Discret après son limogeage en février dernier, officiellement pour devenir ambassadeur à Londres, le général ukrainien Valeri Zaloujny a récemment fait plusieurs déclarations retentissantes lors de conférences et colloques en Europe. Chef de l’armée ukrainienne et héros pour avoir mis en échec l’armée russe lors de l’invasion en février 2022, Zaloujny est plus populaire que le président Volodymyr Zelensky. Ce dernier n’a pas pardonné les mots de son chef d’état-major en 2023 comparant ce conflit à celui de la Première Guerre mondiale et donc à une impasse militaire.
Actuellement, le général jouit d’un soutien populaire avoisinant les 80 % et ne se gêne pas — même s’il défend bien sûr bec et ongles l’Ukraine — pour mettre en garde les pays européens.
Pour lui, « la Troisième Guerre mondiale a commencé, mais l’Union européenne n’est pas prête », malgré les presque trois années de guerre. L’Europe sous-estime totalement la portée et la complexité de la guerre en Ukraine, ainsi que la « nouvelle guerre » en général.
Pour Zaloujny, ce conflit dépasse désormais les frontières de l’Ukraine : « Cette Troisième Guerre mondiale concerne l’avenir de l’Europe et des démocraties. Elle se joue maintenant à nos portes. L’Ukraine, bien qu’en première ligne, ne peut tenir sans un soutien plus coordonné et massif de l’Occident. » Il dénonce aussi l’impréparation de l’Europe face à la Russie et exhorte les alliés de l’Ukraine à prendre des mesures décisives et à empêcher le conflit de s’étendre au-delà des frontières du pays.
Bien qu’il parle avant tout de la défense de sa nation, son expérience doit être prise en considération, car il est actuellement l’un des rares généraux ayant commandé durant une guerre de haute intensité, et cela, à la tête d’une armée constituée dans l’urgence et ne bénéficiant pas d’une supériorité militaire sur son adversaire russe.
Et tout aussi grave, l’ancien chef de l’armée ukrainienne assure que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) conserve des doctrines et des armements de la guerre froide, alors que le champ de bataille est totalement transformé par les nouvelles technologies qui évoluent sans cesse, dont l’intelligence artificielle.
Face au scepticisme des états-majors occidentaux, Zaloujny enfonce le clou avec le concept de la « guerre totale », combinant les progrès technologiques et l’engagement massif, devenu l’élément central de tout conflit. Les armées de l’OTAN doivent avoir suffisamment de réserves humaines et matérielles pour durer dans le temps(1). « Le monde doit se préparer à une nouvelle ère de conflits où la supériorité technologique et l’adaptabilité détermineront le résultat. »
Mais l’Occident est-il prêt à perdre des centaines de milliers de combattants ? Et cela, face à des forces russes et ses alliées qui ont une expérience du combat depuis des années.
L’avertissement de l’ancien chef des armées ukrainiennes est net : savoir penser la guerre du futur et même dépasser les doctrines actuelles du conflit de haute intensité.
(1) On estime à un million de morts et de blessés russes et ukrainiens en presque trois ans de guerre.
Bonne lecture
Eric Micheletti
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