En 2015, l’Ejército de Tierra s’est totalement restructuré afin de s’adapter aux nouvelles contraintes opérationnelles. Des brigades polyvalentes ont notamment vu le jour afin de permettre aux unités projetées en opex de gagner en réactivité et en autonomie. L’armée de terre espagnole est aujourd’hui déployée sur plusieurs théâtres opérationnels et participe à de nombreuses missions aux côtés de l’Union européenne, de l’OTAN et de la coalition qui a combattu Daech en Irak durant plusieurs mois.

Malgré des coupes budgétaires drastiques au cours des dix dernières années, l’armée espagnole a su maintenir de bonnes capacités opérationnelles. De nouveaux matériels ont été acquis et les personnels des différents corps d’armée ont continué à entretenir leurs compétences et leurs savoir-faire au travers des programmes d’entraînement nationaux et aux côtés de leurs alliés. Les Fuerzas Armadas Españolas sont aujourd’hui regroupées au sein de trois états-majors principaux : l’armée de terre (Ejército de Tierra), les forces aériennes (Ejército del Aire) et la marine (Armada Española). Les effectifs sont constitués d’environ 101 000 militaires d’active et de 4 700 réservistes. Le ministère de la Défense dispose également d’un vivier de 77 000 gardes nationaux, qui peuvent être mobilisés en cas d’urgence nationale. 

Au sein des Fuerzas Armadas Españolas, l’armée de terre regroupe le gros des forces. Ces dernières ont particulièrement été sollicitées au cours des dernières années. Elles sont aujourd’hui engagées aux côtés de partenaires dans plusieurs pays d’Europe, d’Afrique et au Moyen-Orient.

Un engagement soutenu en opex 

 

Les forces terrestres de l’Ejército de Tierra participent à de nombreuses opérations extérieures aux côtés de l’Union européenne et de l’OTAN. Elles sont également engagées dans la lutte contre Daech depuis 2014 et assurent la formation de soldats irakiens à Taji, Besmayah et Bagdad. Il y a encore quelques mois, près de 500 militaires espagnols étaient intégrés au sein de l’opération Inherent Resolve. 

L’Ejército de Tierra est également présent au Sahel depuis de nombreux mois. L’Espagne a pris le commandement de la Mission de formation de l’Union européenne (EUTM) au Mali en janvier 2018 et a renforcé ses effectifs. Aujourd’hui, plus de 300 militaires sont déployés sur place. Ils sont chargés de former, d’appuyer et d’accompagner au quotidien les militaires maliens afin de lutter contre les réseaux djihadistes qui sévissent dans le pays. 

Les militaires espagnols de l’armée de terre sont aussi présents sur d’autres théâtres opérationnels. Ils sont engagés au Liban (FINUL – 590 personnels), en Centrafrique (EUTM RCA – 30 personnels), en Bosnie (opération Althea), en Somalie (EUTM Somalia – 15 personnels), dans les pays baltes (déploiement ponctuel de 325 personnels), en Afghanistan (opération Resolute Support – 16 personnels) et au Sénégal. Un contingent équipé de batteries de missiles sol-air Patriot est aussi positionné en Turquie afin de protéger l’espace aérien à proximité de la Syrie (opération Active Fence – 150 personnels). 

Cette année, les dépenses liées aux opérations extérieures vont de nouveau augmenter afin de soutenir les 1 700 militaires de l’Ejército de Tierra déployés en opex. L’Espagne fait cependant face, depuis dix ans, à des restrictions budgétaires drastiques. Ainsi, seulement 10 milliards d’euros sont injectés annuellement dans les budgets dédiés aux forces armées. Ce qui représente moins de 1 % du PIB national et se situe assez loin de l’objectif des 2 % affiché par Madrid auprès de l’OTAN il y a quelques mois. 

Le nouveau format de l’armée de terre

 

L’Ejército de Tierra regroupe aujourd’hui un effectif d’environ 75 700 militaires, soit 7 800 officiers, 14 800 sous-officiers et 53 100 soldats du rang. Depuis 1999, il n’y a plus de conscrits en Espagne. Le CEMAT espagnol commande l’ensemble des forces de l’armée de terre, les différents états-majors et les unités de supports fonctionnels (ressources humaines, matérielles et financières). Les forces de l’armée de terre rassemblent, quant à elles, pratiquement la totalité des effectifs. Elles sont articulées autour des forces terrestres (FUTER pour Fuerza Terrestre), d’un corps de réaction rapide équivalant au CRR-FR français, d’un poste de commandement chargé de superviser les îles Canaries et d’une force logistique opérationnelle composée d’une brigade logistique et d’une brigade sanitaire.

La Fuerza Terrestre, d’un point de vue structurel, est composée d’un état-major général, de deux divisions (« San Marcial » et « Castillejos »), d’entités de commandement dédiées à l’artillerie sol-sol, à la défense sol-air, au génie, aux forces aéromobiles, aux télécommunications et aux forces spéciales. Ces états-majors subalternes ont pour principal objectif de gérer et de commander les régiments et les contingents spécialisés de l’armée de terre. L’état-major général est également en charge de superviser les postes de commandement des Baléares, de Ceuta (zone autonome espagnole sur la côte nord de l’Afrique ayant une frontière directe avec le Maroc) et de Melilla (zone autonome espagnole située sur la côte nord-ouest de l’Afrique). Il pilote aussi directement le 1er régiment NRBC « Valancia » et le 11e régiment de cavalerie « Espana ». Ces unités sont composées d’effectifs réduits mais qui nécessitent une interaction directe avec le commandement central.

Initié en 2012, le nouveau format organisationnel de l’Ejército de Tierra a été officiellement mis en place il y a trois ans. L’objectif pour l’état-major espagnol était de pouvoir disposer dès mi-2015 de huit brigades polyvalentes et autosuffisantes capables de mener à bien des missions variées (guerre conventionnelle, engagement asymétrique, assistance humanitaire…). Les unités espagnoles, qui étaient jusqu’alors regroupées autour de compétences spécifiques (parachutistes, génie, troupes de montagne…), ont été démantelées et remaniées en profondeur pour constituer huit Brigadas Orgánicas Polivalentes (BOP) avec des capacités similaires. Cette refonte a été mise en place afin de permettre à l’Ejército de Tierra de projeter rapidement une brigade en mission extérieure, sans désorganiser l’ensemble de l’armée en ponctionnant des ressources et des moyens ici et là. Chaque BOP suit ainsi un processus de roulement qui lui permet de monter graduellement en puissance avant d’être déployée plusieurs mois en opération. 

Les BOP sont aujourd’hui organisées suivant deux formats distincts. Les BOP II (Légion), VI (parachutiste), VII et XVI, sous le commandement de la division Castillejos, alignent deux bataillons d’infanterie équipés de véhicules blindés 8 x 8 VCR, un bataillon léger d’infanterie avec une capacité aéroportée, et une unité de reconnaissance. Elles comptent environ 4 000 hommes. Les BOP I, X, XI et XII, sous le commandement de la division « San Marcial », sont, quant à elles, constituées d’un bataillon de chars de combat, d’un bataillon d’infanterie équipé de blindés Pizarro, d’un bataillon doté de VCR, d’un bataillon léger d’infanterie avec une capacité aéroportée et d’une unité de reconnaissance. Ces dernières alignent un contingent d’environ 4 300 militaires. Jusqu’alors, la force terrestre regroupait 10 brigades spécialisées et était principalement répartie autour d’une force lourde (fuerzas pesadas) et légère (fuerzas ligeras). Le dispositif devrait être pleinement opérationnel en 2020. Quelques réajustements ont cependant été apportés depuis quelques mois afin de maintenir au plus haut niveau les compétences de certaines unités, telles que les troupes de montagne dont l’état major devait être initialement démantelé. 

Les moyens opérationnels

 

Du côté des moyens de cavalerie, l’armée espagnole dispose de tout un panel de blindés dispatchés au sein des huit Brigadas Organicas Polivalentes. Le fer de lance de ces brigades est constitué de 239 chars lourds Leopard 2E (version espagnole du Leopard 2A6 allemand) et d’une centaine de Leopard 2A4 dont au moins 55 ont été placés sous cocon. Des blindés chenillés Pizarro font également partie des effectifs. Ces engins de 26 tonnes peuvent embarquer huit fantassins en complément des trois membres d’équipage. Ils sont armés d’un canon de 30 mm et assurent principalement des missions d’appui-feu. Environ 290 exemplaires ont été commandés par l’Ejército de Tierra. Les premiers engins ont été livrés en 2002 et certains ont, depuis, été retrofités à mi-vie afin d’être maintenus en condition opérationnelle durant une quinzaine d’années supplémentaires. Les BOP disposent aussi de plusieurs blindés à roues au sein des unités de cavalerie. On trouve notamment des engins 8 x 8 Centauro équipés de pièces de 105 mm et des petits blindés légers 6 x 6 VEC armés de canons M242 Bushmaster de 25 mm.

Du côté des véhicules de transport de troupes, les Espagnols mettent principalement en œuvre des Pegaso BMR 6 x 6 (équivalent du VAB). Cet engin est décliné autour d’une quinzaine de versions et remplit au quotidien diverses missions. Un contrat pour remplacer les BMR vieillissants pourrait être signé d’ici quelques mois afin de lancer la production en série d’un premier lot de 348 Piranha V. Le besoin de l’armée serait d’acquérir au total un millier de véhicules auprès de General Dynamics. 

D’autres engins de transport de troupes sont également en dotation au sein de l’Ejército de Tierra. En opérations extérieures où la présence de mines et d’engins explosifs improvisés (IED) est avérée, l’armée peut notamment s’appuyer sur ses MRAP (Mine Resistant Ambush Protected). Environ 150 RG‑31 Nyala Mk5E ont été acquis durant le conflit afghan. Les BOP disposent également de plusieurs centaines de blindés Vamtac et de 340 LMV 4 x 4 d’Iveco. Certains de ces véhicules sont équipés de mitrailleuses légères et/ou lourdes, de lance-grenades multicoups SB-40 LAG de 40 mm ou de missiles antichars TOW. 

Les moyens d’artillerie espagnols sont, quant à eux, constitués de véhicules chenillés et de canons tractés. On trouve des canons automoteurs M-109 A5E, des pièces SIAC 155 de 155 mm et des postes de tir L118 de 105 mm. Des mortiers israéliens Cardom de 81 mm montés sur Vamtac et des mortiers Ecia de 60 mm, 81 mm et 120 mm sont également en dotation.

Les éléments du génie disposent, pour leur part, de Husky 2G pour la lutte anti-IED, de pelleteuses montées sur blindés Alacran CZ 10/25, de bulldozers blindés et de ponts mobiles Dornier et VLPD 26/70.

La défense antiaérienne est également prise en charge par l’Ejército de Tierra. Les unités chargées des moyens sol-air sont équipées de tout un arsenal de batteries fixes et mobiles pour engager des cibles aériennes. Elles disposent de plusieurs batteries Patriot (portée : 120 km), Nasams (portée : 75 km), Hawk (portée : 40 km) et Aspide (portée : 20 km) afin d’intercepter des aéronefs à haute altitude ou à longue distance. La défense à courte portée est, quant à elle, prise en charge par des postes de tir Roland (portée : 6 km) et Mistral (portée : 5 km).

L’ALAT espagnole

 

Aujourd’hui, la FAMET fournit l’essentiel des moyens aéromobiles chargés d’appuyer les unités conventionnelles et les forces spéciales. Le parc héliporté compte environ 70 machines dédiées au

 support et au transport des troupes. L’état-major est basé à Colmenar Viejo, dans la province de Madrid. Celui-ci est chargé de coordonner les six bataillons opérationnels, le bataillon de transmissions et le centre de formation espagnol. En tout, près de 2 850 militaires sont affectés au sein de ces différentes entités. 

Le bataillon N°1 regroupe à Almagro l’ensemble des hélicoptères de combat Tigre (désignation espagnole HA-28) HAD et HAP. Contrairement aux Tigre de l’ALAT, les HAD espagnols ne sont pas équipés de missiles Hellfire, mais ils utilisent principalement des missiles Spike ER pour détruire des blindés ou des objectifs durcis. Ce bataillon dispose aussi d’hélicoptères HA-15 Bolkow, basés à Almagro.

Le 2e bataillon regroupe, quant à lui, des hélicoptères dédiés aux missions de service public. Le parc est essentiellement composé d’hélicoptères Cougar et de Super Puma. Les machines stationnent sur deux bases distinctes et peuvent intervenir sur tout le territoire en cas de besoin (sauvetage, évacuation, catastrophe naturelle…).

Les 3e et 4e bataillons sont deux unités polyvalentes rattachées à la FAMET. Leur principale fonction est de prendre en charge des missions de transport de troupes, d’appui logistique, de supervision C2 (Command and Control), de renseignement et d’appui-feu. Elles assurent également des missions CSAR, de support médical (Medevac) et des missions d’appui au profit des forces spéciales. Elles sont, pour cela, dotées de HT27 (AS-532 Cougar), de Super Puma et de UH-10 (UH-1H).

Le 5e bataillon regroupe, pour sa part, les hélicoptères lourds de l’armée de terre espagnole.  La base de Colmenar Viejo, dans la province de Madrid, accueille plusieurs machines de type CH‑47D Chinook. Cet hélicoptère permet de transporter un nombre conséquent de militaires ou de fret lors de chaque rotation. Le 5e bataillon œuvre au profit de toutes les unités d’infanterie et participe régulièrement aux déploiements d’éléments de la Légion et des forces spéciales.    

En dehors de ces unités, l’état-major de la FAMET coordonne également les actions d’un groupe logistique et d’un bataillon d’hélicoptères spécialisés dans les communications, le renseignement et le brouillage électronique. Ce dernier dispose principalement de Cougar pour assurer les missions qui lui sont confiées. Cette unité est également en charge du transport de VIP à bord de HU-21 aménagés (AS-332 Super Puma). 

Trois autres unités héliportées sont également rattachées à l’armée de terre, mais ne dépendent pas directement de l’état-major de Colmenar Viego. Il s’agit du 6e bataillon sur hélicoptères de manœuvre basé aux Canaries, du centre d’entraînement, et du centre de dépôt et de maintenance.

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Alexandre ALATI