Dans le cadre du conflit qui oppose les séparatistes du Donetsk et de Lougansk depuis 2014 après que la Russie ait annexé la péninsule de Crimée, un nouvel élément vient ajouter à la complexité de la situation.

La Turquie soutient de facto Kiev en fournissant des armements dont des drones qui ont révolutionné la stratégie des armées depuis leur utilisation opérationnelle en Irak du Nord, en Syrie, en Libye puis au Haut-Karabakh. À savoir que le 26 octobre, Kiev a annoncé avoir détruit une pièce d’artillerie D-30 armée par des séparatistes ukrainiens avec un drone d’origine turque Bayraktar TB2.

Cette pièce d’artillerie qui date de l’époque de l’URSS mais qui reste extrêmement répandue de par le monde était en position à l’est de la ville d’Hranitne sur la ligne de front. Elle bombardait sporadiquement les positions gouvernementales ayant déjà causé la mort d’un militaire et blessé un autre. L’état-major ukrainien a déclaré ; « le Bayraktar a été utilisé pour obliger l’ennemi à cesser le feu […] Après cela, le bombardement de positions ukrainiennes s’est arrêté ».

Selon l’agence de presse russe Interfax citant une source indéterminée de la république (séparatiste) populaire de Donetsk, la frappe du drone n’a entraîné aucune perte militaire ou civile. La république (séparatiste) populaire de Lougansk république séparatiste voisine de Luhansk a déclaré que l’utilisation par Kiev d’un Bayraktar constituait une violation flagrante des accords de cessez-le-feu qui interdisent le déploiement de drones étrangers sur la ligne de front.

Il s’agit de la première frappe d’un drone d’origine turque depuis la livraison d’un premier lot de TB2 à l’Ukraine en juillet (dont quatre à la Marine).

La société turque Baykar qui fabrique des drones armés décrit le TB2 comme un « UAV de moyenne altitude et de longue endurance capable de mener des missions de renseignement, de surveillance, de reconnaissance et d’attaque ». Il peut rester en vol jusqu’à 27 heures.

Selon un accord de coopération dans le domaine de l’industrie d’armements(1) signé en septembre 2020 entre l’Ukraine et la Turquie (qui a été suivi par la rencontre les 16 et 17 octobre des présidents Recep Tayyip Erdoğan et Volodymyr Zelenskyy), Kiev devrait à terme acquérir une cinquantaine de drones de ce type. Les Turcs fourniraient une assistance technique et en formation directement en Ukraine. Kiev envisage de construire une usine de production pour produire des drones en coopération avec Ankara.

Moscou a prévenu que la livraison de drone turcs à l’Ukraine risque de déstabiliser le conflit de l’est du pays.

En effet, la Russie ne s’y trompe pas. Si l’intérêt financier est bien présent dans la démarche d’Ankara qui exporte de plus en plus d’UAV tant ils représentent un coût/efficacité intéressant pour les utilisateurs, le fait de s’opposer indirectement à Moscou – comme c’est déjà le cas en Syrie, en Libye et plus discrètement sur d’autres théâtres(2) – est un acte politique volontaire.

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Texte

Alain Rodier

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