Les forces gouvernementales ont lancé avec l’appui de la Russie une offensive destinée à reprendre complètement la région d’al-Balad dans la province de Deraa au sud de la Syrie. Cette action militaire vise à clore la phase de réconciliation lancée dans cette région en juin 2018.

En fait, cette stratégie lancée sous les auspices de la Russie en 2016 avait comme but de reprendre le terrain aux rebelles en évitant des effusions de sang de part et d’autre. En échange, les rebelles recevaient l’assurance de ne pas être emprisonnés et ceux au plus lourd passé étaient accompagnés vers des zones tenues par des groupes hostiles au régime, en particulier vers la région d’Idlib. Cette stratégie était résumée par : « désarmer, démobiliser et réintégrer (DDR).

C’est ainsi que les forces gouvernementales ont pu récupérer en janvier 2017 l’est d’Alep en mars 2018, l’est du quartier de la Ghouta à Damas et Deraa.

Pour cette dernière zone, l’installation des forces gouvernementales a été précédé par de discrètes négociations ayant eu lieu entre la Russie, la Jordanie et les Etats-Unis en 2017.

Les Américains et les Jordaniens ont accepté d’arrêter d’aider les rebelles en échange d’un retrait des milices pro-iraniennes à 60 kilomètres de la frontière israélienne du Golan. Mais les forces syriennes ont relancé une offensive dans la région en avril 2018, action qui s’est arrêté en juin sur un accord conclu entre le régime, les responsables de factions armées et les dignitaires locaux.

Cet accord prévoyait le retour des institutions étatiques dans le sud du pays (particulièrement à Deraa et Quneitra), l’incorporation des combattant de l’opposition dans le Cinquième Corps d’Assaut (Fifth Assault Corps), une division créée par les Russes le 22 novembre 2016(1) qui compte aujourd’hui jusqu’à 25.000 personnels (pas forcément disponibles), le déplacement vers Idlib de ceux qui refusaient cet accord, la libération des prisonniers et des informations sur les personnes disparues.

En fait, ce nouvel accord mené par la Russie après avoir pris langue avec la Jordanie et Israël a permis à ces régions de rester indépendantes du pouvoir central de Damas tout en autorisant les combattant à rejoindre des milices locales de la huitième brigade du FAC fidèle à Bachar el-Assad.

Ce processus de pacification a été rapidement dévoyé par les forces gouvernementales qui ont continué à poursuivre les opposants malgré les termes des accords signés. C’est ainsi que depuis 2018, il aurait eu plus d’un millier de tentatives d’assassinats de responsables locaux qui se sont terminées par la mort de la moitié d’entre-eux. Les unités soutenues par les Iraniens comme le 5è FAC on profité du vide de forces régulières syriennes pour accroître leur présence dans les régions de Deraa et de Quneitra, chose qui a poussé de nouveau les locaux à la révolte (la révolution de 2011 est partie de la mosquée d’Omar de Deraa).

Damas a donc repris sa tactique habituelle : « assiéger, pousser à la capitulation et déplacer ». La première opération de ce type a débuté en mars 2020 dans la ville d’al-Sanamayn. La Russie est encore intervenue pour obliger les parties à la négociation qui a amené le déplacement vers Idlib de 20 combattants et de leurs familles alors que les autres rendaient les armes et rejoignaient le 5è Corps.. Cela a été ensuite le cas de la ville de Karak en novembre 2020 avec le départ forcé de 14 familles. La ville de Tafas a été attaquée par la 4è division ce qui a poussé douze personnes vers Deraa puis l’entrée des troupes dans la localité. En mai 2021, un groupe armé a attaqué un base de défense locale affiliée au Hezbollah libanais près de la ville Umm Batinah dans le gouvernorat de Quneitra.

A Deraa, les violations des accords par les autorités et leur incapacité à subvenir aux besoins de base de la population ont poussé ces dernières dans la rue et à boycotter l’élection présidentielle de mai 2021. La 4è FAC est intervenue en août amenant de nouvelles négociations entre Damas et le Comité central du gouvernorat de Deraa qui a conduit à l’exil d’une vingtaine de familles.

En fait, ces accords successifs que le régime et Moscou qualifient de « réconciliation » ne sont rien que moins que des capitulations militaires. Elles permettent d’écarter les éléments les plus anti-régime tout en confisquant leurs biens immobiliers qu’ils n’ont pas le temps matériel de vendre ou même de donner à des proches. C’est ce qui est arrivé également à des propriétaires de logements qui sont réfugiés à l’étranger qui se sont vu confisquer leur patrimoine dans espoir de le retrouver.

Enfin, il est demandé à tout Syrien vivant dans les zones concernées d’être doté d’une « carte d’identité » qui a permis aux autorités de faire son environnement et qui participe au contrôle des populations.

1. À l’image du Quatrième Corps d’Assaut basé à Lattaquié qui englobe des milices des NDF (National Defense Forces) soutenues par Téhéran et les Tiger Forces renommées 25è Division des forces spéciales du major-général Suheil al-Hassan, expérience pas particulièrement couronnée de succès… Conséquence, la 25è Division a rejoint le FAC qui dépend directement des Russes.

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Texte

Alain Rodier

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