Lors d’une rencontre médiatisée ayant eu lieu le 8 août à la Maison-Blanche, le président Donald Trump a signé avec son homologue azéri Ilham Aliyev et le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, une « déclaration commune. »

Cette dernière affirme que les deux anciennes républiques soviétiques « s’engagent à cesser définitivement tout conflit, à ouvrir les relations commerciales et diplomatiques et à respecter la souveraineté et l’intégralité territoriale » de chacune.
Trump n’a pas été évoqué de nature contraignante mais a précisé : « vous allez avoir une très bonne relation […] Si ce n’est pas le cas, appelez-moi et j’arrangerai ça. »

Par contre, la question très sensible du Haut-Karabagh – nommé Artsakh par les Arméniens – n’a pas été abordée. Cette région reconnue au niveau du Droit international comme faisant partie de l’Azerbaïdjan a été contrôlée durant trois décennies par des séparatistes arméniens qui se revendiquent d’un passé historique.
Mais pour obtenir réellement un traité de paix, l’Arménie va devoir modifier sa constitution afin de supprimer une référence au Haut-Karabagh.
Le PM Pashinyan a demandé à ce qu’un référendum soit organisé pour changer la constitution mais aucune date n’a été fixée mais il est possible que cela ait lieu avant les élections législatives prévues en Arménie en juin 2026.

Le président Aliyev a commenté l’accord en ces termes : « nous établissons aujourd’hui la paix dans le Caucase ». Il a aussi remercié Donald Trump pour sa décision de lever les restrictions pesant depuis 2022 sur la coopération militaire de son pays avec les États-Unis. Pour mémoire, Bakou est déjà largement soutenu dans ce domaine par Israël et la Turquie
Le Premier ministre arménien Pashinyan a évoqué pour sa part une étape qui « ouvrait la voie pour mettre fin à des décennies de conflit. »

Un passé conflictuel

La situation actuelle résulte de plus de trente ans de conflits qui ont suivi la dislocation de l’URSS.
La première guerre entre les deux pays, qui a eu lieu entre 1988 et 1994, a été gagnée par l’Arménie, Azerbaïdjan perdant de nombreux territoires dont le Haut-Karabagh.

La seconde qui a eu lieu de septembre à novembre 2020 a permis à l’Azerbaïdjan de reprendre le contrôle d’une partie du terrain perdu.

Enfin, l’offensive éclair menée par Bakou en septembre 2023 avec le soutien de « techniciens » turcs et israéliens a chassé les séparatistes arméniens du Haut-Karabagh. La quasi-totalité de la population d’origine arménienne (120.000 personnes) qui y résidait s’est repliée sur l’Arménie.

Le « corridor de Zanguezour »

L’accord conclu prévoit la création d’une zone de transit passant au sud de l’Arménie dans le région de Syunik et reliant l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan plus à l’ouest (projet déjà connu sous le nom du « corridor de Zanguezour ».) Cette zone de transit, qui répond à une revendication de longue date de Bakou, serait nommée « Voie Trump pour la paix et la prospérité internationale » (TRIPP, son acronyme en anglais.)
En cas de réalisation, les États-Unis devraient se retrouver maîtres d’œuvres (des droits exclusifs seraient accordés pour 99 ans) mais l’Arménie ne sortirait pas perdante car tout devrait se faire sous son contrôle.

Réactions internationales

Hakan Fidan, le ministre turc des Affaires étrangères a réagi dans un communiqué : « nous nous réjouissons des progrès réalisés en vue de l’établissement d’une paix durable entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. »
Le 20 juin, le Premier ministre arménien avait effectué une visite officielle à Istanbul et s’était entretenu avec le président Recep Tayyip Erdoğan. Les discussions avaient notamment porté sur les négociations de paix en cours avec l’Azerbaïdjan ainsi que sur les efforts de normalisation des liens avec la Turquie.

Pour en revenir à l’accord d’août 2025, la France où vit une importante communauté d’origine arménienne a salué une « avancée déterminante » négociée « en vue de la normalisation des relations » entre les deux pays.
Toutefois, relations entre Paris et Bakou sont actuellement exécrables pour, du côté français, une affaire d’espionnage en Azerbaïdjan et de soutien militaire direct à Erevan, et du côté azéri, pour des opérations d’influence et de déstabilisation dans les DOM-TOM…

La Russie, intermédiaire et allié traditionnelle de l’Arménie, n’a pas participé à ces négociations malgré le stationnement de ses gardes frontière à la frontière entre l’Arménie et l’Iran.
Toutefois, le Kremlin a déclaré soutenir le sommet et proposé « d’appliquer des solutions développées par les pays de la région eux-mêmes avec le soutien de leurs voisins immédiats – la Russie, l’Iran et la Turquie -.
Moscou n’a pas exprimé de position claire concernant le TRIPP mais met en garde toute intervention étrangère près de ses frontières…
Enfin, les relations entre Moscou et Bakou traversent ces derniers temps de graves problèmes suite à des incidents entre communautés slaves et azéries…

Les craintes de Téhéran

Un communiqué de son ministère des Affaires étrangères se félicite de «la finalisation du texte de l’accord de paix par les deux pays» (personne ne peut rejeter un accord allant vers la paix) mais il «exprime également sa préoccupation quant aux conséquences négatives de toute intervention étrangère, sous quelque forme que ce soit, en particulier à proximité des frontières communes.»

Téhéran soutient Erevan contre Bakou depuis le début des années 1990. Un Azerbaïdjan prospère (ce pays en a les moyens grâce aux ressources en hydrocarbures de la mer Caspienne) est ressenti comme un véritable danger pour la République Islamique d’Iran (RII). 20% de la population iranienne est d’origine azérie. Cette minorité très importante dans le nord-ouest du pays, peut être attirée par un mouvement centrifuge qui pourrait détacher plusieurs provinces de la RII du pays. Cela pourrait aussi donner à l’importante communauté d’origine turkmène installée dans le nord-est de la RII.

Ce serait alors la fin du régime des Ayatollahs – dont le Khamenei, le Guide suprême lui-même a des liens familiaux azéris.

Plus grave encore, Téhéran considère que l’Azerbaïdjan est devenu un véritable hub pour l’espionnage israélien qui a ainsi accès direct à son territoire.
Si maintenant les Américains s’installent, d’une manière ou d’une autre, au sud de l’Arménie, ils auront aussi une « vue directe » sur le pays…
l’Iran est donc totalement opposé au TRIPP tout en espérant que la Russie s’y opposera également(1).

Ali Akbar Velayati, un conseiller de politique étrangère de Ali Khamenei et ministre des AE de 1981 à 1997, s’est insurgé contre toute présence américaine le long de la frontière entre l’Iran et l’Arménie et a affirmé que la route de transit « déplacerait les frontières […] Le Caucase est l’une des régions les plus sensibles du monde, et cette route ne deviendra pas un corridor au nom de Trump, mais un cimetière pour ses mercenaires. »
Il est vrai que le corridor TRIPP menace de couper l’accès direct de l’Iran à l’Arménie et de réduire sa capacité à projeter son l’influence dans le Caucase du Sud où il connaît un affaiblissement considérable parallèlement au renforcement des sphères d’influence turque et israélienne.
Les succès d’Ankara en Syrie et son soutien à l’Azerbaïdjan lors des conflits de 2020 et 2023 avec l’Arménie lui ont permis d’étendre son influence stratégique aux dépens de l’Iran. C’est dans cette optique que la Turquie a renoué avec l’Arménie.
Mais Ankara n’a pas reconnu pas le génocide arménien. Certes, Erdoğan alors Premıer-ministre (il est devenu président le 28 août 2014) a publié le communiqué suivant lors du centenaire du génocide le 23 avril 2014 : « nous souhaitons que les Arméniens qui ont perdu la vie dans les circonstances qui ont marqué le début du XXème reposent en paix et nous exprimons nos condoléances à leurs petits-enfants. » Cela a été reconnu comme un premier pas symbolique mais insuffisant par la communauté arménienne qui a souligné : « les condoléances ne sont pas des excuses. »

La coopération israélienne avec l’Azerbaïdjan, y compris le soutien présumé aux frappes contre l’Iran, a renforcé la perception de la menace de Téhéran qui accuse depuis des années Bakou d’autoriser les agents israéliens à opérer depuis son territoire.

À l’avenir, l’Iran n’a guère d’autre choix que de rééquilibrer sa politique étrangère pour protéger ce qui reste de son influence. Un tel effort impliquera probablement une tentative de resserrer les liens avec l’Arménie et, de manière pragmatique, avec l’Azerbaïdjan. Il n’est pas certain que Bakou et Erevan aient un véritable intérêt à aller bien loin dans les relations avec Téhéran.dans un partenariat fondamental avec Téhéran.

(1) Voir : « Russie – Iran : désaccord sur le corridor de Zanguezour en Arménie » du 11 septembre 2024.