmes l’ont fait dans le passé en particulier en Irak en 2003. Ce n’est pas parce que l’on a commis des fautes qu’il faut tolérer celles de autres, surtout quand ce sont les ennemis désignés.
Mais les dirigeants politiques sont d’abord les protecteurs des citoyens qui les ont élu et pas de pays tiers aussi respectables soient-ils. Et pour le moment, il n’est pas question d’engager un soldat régulier de l’OTAN directement dans une guerre qui n’est pas la sienne.
Pour les volontaires internationalistes, l’Ukraine a créé une « légion internationale » qu’ils peuvent rejoindre sous leur responsabilité personnelle. L’épopée des brigades internationales en Espagne fonctionne encore parfaitement.
Puisque l’on en est dans les comparaisons, le président Poutine est souvent assimilé par des chroniqueurs à Adolf Hitler. Si l’on suit leur idée, la question qui se pose est : si Hitler avait eu la bombe atomique en 1944, qu’aurait-il fait ? La préservation du peuple allemand ne semblait pas être son souci majeur.

La demande du président ukrainien fait partie de la guerre psychologique qui est menée par les deux partis, l’Ukraine ayant fort normalement l’oreille de l’Occident. Mais ce n’est pas pour cette raison que les dirigeants des pays européens sont disposés à entrer dans l’arène.
Pour les États-Unis, c’est la même chose. Leur position est toutefois particulière car, en fin de comptes, ce seront eux qui s’en tireront le moins mal de cette guerre : leur économie sera peu impactée voire boostée par des fournitures supplémentaires à l’étranger d’hydrocarbures et de gaz de schiste. La Russie, elle, risque d’être détruite pour des années par les sanctions imposées par Washington. Enfin, leur concurrent économique européen en sortira exsangue en raison du boomerang causé par les sanctions économiques qu’il a lui-même déclenché.

Une note d’optimisme : les responsables du renseignement américain (qui a retrouvé la confiance des Occidentaux) ont affirmé devant le Congrès que le Kremlin ne veut pas une confrontation avec les États-Unis mais la reconnaissance de sa zone d’influence sur les territoires de l’ex-URSS…
Une fois cette guerre terminée, il sera alors temps pour Washington de se retourner contre la Chine à moins que Pékin ne décide de profiter de la situation pour récupérer Taiwan. Tous les observateurs s’accordent pour dire que Pékin n’en n’a pas aujourd’hui les moyens mais cela ne saurait durer (Taipei parle de 4 à 5 ans) et la fenêtre de tir est favorable aujourd’hui.

1. Pour la livraison d’armes, cela est différent. Lors de l’occupation russe de l’Afghanistan ; la résistance a reçu des armements occidentaux sans que Moscou ne réagisse. Ce qu’il ne faut pas, c’est que des armements (avions, missiles, etc.) soient mis en œuvre depuis l’autre côté de la frontière.
2. C’est également le cas si des appareils – même pilotés par des Ukrainiens – décollent d’un pays tiers pour venir mener des missions de combat sur le sol Ukrainien. La base d’où ils seraient partis serait justifiable d’une frappe sans doute classique.

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Texte

Alain Rodier

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