Vitaly Shishov âgé de 26 ans, directeur de l’ONG « Maison Biélorusse » en Ukraine qui aide les Biélorusses ayant fui leur pays à s’insérer localement a été retrouvé pendu dans un parc de Kiev le 3 août matin après avoir été porté disparu la veille

Il avait quitté son domicile à 09 H 00 et devait être rentré une heure plus tard. Il aurait été retrouvé en vêtements civils mais ses affaires de sport n’ont pas été retrouvées chez lui. La police ukrainienne a fait savoir que « le citoyen biélorusse Vitaly Shishov, disparu à Kiev hier, a été retrouvé pendu aujourd’hui dans l’un des parcs de Kiev, à proximité du lieu où il habitait ».

Elle évoque un « meurtre camouflé en suicide » et a, en conséquence, ouvert une enquête criminelle. Des contusions faciales auraient été constatées par les médecins légistes mais elles ne seraient pas « significatives » pouvant avoir été occasionnées lors d’une chute. Son téléphone portable et ses papiers auraient été retrouvés sur les lieux du drame que la police scientifique examine minutieusement. Sa fiancée a affirmé qu’il n’était pas dans un état dépressif qui aurait pu expliquer un suicide.

N’attendant pas les conclusions de l’enquête, son association a déclaré : « Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une opération planifiée par des tchékistes pour liquider une personne véritablement dangereuse pour le régime biélorusse ». Il est vrai que les membres ses services secrets ukrainiens (le KGB – Comité de la sécurité d’État de la République de Biélorussie – qui n’a pas changé de nom à la différence de la Russie) sont surnommés les « tchékistes » en souvenir du premier service secret soviétique, la Tchéka 1917-1922, ensuite remplacé par la Guépéou rattachée au NKVD.

Vitaly Shishov aurait indiqué à des amis avoir le sentiment d’avoir été suivi lors de son jogging matinal et sa petite amie aurait également été approchée par des inconnus sous des prétextes futiles. Les autorités ukrainiennes ont affirmé ne pas avoir été destinataires de telles menace ni de la présence de membres d’un service secret étranger à Kiev. Pour rappel, l’Ukraine et la Biélorussie ne s’entendent pas en raison des relations avec Moscou qui sont à l’opposé, mais maintiennent des relations diplomatiques (Moscou a aussi une ambassade à Kiev).

Vitaly Shishov a quitté la Biélorussie durant l’automne 2020 après avoir participé à des manifestations dans la région de Homel contre les résultats de l’élection présidentielle d’Alexandre Loukachenko.
Il convient de se rappeler que le mouvement de contestation post-électoral qui a secoué la Biélorussie en 2020 a été réprimé très durement à coups d’arrestations (environ 35.000) parfois suivies de mauvais traitements de prisonniers voire de tortures d’opposants ainsi que par la fermeture de nombreuses ONG et médias indépendants.

Au moment où ce drame se déroulait à Kiev, la sprinteuse biélorusse Krystsina Tsimanouskaya participant aux Jeux olympiques de Tokyo quittait précipitamment sa délégation sportive pour se réfugier à l’ambassade de Pologne alors qu’elle devait embarquer sous bonne escorte pour un vol à destination de son pays. Son époux craignant des représailles à son égard avait aussi quitté la Biélorussie pour rejoindre l’Ukraine. Ce pays comme la Pologne et le Lituanie sont devenus des havres d’accueil pour les opposants au pouvoir de d’Alexandre Loukachenko Minsk.

En mai, Roman Protasevich, un journaliste dissident a été arrêté avec son amie russe Sofia Sapega après que son vol Ryanair a eu été invité à se poser à Minsk alors qu’il survolait espace aérien biélorusse au prétexte d’une alerte à la bombe. L’Union Européenne avait qualifié cette action d’« acte de piraterie étatique » et avait imposé de nouvelles sanctions à Minsk.

Les services de police ukrainiens tentent de faire toute la lumière sur cette sinistre affaire et n’on aucune raison de faire de « cadeau » à la Biélorussie. Les résultats de l’enquête devraient être rendus publics dès que des preuves auront été recueillies. Mais en attendant la suite, quelques remarques s’imposent :
. Le KGB biélorusse est surtout un service secret « intérieur » et ne s’est jamais fait remarquer à l’étranger ;
. Dans le but de terroriser l’opposition en exil, il n’est pas exclu que Minsk ait demandé un « service » à son allié russe mais ce dernier a connu de nombreux déboires qui ne le poussent vraisemblablement pas à se mouiller directement pour un tiers ;
. Les services secrets du président tchétchène, Ramzan Kadyrov, sont souvent utilisés à l’extérieur pour y monter des opérations « homo » afin de neutraliser des gêneurs mais leurs méthodes sont majoritairement peu sophistiquées : le meurtre par arme à feu. Là, l’affaire était plus complexe à monter.

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Texte

Alain Rodier

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