Dans ce numéro d’octobre, nous ouvrons un dossier sur la guerre en Ukraine et plus spécialement sur l’armée russe et la fameuse « opération spéciale » qui ressemble à un combat sans fin. Les deux adversaires sont épuisés, pourtant, les Russes « grignotent » quand même du terrain (1) au prix de pertes moindre lors de micro-opérations. Ces opérations de type reconnaissance et commando montrent que la doctrine d’emploi russe a changé et que les assauts frontaux d’infanterie avec cinquante à cent soldats sont terminés, car trop coûteux. À la place, les attaques sont de plus en plus réalisées par de petits groupes de deux à quatre combattants, qui opèrent chacun de manière indépendante et qui sont employés en grand nombre sur des axes différents. Ces équipes de reconnaissance et d’assaut cherchent à pénétrer profondément dans les zones arrière ukrainiennes pour s’emparer des postes de commandement, des équipes de drones ou des positions d’artillerie.

Car si les défenses ukrainiennes sont solides et en profondeur — l’armée ukrainienne a passé les onze dernières années à renforcer ces fortifications avec des centaines de kilomètres de tranchées et de champs de mines —, l’armée de Kiev a atteint ses limites. En effet, des lignes de défense ne sont efficaces que si elles sont défendues par des soldats. En l’absence de combattants pour les défendre, elles laissent place à des incursions de petits groupes ennemis, Kiev éprouvant des difficultés à renouveler ses troupes. On constate de nombreuses désertions et l’envoi au combat de jeunes recrues engagées sans réelle formation. Les rapports de pertes font apparaître que, pour la première fois, les Ukrainiens perdent plus d’hommes au combat que les Russes.

L’armée russe est aussi à la peine, car confrontée à une pénurie croissante d’infanterie, elle est obligée de remplacer ses soldats par la technologie dans les opérations de première ligne, spécialement par l’emploi des drones qui jouent un rôle central, puisqu’assurant entre autres la couverture et l’appui-feu aux groupes d’assaut, mais aussi le harcèlement continu des positions ukrainiennes.

Actuellement, si l’armée ukrainienne tient le front compte tenu des conditions générales, force est de constater qu’elle subit les attaques russes. L’armée russe surpasse son adversaire dans tous les domaines : infanterie, réserve opérationnelle, appui-feu et drones. Pour ces derniers, tant en quantité qu’en qualité, ce qui n’était pas le cas il y a moins d’un an et demi.

Aspect plus stratégique : à coups d’attaques massives de drones et de missiles, Moscou veut pousser les Ukrainiens à faire des choix impossibles. Vaut-il mieux défendre les villes ou les différents fronts qui semblent de plus en plus friables ?