Il y a 60 ans, la première bombe atomique française explosait à Reggane. Le général de Gaulle avait accéléré le programme et la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA avait redoublé d’efforts pour parvenir à ce succès technique baptisé « Gerboise bleue.» Elle apportait à la France une indépendance inégalée vis-à-vis des Américains car l’armement nucléaire britannique, quoique conséquent, avait sa clef à Washington. Il a fallu attendre cinq ans pour que l’arme soit enfin opérationnelle sous Mirage IV. En 1966, la France est sortie de l’organisme militaire intégré de l’OTAN pour garder son choix de décision de déclenchement du feu nucléaire. Cela a participé à la sécurisation de l’Europe vis-à-vis du Pacte de Varsovie. En effet, les stratèges soviétiques n’avaient plus un adversaire en face d’eux (USA et Grande Bretagne) mais deux la France apportant son grain de sel. À savoir qu’il n’était pas certain que les gouvernements américain et britannique accepteraient de sacrifier leurs populations pour défendre l’Europe continentale en cas d’invasion des forces du Pacte de Varsovie. Par contre Paris avait mis une « ligne rouge » volontairement imprécise pour faire douter les stratèges soviétiques. À partir de quel moment le président de la République estimerait-il que les « intérêts vitaux » de la nation seraient engagés justifiant une frappe nucléaire ?
Plus tard, l’emploi de l’arme nucléaire tactique fut complètement intégré dans la stratégie française en particulier avec les missiles sol-sol Pluton (plus les armes sous aéronefs.) La bataille en centre-Europe serait nucléaire pour pallier à la faiblesse du corps de bataille occidental face au rouleau compresseur soviétique. Elle serait le « dernier avertissement » avant l’emploi des armes stratégiques clairement destinées à détruire les grandes métropoles soviétiques. L’objectif consistait à démontrer au Kremlin qu’il avait plus à perdre qu’à gagner à envahir l’Europe.
Depuis, la politique a évolué. L’armée de terre a perdu ses missiles nucléaires, le plateau d’Albion trop vulnérable a été fermé. Il reste deux composantes : les sous-marins nucléaires stratégiques destinés à déclencher une « deuxième frappe » et les missiles de croisière emportés sous avions Rafale. Cette deuxième option permet au président de la République de disposer d’une solution intermédiaire d’avertissement avant le déclenchement de l’apocalypse. Accessoirement, elle peut aussi servir aussi contre un État voyou qui aurait décidé d’employer des moyens non conventionnels (comme des armes chimiques) contre nos forces ou un pays allié.
Ces deux composantes sont donc essentielles à la France si elle veut être encore une « grande puissance ». 60 ans après, l’on ne peut que constater que le général de Gaulle avait été un visionnaire stratégique particulièrement bien inspiré.
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