Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré le 10 novembre que les États-Unis et l’Otan étaient en train de créer une « formation multinationale » dans cette région, ce qui a pour conséquence de faire monter la tension près des frontières russes.

Le 30 octobre, le destroyer lance-missiles USS Porter (DDG-78) de la 6è Flotte est arrivé en mer Noire suivi le 4 novembre par le navire de commandement USS Mount Whitney (LCC-20). Ils ont fait escale à Batoumi en Géorgie puis ont quitté ce port le 10 novembre. De plus, le pétrolier de la Marine américaine John Lenthall navigue actuellement dans le sud-ouest de la mer Noire.
Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou avait précédemment déclaré que les navires américains pouvaient préparer des provocations : « nous comprenons bien: lorsqu’un navire d’un État non riverain [les États-Unis] entre en mer Noire, et lorsqu’il est équipé d’armes de haute précision et à longue portée et donc qu’il ne s’agit pas d’un voyage de plaisance, nous le surveillons et l’escortons. Nous comprenons que des provocations sont possibles à tout moment comme cela est arrivé récemment avec le navire britannique (1). Nous ne devons pas permettre de tels incidents ».

Le ministère russe de la Défense a précisé le 10 novembre que « les navires russes en mission dans la partie sud-est de la mer Noire depuis le 30 octobre, le croiseur lance-missiles Moskva (navire-amiral de la flotte russe de la mer Noire) et la frégate Amiral Essen équipée de missiles Kalibr, surveillaient les actions des forces navales américaines en mer Noire qui mènent des exercices internationaux non prévus par le calendrier ».
En réponse, John Kirby, le porte-parole du Pentagone a affirmé le même jour que les navires des États-Unis évoluent dans la zone internationale de la mer Noire et que le Pentagone continuera à agir « comme il l’entend […] Nous menons des opérations avec les alliés de l’Otan et bien sûr de manière unilatérale […] Nous continuerons à voler, à naviguer et à opérer dans l’espace aérien et maritime international comme nous l’entendons ».
Il est évident pour Moscou qu’il s’agit d’un exercice militaire non programmé des forces américaines qui créent un regroupement armé multinational impliquant l’aviation tactique, de patrouille et stratégique ainsi que des contingents des forces armées bulgares, géorgiennes, roumaines, turques et ukrainiennes.
Le 6 novembre, des vols de bombardiers stratégiques américains à 100 kilomètres de la frontière russe ont aussi été rapportés. La Défense russe a également noté une intensification des vols de reconnaissance effectués par des avions-espions de l’Otan dans la région de la mer Noire.

Moscou estime que « les actions de la Marine américaine qui agit de concert avec l’aviation stratégique de reconnaissance en mer Noire, confirment que le vrai objectif des exercices internationaux consiste à explorer l’éventuel théâtre d’opérations militaires et, en particulier, le territoire de l’Ukraine au cas où Kiev préparerait une solution militaire dans le sud-est ».

En face, on dénonce également une provocation car, fin octobre, d’importants mouvements de troupes russes ont été repérés aux abords de la frontière ukrainienne. Il a été particulièrement constaté une concentration de blindés, de chars, de pièces d’artillerie et de troupes au sol aux environs de la ville russe de Ielnia située entre l’Ukraine et la Biélorussie. Le 1er novembre, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a parlé de « manoeuvres russes inhabituelles » près de la frontière ukrainienne. Le 10 novembre, il a une nouvelle fois mis Moscou en garde : « nous appelons la Russie à faire preuve de clarté dans ses intentions […] La stratégie constatée par le passé, c’est d’invoquer des provocations pour justifier la mise à exécution de ce qu’ils avaient planifié depuis le début (2). Or, s’il y a des provocations aujourd’hui, elles viennent de Russie avec ces mouvements de forces que nous constatons le long de la frontière ukrainienne ».
Enfin, M. Antony Blinken a réaffirmé le soutien « inébranlable » des États-Unis à la « souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale » de l’Ukraine.

Il est difficile de savoir qui provoque l’autre pour le moment. Il n’en reste pas moins que cette stratégie fait courir des risques de déclenchements d’incidents qui peuvent dégénérer à tout moment d’autant que certains va-t’en guerre dans les deux camps ne semblent rêver que d’en découdre. En jouant ainsi avec le feu, ils vont finir par que « cela pète à la gueule » comme aurait pu le dire Michel Audiard. Le problème pour l’Europe est qu’elle est très mal placée géographiquement car elle est située entre les deux blocs et pourrait devenir le théâtre d’un conflit indirect entre Washington et Moscou. De là à croire que les États-Unis viendraient au secours de la vieille Europe, il convient de rester prudent. Ils ont actuellement bien d’autres soucis avec la Chine…

1. Le 23 juin, la marine russe a tiré des coups de semonce vers le navire britannique HMS Defender qui aurait violé les eaux territoriales de la Crimée (non reconnues comme « russes » par la communauté internationale).
2. Comme cela a été le cas en Géorgie en 2008 puis en Crimée en 2014.

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Alain Rodier

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