RAIDS poursuit l’analyse des nouveautés françaises d’Eurosatory, découvertes à Villepinte pendant la semaine d’exposition en juin, et même en amont du salon. Ainsi, fin mai, le GICAT organisait sa traditionnelle séquence de dévoilement des innovations et nouveautés d’Eurosatory, permettant d’avoir un avant-goût du salon. RAIDS y était, avec la presse conviée du monde entier.

Du 40 au 155 mm

Créé il y a deux ans, Junghans T2M emploie 180 Français à La Ferté-Saint-Aubin (45) et 360 Allemands outre-Rhin. C’est une filiale commune à Thales (45 %) et Diehl (55 %), spécialisée dans les fusées, mais aussi désormais à tout ce qui peut contribuer à la précision du tir. Un métier qui fait appel à la micromécanique, la pyrotechnique et à l’électronique durcie.

Les procédés permettent de prendre en compte les énormes accélérations (50 000 g) que rencontrent principalement les obus d’artillerie. Les cartes électroniques de guidage sont placées dans des moules, l’opérateur injecte de la résine qui, solidifiée, contribuera par la suite à protéger l’intelligence embarquée. Le processus de solidification prend 18 heures. Au total, la fabrication d’une fusée prend cinq à dix jours selon le modèle, à la cadence d’une quinzaine par jour.

Les Français sont spécialisés dans le 120 mm et le 155 mm, mais les Allemands font aussi du 40 mm. Des fusées ont également été conçues pour des calibres plus exotiques, comme le 122 ou le 130mm, des calibres issus de l’ex-URSS.

Selon Junghans, la période d’activité serait « forte » du fait de commandes françaises et export. En cas de surchauffe de commandes, les équipes peuvent être renforcées et les plages horaires étendues.

Une chambre anéchoïque permet de posséder sa propre autonomie pour les essais et développements. La partie Thales a planché par le passé sur le plan d’études amont (PEA) Média, qui avait embarqué une caméra vidéo dans un obus de 155 mm. Le projet était mené avec Nexter et l’Institut Saint-Louis, mais il n’a pas débouché faute de vraie application pratique, même si les défis techniques ont été relevés.

La gamme de fusées actuelle des obus sol-sol permet le déclenchement à l’impact, et après l’impact pour transpercer une canopée, à trois hauteurs

pré-choisies.

Issu de cinq ans de développement, SPACIDO permet d’améliorer la précision sur objectif, en tirant l’obus à une portée plus importante que celle de la cible. Au moment idoine, trois freins-corolles se déploient pour amener l’obus sur cible. La dispersion n’est plus que de 50 m au lieu de 250, annonce Thales, pour un obus de 155 mm. Le dispositif est en cours de qualification avec la DGA.  

FREMEN est une fusée polyvalente pour obus d’artillerie navale de 76 et 100 mm qui comprend elle-même la mission qui lui est demandée. Elle permet la plupart des modes précédents, mais peut aussi s’appliquer à des modes antimissiles et anti-avions. La fusée calibre 76 mm (en service sur les frégates de défense aérienne et les frégates multimissions) a été tirée en 2017, reste à le faire sur le 100 mm (qui équipe les anciennes frégates).

Le site de La Ferté-Saint-Aubin héberge aussi une activité de fabrication d’obus de mortier de 120 mm, en cours de profonde modernisation. Jusqu’alors, la fabrication était assurée principalement à main d’hommes (et de femmes), et une chaîne d’assemblage final a été développée sur le site afin « d’améliorer d’abord la qualité », assure Thales, les gains de productivité n’étant pas, par ailleurs, ridicules puisqu’ils sont estimés à 30 %. Les robots Fanuc R2000ic 165F fournis viennent du Japon.

Les munitions de 120 mm comprennent l’obus en tant que tel, un modèle rayé à sa base afin de conférer la précision, et une queue porte-charges avec ses relais, de petites poches d’explosifs. Traditionnellement, les queues sont livrées avec le maximum de portée, donc de relais. Les poudres des relais sont achetées à une société française et à une entreprise étrangère. La formule de l’obus rayé stabilise par giration, évitant ainsi les empennages. Une fois l’impulsion donnée, les griffes à la base de l’obus se décrochent avec la queue porte-charges.

Drones et optronique pour Safran

Geonyx, une nouvelle centrale de navigation à inertie, a été dévoilée à Eurosatory, fondée sur la technologie de la résonnance hémisphérique (HRG). Cette technologie a été développée à l’origine par l’américain Northrop Grumman, et elle a déjà été en France employée notamment sur l’armement air-sol modulaire (AASM), les centrales navales BlueNaute, ou encore les extracteurs de coordonnées STERNA (vendus aux… USA sous la marque PAVAM) depuis une quinzaine d’années. 150 000 HRG ont déjà été produits par Safran, qui développe cette fois une version optimisée pour les véhicules comme les systèmes d’artillerie. Safran a déjà une base historique en matière de centrales, que ce soit sur les VOA (VAB d’observation d’artillerie), les Caesar (Sigma 30), le STERNA, etc. Avantage, le nombre de pièces est devenu très réduit : trois seulement, contre 50 dans les centrales des années 80, et 500 dans celles des années 60. Il en résulte une meilleure durée de vie et une maintenance simplifiée.

La boule Euroflir 410 est en cours de qualification sur son premier porteur, le drone Patroller. Ce système optronique a profité du programme d’études amont (PEA) Boom, logé dans une boule plus grosse, et qui comporte notamment deux caméras infrarouges. Safran Electronics & Defense affirme que sa boule est la plus complète du marché, avec pas moins de 11 capteurs, navigation comprise : optique et infrarouge grand champ, petits champ (spotter) optique, infrarouge et proche infrarouge, et plusieurs modes laser (télémètre, pointeur et désignateur). Cette boule de 50 kg a été retenue par Airbus Helicopters en 2017 pour devenir la base d’évolution pour les clients du NH90. On pourrait notamment la voir sur le NH FS français. Les 14 premières boules équiperont néanmoins les 14 drones Patroller destinés à l’Armée de terre.

Le Patroller connaît aussi des retards. Martin Sion, président de Safran Electronics & Defense, ne les conteste pas, mais relativise le calendrier. Le principal responsable serait, selon lui, le fournisseur du motoplaneur, l’autrichien Stemme. L’objectif de livrer en 2019 un drone qualifié pour opérer dans l’espace aérien civil reste maintenu. La fiche de caractéristiques militaires énonce une endurance de 14 heures, mais Martin Sion explique que l’endurance réelle s’établit à 20 heures.

Le drone a déjà été retenu pour une expérimentation européenne visant à développer le potentiel des missions de surveillance maritime. Un radar air-surface doit notamment servir à scanner la surface des océans ; pour l’heure, s’il a été choisi, son fabricant n’est pas connu.

Pour ce qui concerne l’armement, « on attend l’engagement de la DGA », déclare Martin Sion, constatant l’évolution doctrinale dévoilée par la ministre des Armées en septembre à l’université d’été de la Défense. Mais, reconnaît-il aussi, « on a commencé à étudier le dossier avec TDA et MBDA », le premier pouvant fournir des roquettes guidées ou non, ainsi qu’un petit missile tactique tandis que le deuxième pourrait piocher dans sa gamme un missile moyenne portée (MMP), peut-être surqualifié pour la mission demandée.

Une Euroflir plus volumineuse est manifestement dans les cartons, sous la désignation Euroflir 580 (le chiffre donnant en millimètres la taille de la boule). Elle vise clairement la nouvelle génération de drones MALE, notamment le MALE européen développé en coopération entre la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Des applications seront également possibles dans le domaine de l’ISR piloté et du C3ISTAR (ciblage).

La société planche aussi sur l’évolution du système de visée du Tigre, avec un Stryx de nouvelle génération.

L’AASM est actuellement en plein boom de production, avec un niveau multiplié par sept comparé au plus bas niveau de 2015. La société est aussi engagée dans la production d’un AASM à plus faible coût, qui avait été initié après les fortes consommations liées à l’opération Chammal. L’Egypte a aussi commencé à recevoir les siens, le Qatar devrait bientôt suivre, et l’Inde se fait encore prier pour passer commande.

Le président de Safran Electronics & Defense ne cache pas non plus travailler sur de nouvelles versions de l’AASM, que ce soit avec des têtes de guidages différentes, et des corps de bombes différents. « On cherche à faire évoluer la famille », a-t‑il simplement expliqué à RAIDS, sans plus de détails.

Safran ED a aussi gagné un plan d’études amont, Furious, visant à développer l’interaction entre le combattant débarqué, les robots terrestres et les drones aériens. A cet effet, la société a développé un petit multirotor, Squadrone, avec une PME non dévoilée. Le segment terrestre fait, lui, l’objet d’une coopération avec des grands noms de l’automobile comme Valeo et Peugeot, mais aussi d’une équipe de PME. Safran avait gagné contre une équipe assez complète formée autour de Nexter, Thales et ECA.

La société conserve aussi des positions fortes dans le domaine de l’optronique du fantassin. Le Moskito TI est une jumelle monoculaire multifonction de 1,2 kg, présentée comme « la plus légère du marché », bien vendue en Europe et aux Etats-Unis. La JIM-LR pèse 3,2 kg, plus de 10 000 exemplaires ont été vendus ; la JIM compacte, plus récente (2 kg tout rond, avec sa batterie) cherche à rééditer cet incroyable succès.

Plus lourd, le système de détection multispectral Paseo va équiper le Jaguar à raison de deux exemplaires par véhicule (un pour le chef de bord, un pour le tireur) ; donc l’augmentation de la cible de ce programme (une cinquantaine d’exemplaires supplémentaires pour la France) est une bonne affaire pour l’industriel. Le franco-belge CMI Defence l’a retenu pour ses tourelles, explique Safran.

Le Paseo a déjà été retenu par la Marine en version XLR (longue distance) pour le programme de frégates de taille intermédiaire, là aussi à raison de deux équipements par navire (soit un total de dix), et pour le système d’appontage du Charles-de-Gaulle.

Le NH FS d’Airbus.


Annoncé par la loi de programmation militaire, le NH90 forces spéciales (appelé NH FS) doit être commandé à dix exemplaires ; six seront livrés sur la LPM et quatre autres sur la suivante. Dix machines, cela semble peu, mais cela peut ouvrir la voie à d’autres commandes, ou à l’achat de… Chinook.
En tout état de cause, il semble déjà évident qu’une partie des innovations du NH FS profitera aux engins déjà en service en régiment d’hélicoptères de combat (RHC) pour les opérations conventionnelles. Une communauté de destin lie déjà le NH FS australien et son homologue français ; même les Belges pourraient y souscrire pour pouvoir équiper leurs quatre TTH90 avec des kits. Les Australiens ont déjà qualifié (avec le NH TFIA sur lequel RAIDS a volé) des capacités d’aérocordage et une échelle capable de porter 600 kg. L’appareil français doit bénéficier d’un distributed aperture system (DAS) co développé par Thales et Safran. Il comprend deux paires de capteurs TV et infrarouges, couvrant un large secteur, ce qui permet d’offrir aux pilotes par stéréoscopie un champ de vision restitué très important. Le NH FS sera le premier appareil ainsi équipé. En outre, il disposera d’une boule Euroflir 410 de Safran. La question reste posée d’une fenêtre à l’arrière, pour la mise en œuvre d’armement. Profiter de l’existant exposerait néanmoins les tireurs à des tirs de lance-leurres. La grappe, une des demandes françaises, se fera en sling (accrochée sous le plancher de l’appareil, et non sur la boîte de transmission principale), car les réservoirs de carburant situés dans le plancher du NH90 rendaient impossible de creuser la fosse habituelle de la génération Puma/Super Puma. La rampe arrière sera aussi renforcée pour pouvoir sans doute prendre un quad ou un véhicule similaire (fardier).

Atos sur l’ISR

Atos a présenté son offre ISR aérien, dans la droite ligne de ce qu’on peut trouver depuis un bon bout de temps dans les cieux africains. Le groupe, qui dit travailler sur le sujet depuis trois ans avec sa filiale Avantix (spécialisée dans la guerre électronique), a retenu un F406 d’Avdef pour recevoir une charge utile COMINT 30 MHz-3 GHz permettant de tracer du mobile et de la radio, ainsi qu’une boule MX-10 (électro-optique et infrarouge) de Wescam et un système de géolocalisation 3D. Ce choix n’est pas exclusif, s’empresse-t-on d’ajouter. Les données sont synthétisées sur une console unique à bord de l’appareil. Une liaison de données cryptée, « optimisée par Avantix », permet de renvoyer la production vers le sol. La charge utile est en cours de test sur un ballon dans le sud de la France, au Castellet.

Le choix du F406 peut sembler assez étonnant vu son manque d’endurance et l’âge de l’avion. Sans doute une façon d’illustrer le fait que le concept n’est pas encore totalement mature. D’après Atos, tout a été réalisé sur autofinancement, avec une facture en millions d’euros à deux chiffres.

Les solutions de mobilité de Texelis

Issue de la filière de Renault Véhicules Industriels (RVI, devenu ensuite Renault Trucks), Texelis, basée à Limoges, en a remontré à son ancienne maison-mère, puisqu’elle a gagné, avec Nexter, le contrat VBMR léger, dont elle décrochera entre 20 et 30 % de la valeur pour la série française. Assez étonnamment, Texelis était jusqu’à maintenant plus connu à l’étranger qu’en France, pour sa capacité à fournir des solutions de mobilité. C’était le cas avec le singapourien STK, mais aussi Yougoimport. La société s’est même placée… sur un véhicule utilisé par l’armée russe en Syrie (le 6 x 6 Typhoon). Ses principaux clients étaient en Asie et au Moyen-Orient sur des 4 x 4, 6 x 6 et 8 x 8.

Texelis a dévoilé à Eurosatory sa nouvelle première plate-forme destinée à l’export. Elle a d’ailleurs, en mai, décroché son premier client, au Moyen-Orient, pour cette solution de mobilité en 4 x 4 pour 14 ou 18 tonnes, mais interdit d’y voir une quelconque parenté avec le VBMR light français. Une première commande de véhicules à deux chiffres, en attendant peut-être de passer à trois. Cette solution comporte le châssis, mais aussi la boîte de vitesses Allison 3000 S, le CTIS (contrôle centralisé de la pression des pneus), un moteur Cummins de 6,7 litres (générant 350 chevaux). Les premiers exemplaires doivent être livrés en juillet.

« Le VBMR est une vraie carte de visite. On était jusqu’à maintenant mieux connus à l’export qu’en France, mais quand on parle désormais à Allison par exemple, le résultat est complètement différent. Bien des acteurs ont changé d’avis sur nous, parce que nous sommes désormais un fournisseur direct de l’armée française. C’est un challenge. Depuis 2015, la croissance d’activité est continue », explique ce jeune commercial qui arrive de… chez Nexter. En 2015, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 75 millions d’euros et elle table sur 100 millions en 2018. Le niveau devrait se stabiliser à ce palier, puis arriveront les contrats liés au VBMR léger à partir de 2021.

Du terrestre et de l’aérien pour Nexter

Le groupe d’armement terrestre Nexter étend sa gamme de drones terrestres et aériens, afin de valoriser sa gamme de produits, mais aussi d’autres matériels comme le Titus, qui devient un « véhicule augmenté ». Dans le domaine terrestre, c’est évidemment l’irruption du MILREM estonien qui semble l’avancée la plus importante, avec l’intégration d’une tourelle ARX20 de 20 mm, également dotée d’une mitrailleuse 7,62 mm. En outre, le groupe confesse sans détour plancher déjà sur la robotisation d’un Titus qui pourrait donc progresser sans équipage. Le tourelleau téléopéré peut déjà lui-même être utilisé depuis l’extérieur, et commandé d’une simple tablette.

En fonctionnement électrique (un moteur sur chaque chenille), le MILREM peut avoir une endurance de trois à cinq heures. Sa vitesse de progression peut atteindre les 24 km/h et il peut franchir une marche de 50 cm et monter une pente de 40 %. Nexter explique avoir retenu le canon de 20 car c’est « le premier calibre vraiment efficace contre les véhicules, avec des munitions explosives, contrairement au 12,7 mm ». Cela n’aura échappé à personne, Nexter ne fabrique pas, de toute façon, des 12,7 mm… Et « l’effet de recul est équivalent à celui d’une 12,7 mm », explique le commercial des tourelles. Le canon est alimenté à 100 coups, et la mitrailleuse à 300.

Les efforts de l’industriel visent actuellement à sécuriser la liaison de données pour éviter que le robot ne se mette à « canarder » des amis après brouillage ou intrusion de l’adversaire. Une solution mature doit être présentée à l’Armée de terre d’ici la fin de l’année. Ces développements, comme ceux menés avec le bureau d’études SERA (sur un véhicule à roues), ne sortent pas du néant : autofinancés, ils devaient contribuer à montrer le dynamisme de Nexter en la matière, et le faire choisir, plutôt que Safran, pour Furious, un plan de recherche de la DGA consacré aux robots roulants et aériens. Nexter avait réuni autour de lui quelques grands noms (Thales, ECA, Novadem), mais cela n’a manifestement pas suffi.

Dans le domaine aérien, le groupe mise sur des partenariats avec les français Drone Volt (drone libre) et Elistair (drone filaire utilisable pour l’observation ou comme relais de transmission). Le drone présenté sur le Titus est un Drone Volt, doté d’une charge utile de 5 kg, et peut-être utilisé en roulant à faible vitesse, explique-t-on chez Nexter. Nexter a aussi développé en interne deux drones. L’un est un indoor plutôt demandé par les unités d’intervention et de forces spéciales. Il tient dans deux paumes de mains jointes. Il possède un capteur 2D qui sert au mapping laser et un altimètre qui évite d’aller cogner le plafond de la salle. Sa masse est annoncée dans les 500 g. Il est propulsé par quatre hélices tripales carénées. Son autonomie est limitée à une quinzaine de minutes. Mais cet engin qui attire l’œil – nous ne l’avons pas vu en réel ni en fonctionnement – peut aussi rouler, avec deux mini-chenilles, ce qui permet de prolonger son autonomie (une heure d’endurance en roulage seul).


Fort du succès de son Nerva (250 exemplaires vendus), et face aux déconvenues des utilisateurs de Scout Recon (un engin cher, cassant, avec des SAV plutôt longs), Nexter ne cache pas s’intéresser à un robot de taille réduite. Les utilisateurs du Nerva, qui sont souvent aussi ceux du Scout Recon (le célèbre robot canette), lui ont expressément demandé de s’y intéresser ; reste à voir la forme que cela prendra, puisque le robot américain a plusieurs brevets sur sa configuration. Le Nerva lui-même continue à avoir le vent en poupe : les SEAL pourraient en reprendre après l’intégration d’un bras par Nexter. Le NSG indien vient d’en prendre une dizaine d’exemplaires en mars.
Le Kobra autrichien, lui, a opté pour huit exemplaires en avril. « Tous les choix sont faits après évaluation de plusieurs jours. Le principal argument du choix des clients porte sur la modularité du Nerva, en plus de sa robustesse et de sa fiabilité. On passe d’une configuration de reconnaissance à une autre de leurrage et de déception en quelques secondes seulement, ce que ne savent pas faire nos concurrents américains et israéliens », assure le commercial de Nexter.

Le MMP arrive dans l’Armée de terre

Les premiers missiles de moyenne portée ou MMP (remplaçant les Milan, Hot et Mephisto Hot) ont été livrés en décembre dernier : le missile de moyenne portée voit sa carrière débuter à l’heure dans l’Armée de terre. Il faut rappeler que MBDA revient de loin : spécialiste international historique du missile antichar (SS11, Milan, Hot), il s’était fait méchamment sortir par l’Armée de terre, suite à… sa propre inertie. Le Milan-ER n’avait pas convaincu et la France avait donc acheté des Javelin américains, face au Spike israélien. Désormais, avec un missile particulièrement prometteur, MBDA est remis sur les rails. Ce qui lui permet de rester un global player, doté d’une gamme complète, dans le domaine des missiles, face à son concurrent américain Raytheon, mais aussi à l’israélien Elbit.

Les régiments d’infanterie (21) et de cavalerie (11) ont reçu un exemplaire du simulateur de tir MMP permettant de se familiariser avec le poste de tir (PdT) et les procédures. Tandis que les primo-formateurs étaient formés à Canjuers. Une campagne de tir a ainsi eu lieu début mai dans le grand camp varois. En parallèle, la Section technique de l’armée de terre (STAT) pousse le système dans ses retranchements. Deux tirs à 5 000 m (avec une trajectoire haute) ont été réalisés de jour. La STAT comme le fabricant, MBDA, veulent aussi profiter des capacités en matière de tir au-dessus de la vue directe. L’emploi de drone(s) pour éclairer l’environnement du tireur est une évidence, si bien que MBDA a déjà travaillé avec au moins un droniste sur ce sujet, afin que l’intégration des données du drone dans le système de tir permette la meilleure réactivité possible.

Le premier déploiement devait intervenir dès avril, puis il y a eu un premier décalage à juin, avec les 2e REP et 2e REI dans la bande sahélo-saharienne (BSS). Mais ce ne sera pas le cas, le report se faisant sur le mandat suivant, avec le 1er RI et le 1er Tirailleurs. Le décalage semble plus être un choix interne à l’Armée de terre et au service interarmées de munitions. Il faut en effet compter deux mois de délais pour une mise en place en opex, la messe était donc apparemment en partie dite.

Les forces spéciales ont, elles aussi, leur intérêt dans le MMP. Certains avancent l’argument qu’elles préféreront attendre que le MMP se vende plus pour que l’arme se fonde davantage dans la masse des clients, et évite ainsi d’identifier des Français. L’argument n’est qu’à moitié pertinent puisque le stock de Javelin utilisé par le COS au Levant a fondu comme neige au soleil : il n’en resterait plus qu’une vague trentaine, on est loin des 276 missiles (et 76 postes de tir) qui avaient été livrés en urgence opérations en 2011.

Le MMP doit subir deux campagnes de mauvais traitements, à Djibouti (temps chaud) et en Suède (temps froid, en février prochain). Pour l’heure, MBDA a surtout réalisé des mauvais traitements liés à des transports, dans le domaine vibratoire. A priori, le tir contre hélicoptères est possible ; il l’est sur des véhicules assez rapides, comme l’a prouvé un but à 3 200 m sur une cible roulant à 70 km/h.

Une quarantaine de postes de tir ont été livrés, ainsi que 53 missiles (trois ont servi à des essais spécifiques). Plus d’une dizaine avaient été tirés, à la date de la mi-mai. 100 à 150 missiles devraient être livrés d’ici le mois de septembre, permettant d’abonder le déploiement en BSS.

 

Globalement, MBDA et Nexter ne restent pas inactifs sur le plan export. Un pays arabe, vraisemblablement le Qatar, se voit proposer une tourelle T40 avec deux MMP. Par contre, MBDA n’a pas réussi à placer son missile en Australie, chutant face au Spike israélien. Le missilier dit travailler avec plusieurs tourellistes actuellement, dont le belge CMI Defence.

Il planche aussi sur un missile de longue portée (MLP) qui doit équiper le standard 3 du Tigre. Il empruntera des technologies au MMP, mais devra comporter une liaison radio fréquence (demandée par la France), ce qui fait déjà l’objet d’un plan d’études amont (PEA). La portée doit aussi passer à 8 km. Il faut donc plus d’énergie dans le missile, une antenne de liaison et une encore meilleure capacité de tir sur cible mobile. Plusieurs forfaits de prix seront sans doute proposés en fonction des performances finales demandées. A ce stade, MBDA n’est encore qu’un des candidats possibles, face au JAGM (successeur du Hellfire) américain, du Spike ER, du Brimstone fabriqué par MBDA en Grande-Bretagne (mais bien plus lourd, à 50 kg, contre 35 kg pour le MMP).  Depuis le Salon du Bourget, MBDA ne cache plus s’intéresser à l’armement des drones. Le MMP pourrait embarquer tel quel sur le Patroller, et sans difficulté puisque missile et drones sont français, ce qui ne pose guère de complications d’autorisations. Ce sera plus compliqué sur le Reaper, pour lequel le Brimstone est proposé.

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