L’ancien groupe d’intervention de la police nationale (GIPN) est devenu une antenne RAID. A la clé, du personnel et des savoir-faire supplémentaires, comme RAIDS a pu le mesurer lors d’une formation réalisée par l’unité centrale à sa petite sœur calédonienne.

Le RAID dispose désormais d’une antenne à Nouméa, qui bénéficie d’un renforcement d’effectif (trois postes supplémentaires). Ainsi, le groupe d’intervention de la police nationale (GIPN) de la Nouvelle-Calédonie est devenu une antenne du RAID le 1er mai 2018, soit presque un an avant les deux autres GIPN d’outre-mer (Antilles-Guyane et Réunion, qui y passeront en mars), du fait de l’arrivée du référendum. Jean-Baptiste Dulion, nouveau chef du RAID, est venu inaugurer les locaux de l’antenne de Nouméa. Elle alignera 19 policiers, mais elle dépend désormais directement du RAID, donc du directeur général de la police nationale (DGPN) et non plus de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), ce qui permet son emploi, de façon plus fluide, par d’autres directions.

Le spectre d’activité est différent de celui d’une antenne de métropole, puisque, évidemment, Nouméa connaît beaucoup moins de saisines de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) liées au terrorisme, le sujet principal du RAID et de ses antennes depuis les attentats de 2015. 

Par contre, l’antenne calédonienne assure des prestations qui ne sont pas confiées aux antennes métropolitaines, comme l’escorte de transport de fonds, de transferts de détenus. Par contre, comme en métropole, elle prend en compte les forcenés. 

L’île connaît plusieurs plaies, comme la consommation d’alcool, souvent mariée avec celle de cannabis. Les armes à feu, pour la chasse, une des occupations du week-end, y sont nombreuses. Parfois même, c’est une bagarre à mains nues qui dégénère : un homme a ainsi tué son frère quelques jours avant notre passage. En outre, le territoire compte beaucoup de schizophrènes.

Des réalités locales dont il faut tenir compte dans l’entraînement du personnel, et pour son équipement. 

La Nouvelle-Calédonie n’a pas de service régional de police judiciaire (SRPJ), seulement une section de recherche de la gendarmerie qui peut bénéficier d’une assistance de l’antenne, tout comme la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la DGSI. Avantage de l’antenne RAID : la plupart de ses opérateurs sont des Mélanésiens, et se fondent donc complètement dans la population locale. Ce sont aussi de ⇐ beaux gabarits : la moyenne est à 90-100 kg, de sorte qu’il a fallu adapter la taille des douches… Et ils ont une parfaite connaissance des quartiers difficiles et de la brousse, qui commence très tôt, dès la sortie de Nouméa. L’appellation « brousse » concernant, en fait, la zone qui commence à La Tontouta, jusqu’au nord de l’île. 

Le régime d’alerte est plutôt soutenu, avec trois semaines d’alerte sur quatre. En cas de crise majeure, « personne ne viendra nous renforcer rapidement, contrairement à ce qui se passe en France », explique le chef d’antenne. De fait, il faut au minimum 24 heures de vol, sans compter le temps pour trouver l’avion et pour rejoindre l’aéroport parisien d’où part l’appareil. Donc peut-être bien 30 heures au total, après déclenchement de l’alerte. D’où la solidité et la résilience demandées à l’antenne. 

Le seul vrai problème patent actuellement est le développement d’une délinquance de banlieue, marquée par des vols de voitures, de téléphones portables en réunion. Païta et Dumbéa sont des villes nouvelles, mais entre elles et Nouméa figurent des cités-dortoirs qui ont d’ailleurs été désignées pour la police de sécurité du quotidien (PSQ). A la sortie des boîtes de nuit, les vols de voitures se développent fortement, et 80 % des infractions sont liées à l’alcoolémie. 

L’antenne intervient très régulièrement. Les infiltrations en brousse peuvent durer plusieurs heures pour arriver en discrétion, et permettre la venue du groupe d’assaut à 6 heures du matin. « Régulièrement, jusqu’à huit fois sur dix, l’interpellation se fait par le dispositif du groupe infiltré car le mis en cause sort de son domicile, souligne le commandant. La reconnaissance topographique peut être faite par drone Millenium, car il très silencieux avec ses pales inclinées. Il n’a que 25-30 minutes d’autonomie, mais on a plusieurs piles. »

La formation « explo »

Sur une des hauteurs de Nouméa, c’est un des sites d’entraînement privilégiés pour les unités spécialisées de l’île. A l’abri des regards, il permet de tester des tactiques mais aussi des techniques utiles aux opérations. Ce jour-là, l’instruction est centrée sur l’effraction chaude, par explosifs. Avantage, l’endroit ne manque pas de murs à brècher : une série de locaux, blockhaus, locaux de stockage à munitions qui ont traversé les âges. L’endroit fleure encore bon la guerre du Pacifique. Par contre, il ne reste plus la moindre porte pour les effracteurs : pour cela, il faut aller, par exemple, sur des immeubles en déconstruction, comme le font leurs camarades des antennes et du service central, en métropole. 

La formation à l’effraction est réalisée par deux experts venus de Bièvres pour une semaine. Les rippers spécialisés dans l’effraction à Nouméa ⇐ doivent ainsi mieux maîtriser les produits dont ils disposent, dont certains sont transmis par les militaires des FANC. A cet égard, le test d’aujourd’hui doit permettre de voir l’état du matériel.

Mais ils doivent aussi visualiser les effets sur des locaux, pour des brèchages par exemple. Le premier test emploie une combinaison d’Hexomax et de cordeau détonant, tout en utilisant la propriété de non-compression de l’eau pour décupler la puissance de la charge. Cela permet aussi de limiter l’emploi de masse d’explosif en zone urbaine où des limitations existent.

Le principe de base est de bien positionner l’ensemble contre la cloison qui devra être perforée. Un des spécialistes explique qu’un des prérequis théoriques est de bien connaître les murs qu’on va devoir ouvrir, mais en pratique, dans le feu de l’action, les informations sont toujours fragmentaires. Les plans des locaux ne sont pas toujours disponibles et ils ne sont pas fiables. L’autre spécialiste rappelle aussi quelques fondamentaux sur les effets : vu la charge implantée dans la pièce d’une quinzaine de mètres carrés, pourtant à ciel ouvert (plus de toit, plus de fenêtres), des humains prendraient un sérieux blast. Après le décompte, la charge explose dans un déluge d’eau, les rippers auraient pu rentrer sans difficulté par ce trou, en se courbant néanmoins. Il suffit d’aller dans la pièce de l’autre côté du mur pour voir que les adversaires n’auraient pas forcément tenu une grande forme à l’issue de l’explosion, même en se tenant à distance du mur.

Le deuxième exemple est réalisé sur un garage au toit d’une vingtaine de centimètres. Cette fois encore, le recours à l’eau permet de minimiser l’emploi de matière. L’effet est tout aussi saisissant, d’autant plus que la force s’exerce vers le bas. Sept opérateurs de l’antenne sont formés à l’effraction chaude et froide. Nouméa compte aussi six THP, cinq spécialistes en corde, désormais huit négociateurs (contre deux il y a peu). Il faut deux spécialistes de chaque domaine pour constituer une équipe d’alerte. La menace n’a qu’à bien se tenir !

Publié le

Photos

Jean-Marc Tanguy