La province riche en ressources gazières de Cabo Delgado située au nord-est du Mozambique est le théâtre depuis 2016 d’une rébellion conduite par des salafistes-jihadistes.
Officiellement, le premier groupe islamique révolutionnaire est apparu en 2014. C’était le Al Sunnah wa Jama’ah (les fidèles de la tradition du prophète) puis il a changé de nom à plusieurs reprises : Ansar al-Charia, Shebabs (à ne pas confondre avec leurs homonymes somaliens), Ansar al-Sunna, etc. L’émir serait Abou Yasir Hassan qui a été inscrit sur la liste américaine des terroristes internationaux.
Un mouvement appelé l’« État Islamique de Somalie, Kenya, Tanzanie et Ouganda » est apparu en avril 2016 mais il n’a été réellement actif qu’en Somalie et très brièvement au Kenya voisin.
Les violences n’ont vraiment éclaté en Tanzanie qu’en octobre 2017. Des rebelles ont attaqué quatre infrastructures des forces de sécurité dans la ville de Mocímboa da Praia située au nord-est du pays causant la mort d’au moins 16 personnes. Cela fut le début d’une campagne de terreur lancée contre les populations du nord du pays. Les cibles principales étaient les chefs tribaux locaux, les enseignants et les représentants de l’État de manière à désorganiser les institutions et, en conséquence, la vie des habitants. La charia la plus stricte sur le modèle prôné par Daech (et pas d’Al-Qaida qui est derrière les Shebabs somaliens) était appliquée. Mais ce n’est que le 4 juin 2019 que l’« État Islamique en Afrique Centrale » (ISCA) a revendiqué une première attaque commise dans la localité de Mitopy dans le district de Mocímboa da Praia tuant 16 militaires.
Les autorités soupçonnent des jihadistes ougandais des Forces Démocratiques Alliées (ADF), mouvement dont l’émir est Seka Musa aussi inscrit sur la liste noire de Washington et surtout basé en République démocratique du Congo, d’avoir rejoint la Tanzanie pour y participer au jihad au sein de l’ISCA.
En octobre, l’ISCA menaient deux embuscades contre des militaires mozambiquiens et des mercenaires du Groupe Wagner dans la province de Cabo Delgado tuant 27 personnes. Les forces de sécurité répondirent violement, les combats causant alors quelques 1.500 morts et provoquant un premier exode de plus de 200.000 personnes vers le sud.
Le 23 mars 2020, des combattants islamiques s’emparaient une première fois de la ville de Mocímboa da Praia. Ils incendiaient les installations officielles mais au lieu de massacrer les habitants comme ils avaient coutume de le faire, ils distribuaient des biens de première nécessité puis ils abandonnaient la ville dès le lendemain. Ansar al-Sunna signait l’opération mais, le 25 mars, c’est Daech qui lançait via son agence Amaq sa propre revendication. Le 12 août, un millier de jihadistes reprenaient leur offensive sur cette ville qui tombait après cinq jours de combats. Ils la tiennent encore au printemps 2021 et ont élargi leur zone d’influence s’emparant de nombreux villages situés aux alentours.
Depuis 2018, se sont quelques 670.000 personnes qui ont dû fuir la région ce qui provoque une catastrophe humanitaire. Le nombre de 3.000 morts est avancé.
En décembre 2020, les rebelles ont lancé des actions de harcèlement obligeant en janvier 2021 Total à interrompre ses opérations sur ses sites gaziers très importants sur zone. La situation s’était ensuite relativement calmée et Total annonçait le 24 mars la reprise progressive des travaux sur la presqu’île d’Afungi.
Le même jour, les rebelles lançaient une offensive générale et ciblaient la ville de Palma situé à 6 kilomètres (4 sont considérés comme « zone de sécurité » par les autorités locales) des installations gazières de la péninsule d’Afungi. Palma avait été progressivement isolée du reste de la province de Cabo Delgado, les rebelles contrôlant les accès routiers aux alentours. Le ravitaillement passait par le port et l’aéroport de la ville. Le 24 mars après-midi, quelques 200 insurgés faisait fuir un millier de membres forces gouvernementales qui étaient stationnés dans la ville.
Les habitants de Palma abandonnés à eux-mêmes fuyaient vers les forêts environnantes tandis que des expatriés (essentiellement des Britanniques, des Sud-africains, des Portugais et un Espagnol) et quelques locaux se réfugiaient dans l’Amarula Lodge. Le 26 mars, un premier groupe de 80 personnes (sur les 180 présentes dans l’hôtel) quittait les lieux à bord de 17 camions de l’armée mais le convoi était attaqué dès la sortie du quartier et seul sept d’entre-eux parvenaient à passer. Plusieurs personnes auraient été tuées alors que d’autres parvenaient à revenir se mettre à l’abri dans l’hôtel. Mais le 26 après-midi, ce dernier était pris d’assaut et obligeait les occupants à s’échapper vers la plage. La société de sécurité privée sud-africaine Dyck Advisory Group (DAG) aurait maintenu les rebelles à distance avec trois hélicoptères légers armés jusqu’à vendredi fin d’après-midi mais la nuit tombant, ils ont été obligés de quitter la zone. Heureusement, les fuyards auraient été évacués par la mer le 27 et le 28 matin sans doute par des navires civils. Bien logiquement, Total annonçait la suspension de toutes ses activités dans la région le 28 mars (à noter que la décision de reprendre progressivement les travaux sur le site d’Afungi était liée à la promesse du gouvernement d’étendre la zone de sécurité sur une distance de 25 kilomètres ce qui incluait dedans la localité de Palma).
Malgré tout cela, le colonel Omar Saranga, le porte-parole du ministère de la défense mozambiquien, a affirmé que les forces militaires et de sécurité faisaient tout pour « garantir la sécurité » des populations locales et des « projets économiques proches » (NdA : Total). Des mercenaires ont été engagés en masse pour pallier aux carences des forces de sécurité locales mais, comme toujours, des défauts de versement de soldes auraient eu lieu ce qui ne pousse pas l’ardeur au combat des intervenants…
1. Voir l’article : « L’État Islamique en Afrique Centrale placé sur la liste des mouvements terroristes par les USA » du 12 mars 2021 sur raids.fr .
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