L’exercice annuel du commandement des forces spéciales Terre (CFST), Gorgones 2017, a rassemblé un ensemble de moyens assez large, sur fond de haut tempo opérationnel au Sahel et au Levant, et de crise de disponibilité de moyens.
400 personnels en instantané, 480 en intégrant tous ceux qui seront passés à un moment ou à un autre à proximité du camp des Garrigues, près de Nîmes : c’est une bonne moyenne pour Gorgones 2017, qui rassemble plus de militaires qu’en 2016, mais moins qu’en Corse en 2013 (où la dimension interarmées avait été très marquée…). Vu les emplois du moment en opérations, cette bonne mobilisation satisfait, qualitativement et quantitativement, le commandant des forces spéciales Terre, le général Patrick Brethous. Le chef connaît l’outil intimement : il a commandé le détachement ALAT des opérations spéciales (DAOS, qui a précédé le 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales), une opération du COS en Afrique (Benga, en 2006), puis le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des armées, avant de piloter Barkhane. Un profil d’Alatman plutôt dense : c’est la première fois que le commandement des FS Terre échappe aux paras – c’est dire !
Gorgones ne vise pas à être une grande messe d’autocongratulation ou d’exercice papier, mais avant tout un exercice permettant d’entraîner les PC de façon ultra-réaliste et de peaufiner la préparation des entités qui partent ensuite en opération. Pendant trois semaines (une semaine de « Fit » pour les basiques, puis un scénario qui se déroule sur deux semaines), les commandos des futurs mandats des TF Hydra (au Levant) et Sabre (au Sahel) peuvent ainsi se (re)découvrir. Une fois sur place, ils auront à nouveau une période (limitée) pendant laquelle seront vérifiées les règles d’engagement et les capacités collectives, cette fois par le COS. Avant de bondir sur leurs premières opérations.
Ce n’est plus un scoop, le CFST fournit l’essentiel des capacités déployées par le COS en opérations, soit environ 400 hommes (et quelques femmes), parmi lesquels un volant non précisé de réservistes. 1er RPIMa et 13e RDP alignent environ chacun 150 commandos et équipiers de recherche ; le 4e régiment d’hélicoptères de forces spéciales (RHFS) en engage 80 et une dizaine de ses hélicoptères, deux de chaque type (Gazelle, surreprésentée, Tigre, Caracal, Cougar). Le recours au Puma restant possible puisque deux appareils de ce type sont opérés au sein de l’escadrille des opérations spéciales (EOS) 1, et cinq autres, au sein de l’EOS 4. Autre capacité déterminante, les spécialistes en transmissions de la compagnie de commandement et de transmissions des forces spéciales (CCT-FS) qui arment actuellement les deux stations directrices de Hydra et Sabre. Toutes ces capacités étant quasiment uniques – sauf les hélicoptères de manœuvre, également fournis par l’escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées » –, ce dispositif s’autorelève dans la quasi-routine depuis des années. Le seul aspect qui soit routinier dans les missions de ces forces spéciales.
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L’exercice Gorgones a été créé en 2002 quand le 13e RDP a intégré la BFST, en conséquence immédiate de la non-adaptation des forces françaises à la guerre d’Afghanistan qui avait commencé – en partie sans eux – quelques mois plus tôt. A l’époque, deux exercices cohabitaient : Gorgones et Griffon. Ces deux exercices ont été fondus ensemble, avec pour objectif d’entraîner le PC de brigade, de brasser les futures unités déployées et de terminer le cycle de formation initiale des sticks SAS et équipes de recherches (ER).
Les séquences sont en général assez réalistes, au point que l’exercice n’est pas ouvert au regard des civils, sauf la période de Fit (conclu par un VIP day), qui précède de deux semaines le Livex. Preuve que les spéciaux cherchent à anticiper, une réaction à une situation de tuerie de masse de type Bataclan avait ainsi été drillée en Corse, bien avant l’attaque au Bataclan. Le directeur d’exercice doit à la fois concevoir des données réalistes, les réactions possibles, mais aussi les imprévus mécaniques, notamment dans la 3D, et les pressions politiques – comme dans la vraie vie.
Parfois – et, là encore, comme dans la vraie vie – la météo s’en mêle. En 2016, des pluies diluviennes (arrivant chaque année à cette période) qui avaient rincé le camp des Garrigues avaient obligé à faire évoluer l’exercice. Les voilures tournantes avaient été accueillies en catastrophe à l’école du Luc pour éviter la casse. Dans la vraie vie, les larges fronts (particulièrement dangereux) sont assez courants en Afrique, et appellent à une forte vigilance pour les aéronefs et pour les personnels au sol.
La dimension la plus marquante prise par Gorgones, depuis les deux précédentes éditions couvertes par l’auteur de ces lignes, est la dimension « poste de commandement ». Même si la version nîmoise n’est pas forcément le copier-coller de la sahélienne ou de l’orientale, elle montre une recherche du minimum de poids, avec des PC portables durcis Panasonic compacts, assez loin des caissons qu’on voit encore dans les états-majors conventionnels. Et de quoi synthétiser la situation tactique en peu de temps.
Pour être efficace, l’exercice a besoin de commandos grouillants et volants, mais aussi de plastron. Et, à cet égard, on ne cache pas la difficulté à en bénéficier, la faute à Irma qui a bien entamé les effectifs de l’armée de terre, notamment ceux du Sud et de Sentinelle. Par contre, et malgré son engagement dans Irma avec une compagnie en septembre-octobre, le 3e RPIMa a pu participer à l’exercice. De quoi permettre de travailler le lien entre spéciaux et conventionnels, un des mottos de leur commandant de brigade et de CFST, mais aussi de leur CEMAT.
Les commandos et équipiers de recherche sont forcément prêts, dans les starting-blocks, pour leur opex à venir. C’est plus complexe pour les hommes de la 3D qui surfent avec une vague de disponibilité toujours en dents de scie (comme, potentiellement, en opex). Les mécanos du 4e RHFS (qui ont perdu cet été une partie de leurs aviateurs) comme ceux du « Pyrénées » ont beau y mettre de l’ardeur, le manque de pièces, les programmes de rétrofit qui durent ou obligent à des reprises, obèrent la disponibilité, donc les aéronefs présents. A l’arrivée de RAIDS, le 4e RHFS aligne déjà trois Gazelle (sur 12 affectées), deux Tigre (sur 6), mais seulement un Cougar, qui tombera d’ailleurs en panne dans la semaine. L’équipe d’alerte, à Pau, permettra de réduire l’indisponibilité à quelques heures entrecoupées par une nuit. Au final, la semaine se terminera avec, en plus, un Caracal (indisponible en début de semaine) et un Puma. L’ancien GCOS Grégoire de Saint-Quentin avait expliqué que l’état de son matériel limitait son tempo opérationnel, et c’est bien réel.
Le « Pyrénées », désormais intégré aux unités des COS, doit lui aussi composer avec les moyens, dont la disponibilité est toujours insuffisante, d’autant qu’il est à nouveau présent en bande sahélo-sahélienne. Seul avantage, les personnels disposent d’un H225 (civil) loué, permettant la progression et l’entretien des qualifications.
Du côté de l’escadron de transport 3/61 « Poitou », il faut composer aussi avec le niveau d’engagement et les soucis d’âge de la flotte. Dernier souci en date, une fragilité sur les hélices du C-130 (qui, par ailleurs, manquait déjà de moteurs T-56…) qui oblige à des contrôles répétés, obérant la disponibilité. La semaine de Fit commence donc… sans aéronefs ; un problème pour les LOS (largages d’opérations spéciales) et les PAOS (posers d’assaut d’opérations spéciales). Les parachutistes ne cachent pas leur déception, même si un Twin Otter peut finalement venir d’Orléans. Le Transall prévu initialement a dû renoncer, comme son spare, qui aurait pu être prélevé à Evreux, chez les conventionnels. On l’a compris, le Transall n’est pas forcément au mieux. Au final, au moins un Hercules et un Twin Otter ont apparemment pu être mobilisés, avec également une contribution lors de la venue du CEMA à Orléans.
Pour s’occuper entre deux imprévus dans les airs, les commandos et équipiers de recherche ne manquent pas de terrains de jeux, dans le camp des Garrigues, que ce soit la reconstitution d’une petite ville moderne, adaptée au CTLO, la bonne dizaine de champs de tir, et des pistes (et sols) variées pour les infiltrations routières.
Pour cette équipe de chuteurs du CPA 10 qui a traversé la France, le décor est taillé sur mesure, alors que les moyens disponibles à Orléans sont plus limitants (en contrepartie, les avions sont à deux minutes du quartier, et les hélicos, à une demi-heure…). Le groupe est descendu avec sa propre cellule de mise en œuvre (CELMO), ce qui permet d’aligner pas moins de trois JTAC (spécialistes du guidage aérien). Le groupe action a aussi son propre chien, le malinois Inca, intégré à la colonne, une plus-value qui a déjà parlé (aboyé) à plusieurs reprises à Sabre, lors d’une opération sur un hôtel, et pour l’interpellation d’un djihadiste. Comme le CPA 10 l’a présenté au CEMA, en visite privée, les perspectives ne manquent pas, en cynotechnie, et les aviateurs semblent avoir une avance certaine. Inca présente deux avantages de poids, par rapport au chien basique : il est totalement aérolargable avec son maître (équipier à part entière du groupe, comme son chien) et cumule dans son corps l’intelligence du chien explo et la forme d’un chien d’intervention.
Lors de son séjour, RAIDS a pu visualiser les habituelles techniques d’aérocordage, de tir de précision en stand, mais aussi assister à des focus réalisés par les unités. Le CPA 10 a pu ainsi présenter ses capacités en matière de progression dans le village de combat (apparemment, flambant neuf) du camp, avec appui du chien, un malinois qui amène tout son flair dans la progression de ses équipiers, ou lors d’une levée de doute sur un véhicule.
Le 4e RHFS a aussi largement illustré le spectre des actions possibles avec ses Gazelle, pendant la première semaine de Fit, allant tirer ses Hot à l’île du Levant (au sud de Toulon), et son encore unique M134 Gatling, une des fiertés du régiment, qui aura produit dix ans d’efforts et d’obstination pour mettre en œuvre cette arme nouvelle, dont la découverte, par les services officiels, nécessitait donc un luxe de précautions. « L’autorisation de vol de la Gatling, qui volait sur Paris le 14 Juillet a été reçue la veille, le 13, explique l’EOS 2. La base de Captieux avait été autorisée pour l’expérimentation, mais en France, pour l’instant, nous ne pouvons tirer qu’au Levant. On entend l’arme à 6-7 km, c’est une arme aussi psychologique que de saturation. Pour la mettre en œuvre, on utilise les MEOS [membres d’équipage d’opération spéciales] armés de MAG 58 sur HM, mais aussi les mécaniciens de nos propres Gazelle, cela permet d’optimiser l’effectif. »
On peut constater – problème ancien déjà soulevé par RAIDS – qu’aucune de ces deux populations n’a de solde à l’air pour l’instant, contrairement aux équipages de conduite.
Avantage, dès que le tir est établi, le M134 « ne produit pas de recul, contrairement au canon de 20, poursuit un pilote. Evidemment, la rafale bouge la machine, mais on la compense. Le tir produit 50 cartouches par seconde, ou 3 000 par minute. On se parle entre nous pour tirer. En 12 000 cartouches tirées, l’arme fonctionne bien, et la deuxième arme arrive en fin d’année. Nous devrions avoir quatre ou cinq M134 en parc à la fin. Nos 12 Gazelle pourront être équipées à l’issue d’un chantier de modifications ». La première Gazelle modifiée pour emport de la Gatling est un SA341 Ma, la prochaine sera une M1 (Viviane) avec un avantage en emploi de nuit, mais avec une masse à vide plus importante, donc moins de carburant… ou de cartouches.
Outre la Gatling, des tirs de leurres ont été réalisés au Levant, ainsi que des tirs de mitrailleuse de porte MAG 58 pour les hélicoptères de manœuvre.
Au camp des Garrigues, il était possible d’effectuer tout le reste, que ce soit du tir embarqué avec ou sans affût Strike (permettant l’emport du Barrett M107). L’appui-feu tireur embarqué (AFTE) est, le jour où il nous est présenté, réalisé avec des HK417 pourvus d’un récupérateur d’étuis, et avec ou sans réducteur de son. « L’AFTE travaille entre 0 et 200 m, explique un pilote de l’EOS 2, il est très adapté aux courtes distances. C’est le chef de bord qui autorise le THP à ouvrir le feu. Sur le 12,7 mm, on prend le souffle et la poudre via les évents du frein de bouche. Le tireur est limité en nombre de coups par jour, vu le recul. » Au passage, l’EOS 2 explique une évolution sur les casques de l’équipage. « Pour l’instant, on a un casque aéro, pas balistique. Le casque Alpha est meilleur, mais pas forcément plus léger que le Guenau. Nous nous intéressons à un casque tactique de type Ops-Core [comme les commandos] pour pouvoir continuer le combat au sol en cas de besoin. » Situation qui s’est déjà présentée en Centrafrique, notamment en novembre 2006, lorsqu’une Gazelle a dû se poser, et son équipage participer à la fusillade ambiante1. Cette problématique de casque se retrouvera également sur les hélicoptères de manœuvre ; par contre, il est probable que le Tigre, lui, conservera son Topowl, même si les espaces disponibles sur l’appareil permettront l’emport de deux casques tactiques.
La Gazelle est aussi un des partenaires naturels des cynos du groupe d’appui aux opérations spéciales (GAOS) institué par la montée en puissance du CFST. Plusieurs modes coopératifs sont possibles, du poser de binômes cynophiles jusqu’à un assez impressionnant saut du malinois depuis la Gazelle, ce qui permet de gagner quelques précieuses secondes pour intercepter un fuyard.
Le chien – Loki, à l’œuvre sous nos yeux – présente l’avantage non négligeable d’être plus rapide à la course que l’humain : à l’issue de plusieurs dizaines, voire centaines de mètres de traque, il ôte toute envie d’évasive au fuyard armé. Sans chien, la maîtrise de la violence face à un individu armé qui refuse les sommations n’est pas forcément traitable de la même manière. Il faudrait un tir, et donc, peut-être perdre de précieuses informations ; ou le symbole d’une capture, et par suite, d’un jugement.
Les cynos du 132e BCAT sont (comme RAIDS l’avait détaillé dans un précédent numéro) désormais totalement intégrés dans un chenil, à Bayonne, et offrent sept binômes, mais pas assez, en l’espèce, pour être fidélisés à un stick action. Pour l’heure, la capacité est d’un binôme pour quatre sticks, un ratio inférieur, par exemple, à ce qu’il est au CPA 10. En outre, l’autorelève et les éventuelles blessures du maître ou du chien (mis à rude épreuve par la chaleur) peuvent dégrader le réservoir. Mais la direction de l’effort est là, et au 1er RPIMa comme au 4e RHFS, on note toute la plus-value de l’outil, qui comble un vrai vide.
Outre les cynos, étaient aussi présents les dragons du 2e RD, les mieux représentés du GAOS sur Gorgones 2017 – interdit d’y voir un thème d’actualité…–, ainsi que des sapeurs paras du 17e RGP, une des contributions utilisées aussi régulièrement par les task forces en opérations. Pas visible, en tout cas, la capacité n°1 mobilisée en opérations : la guerre électronique, fournie par le 54e RT.
Aujourd’hui, nous explique son chef (un ancien du 17e RGP), le concept GAOS a fait ses preuves en opérations, et fait l’objet d’affinage sur la qualité du réservoir humain, mais aussi un possible élargissement de son périmètre. A la lueur de nouveaux besoins, ou de nouvelles capacités fournies par l’armée de terre, comme le drone Patroller, dont le fabricant, Safran, assure qu’il peut fournir une vingtaine d’heures d’endurance de vol, et une qualité d’image inégalée sur un drone tactique.
Des Espagnols présents
Même si sur place il n’y avait pas d’informations l’évoquant, un invité étranger, l’Espagne, a révélé sa présence sur… le compte Twitter de son armée de terre. Selon cette source, un groupe action sur véhicule VAMTAC et une équipe de tireur d’élite du Mando de Operaciones Especiales (MOE, le COS espagnol) ont fait le déplacement pour développer leur coopération avec le 1er RPIMa, en matière d’interception de cibles à haute valeur et de libération d’otages. Les Espagnols ont aussi été impliqués dans la mise en œuvre de procédures d’infiltration et d’exfiltration par aérocordage.
On le sait, les Espagnols ne sont qu’un des partenaires du CFST, qui a aussi (re)développé sa coopération avec la Delta Force, les Special Forces Groups (dont le 3rd SFG, affecté à AFRICOM), les SEAL (Team 6), les SAS britanniques. De fait, c’est tout le haut du chapeau des unités spéciales occidentales qui se presse dans le Sud-Ouest désormais, au vu du bilan opérationnel emmagasiné depuis l’Afghanistan par les Français.
Une belle reconnaissance pour l’investissement constant des Français, qui se paie, il ne faut pas l’oublier, par des morts (trois à Sabre, un à Hydra) et des dizaines de blessés physiques et psychiques.
La nature des engagements, particulièrement violents et abrasifs, a aussi un effet sur le matériel. Le parc de VPS est à bout de souffle – ils étaient bien rares sur Gorgones – et les soucis du PLFS ont de quoi inquiéter. Comme la ressource limitée en hélicoptères, une des explications à leur non-engagement au profit d’Hydra. C’est un défi de la prochaine loi de programmation militaire (LPM), il faudra réellement avoir la capacité d’armer deux théâtres, soit entre 15 et 20 machines. Or, pour l’heure (hors GIH, prévu uniquement pour le territoire national), il n’y a qu’une quarantaine de machines (dont 18 Caracal, pour la plupart non disponibles) en stock : c’est largement insuffisant. La seule façon d’arriver à ce format est de gonfler le parc du « Pyrénées » (qui détiendrait tous les Caracal) et de fournir le 4e RHFS en Caïman (quitte à en prélever tout ou partie sur l’ALAT conventionnelle). C’est un des gros dossiers de la prochaine loi de programmation militaire, un des plus gros de la pile que le général Patrick Brethous (Alatman de spécialité) doit porter à Paris.
Les premiers signaux ne sont pas forcément encourageants puisque, dans le cadre des amputations budgétaires de 2017, l’achat d’un Caracal (pourtant de la gamme des 25 MEUR) destiné au « Pyrénées » a été « décalé ». Le rapporteur des crédits pour la commission de la Défense, le député LREM Jean-Charles Larsonneur, a fait état de ses inquiétudes sur ce sujet pourtant prioritaire.
« Gorgones 2018 »
Le prochain Gorgones se tiendra en Corse, où les FS ont leurs habitudes. Le 4e RHFS avait drillé avec un bâtiment de projection et de commandement (BPC) au large en 2011, avant la guerre de Libye, et l’exercice Tigre 2, avec les FS saoudiennes, s’y était tenu en 2013. L’avantage de l’île est qu’elle propose une véritable offre multi-milieux (air, terre, montagne, maquis, mer, lacs) qui permet de driller tous les scénarios possibles. En outre, elle permet de tirer bien des armements, sur le champ de tir de Diane, que ce soit de l’armement motorisé (tir en mouvement possible) ou pour les hélicoptères (Hot, AFTE, M3M, MAG 58). Pour le reste, l’île du Levant n’est pas loin. En outre, des zones aériennes sont réservées, ce qui permet de travailler avec les chasseurs de l’armée de l’air, et peut-être un drone (si l’on n’est pas trop loin de Cognac…). Les Corses sont aussi réputés extrêmement accueillants. Tout comme la base aérienne de Solenzara, qui peut recevoir sans difficulté avions du « Poitou » et hélicoptères du 4e RHFS et du « Pyrénées ». Y stationne aussi un escadron d’hélicoptères conventionnels, le 1/44 « Solenzara », dont la montée en puissance sur Puma Resco a été assez rapide. L’unité s’entraîne régulièrement avec le Commando Hubert.
Par contre, au camp des Garrigues (comme à Caylus auparavant), des problèmes de nuisances sonores d’hélicoptères sont apparus. La plus proche base aérienne est Orange, ce qui fait loin pour les posers d’assaut, et surtout pour les séquences de largages d’opérations spéciales, alors qu’à Solenzara, tout est inclus grâce à la piste et la DZ para, comme la mer qui n’est qu’à quelques centaines de mètres. Donc de quoi ravir les « nautiques » de la 1re compagnie SAS et du 2e escadron du 13e RDP.
Il n’y a qu’un seul désavantage, c’est plus cher, car plus loin. Et le trajet pour s’y rendre est plus long, sauf à avoir un pont aérien d’Atlas. Mais cela pourrait donner lieu à un bon exercice de projection réelle avec l’Atlas, un partenaire désormais évident des opérations spéciales.
De nouvelles rations de survie
Les rations de survie cartonnées bien connues ont leur avantage en matière de qualité nutritive et de goût, mais il faut avoir un minimum de temps et d’espace pour les déguster, obligeant souvent à faire un stop dans la mission. Or, engagées dans une logique de mission particulière, les forces spéciales ont travaillé avec le Service du commissariat des armées (SCA) à développer des rations qui puissent être dégustées « sans rompre la dynamique de la mission », explique le commandant chargé des rations au SCA. Il est aussi possible de les consommer dans un aéronef. L’évolution provient du fait que, jusqu’alors, les FS achetaient des rations de ce type auprès de fournisseurs anglo-saxons.
Exemple de ces nouvelles rations avec des spaghetti à la bolognaise dans des gourdes souples qui servent en général aux bambins dans les cours d’école pour déguster leurs compotes aromatisées. Le concept de rations pour « forces au contact » (donc pas forcément limité aux FS) a été initié il y a 15 mois, puis testé pendant trois et six mois sur deux théâtres et en France par les unités du COS. D’après le spécialiste du SCA, le « produit a beaucoup séduit ». Il peut demain s’adresser à d’autres unités spécialisées (DGSE, GCP, GCM), voire à des unités conventionnelles dans le même type de situations (OMLT, DLAO, etc.). Le SCA travaille au packaging de la V2 qui sera définitivement adopté. Il faut, par exemple, faire disparaître les surfaces réfléchissantes des emballages, et tout ce qui peut être signant dans la provenance. Un simple code-barres ou code couleur pourrait s’avérer suffisant. La production et les livraisons devraient intervenir en 2018.
Les fournisseurs sont à 90 % des Français. Par contre, pour l’instant, impossible de trouver un fournisseur de WRAP : il est donc… américain. Le SCA a aussi développé, pour toutes les forces, un pain de campagne à longue conservation, consommable pendant trois (ou six mois).
Le pack souple permet aussi de le conditionner plus facilement qu’une boîte rigide de pâté ou de fromage fondu, et le reliquat, après consommation, est moindre. Autre avantage : l’opérateur garnit sa ration comme il le veut, sans avoir à emporter des produits qu’il sait par avance qu’il ne consommera pas. Peut-être un avant-goût de ce que sera la future ration du combattant français, plus modulaire. Déjà, le SCA a fait preuve d’innovation en développant avec ses fournisseurs une ration de fête à 2 000 calories. Un modèle qui pourrait tomber dans les mains des FS sur le front en fin d’année : ceux croisés à Gorgones.
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Jean-Marc Tanguy
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