Les États-Unis ont libéré Osiel Cárdenas Guillén, l’ancien chef du Cartel du Golfe (Cartel del Golfo - CdG) qui a été à l’origine des guerres du crime organisé hyper-violentes qui ont marqué le Mexique depuis le la fin du XXème siècle.
Après son arrestation au Mexique en 2003, il a fini par être extradé vers les États-Unis en 2007. Il a plaidé coupable et a été condamné à 25 ans de prison en 2010 pour trafic de drogue et blanchiment d’argent.
Il a été élargi le 30 août 2024 soit 14 ans plus tard mais les 4 années purgées au Mexique ont été décomptées et il aurait fait preuve de bonne conduite tout en ayant accepté de coopérer avec la justice américaine.
Un fait divers a aussi peut-être joué en sa faveur. En 1999, lui et ses hommes avaient bloqué un véhicule transportant deux agents de la DEA Drug Enforcement Administration et l’un de leurs informateurs dans la ville frontalière de Matamoros en face de Brownsville au Texas.
Ses sicarios ont exigé qu’ils leur remettent l’informateur qui serait certainement ensuite torturé et tué. Les agents ont refusé leur rappelant que ce serait peut-être une « mauvaise décision » que d’assassiner des membres de la DEA. Cárdenas a finalement laissé partir le véhicule tout en disant « gringos, ici c’est mon territoire ».
Selon une rumeur qui circule, il devrait être renvoyé au Mexique pour y être jugé pour des accusations d’appartenance au crime organisé et de trafic de drogue.
L’affaire pourrait être plus complexe. Nul n’ignore que même s’il est incarcéré dans une prison mexicaine – fut-elle de « haute sécurité » -, il parviendra alors à communiquer avec l’extérieur et reprendre contact avec ce qui reste du CdG. Mais celui qui est surnommé « tueur d’amis » n’a pas que des « amis » au Mexique, d’autres acteurs du crime organisé ayant tout fait pour dépecer son empire après son arrestation. Et surtout, pour tous les sicarios, sa « coopération » avec la justice américaine vaut une condamnation à mort…
En tant que chef du Cartel du Golfe fondé dans les années 1970 qu’il a dirigé de 1997 jusqu’à son arrestation en 2003, Cárdenas était l’un des plus puissants barons de la drogue du Mexique. Sous sa direction, le CdG contrôlait un empire colossal de trafic de cocaïne et de marijuana qui rivalisait avec ceux d’autres groupes criminels mexicains dont le cartel de Sinaloa.
Le CdG, basé dans l’État de Tamaulipas, au nord du Mexique, a profité de la frontière de 370 kilomètres partagés avec les États-Unis pour faire passer des tonnes de drogue au Texas et bien au-delà.
Mais l’acte le plus connu de Cárdenas en tant que chef du CdG a été la création des Zetas, un groupe paramilitaire composé majoritairement de déserteurs d’une unité d’élite de l’armée mexicaine.
Cárdenas a fondé les Zetas en 1997 pour protéger l’empire criminel du CdG contre ses rivaux violents mais aussi pour étendre les territoires tenus par le cartel. Il a embauché une trentaine de membres du Groupe des forces spéciales aéroportées de l’armée mexicaine (Grupo Aeromóvil de Fuerzas Especiales – GAFES), dont certains avaient reçu une formation de l’armée américaine.
Les Zetas ont professionnalisé la guerre des gangs au Mexique en déclenchant une course aux armements et en introduisant une violence brutale jamais vue auparavant dans le pays.
Selon Mike Vigil, ancien haut fonctionnaire de la Drug Enforcement Administration (DEA) des États-Unis : « il était l’architecte d’une violence extrême… Ses méthodes sont devenues le modèle d’autres cartels au Mexique ».
Dirigés à l’origine par Arturo Guzmán Decena, alias «Z-1» (tué par l’armée mexicaine en 2002), les Zetas ont apporté une capacité militaire à la guerre au Mexique et ont popularisé des violences abominables comme la décapitation, le démembrement, l’écorchement et les pires tortures infligées aux victimes.
Dans de nombreux cas, ces atrocités ont été médiatisées. L’objectif était simple pour l’exécution de ces faits : terroriser les populations et les forces de sécurité pour assoir l’emprise du CdG sur des régions entières. À côté d’eux, les terroristes de Daech – bien que d’horribles tortionnaires – peuvent être quasi considérés comme des « enfants de cœur ».
Bien que Cárdenas ait apparemment réussi à maintenir le contrôle de son groupe pendant sa détention au Mexique après son arrestation – un classique au Mexique où les établissements pénitentiaires sont plus ou moins placés sous la coupe des cartels, le personnel pénitentiaire n’ayant que le choix de « coopérer » s’il ne veut pas se faire trucider (ainsi que les familles) -, les Zetas se sont séparés après son extradition aux USA en 2007. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les chefs criminels latino-américains redoutent l’extradition vers les USA : les pénitenciers américains sont beaucoup plus hermétiques.
Il n’aurait apparemment plus aucun lien avec le CdG, qui lui aussi a éclaté en « cartelitos » plus petits depuis son emprisonnement aux USA. Cependant, la famille Cárdenas reste une force puissante dans la sphère criminelle de l’État de Tamaulipas.
Sous Heriberto Lazcano, alias «Z-3» (tué en 2012 par une unité de la Marine), l’aile armée s’est développée jusqu’à compter plus de 300 membres hautement qualifiés.
Les actes de violence se sont encore accrus après que Cárdenas a perdu les rênes en 2007. En août 2010, le groupe a enlevé et assassiné 72 migrants, principalement d’Amérique centrale, à San Fernando, dans l’État de Tamaulipas. Moins d’un an plus tard, les autorités ont découvert 192 autres corps, toujours à San Fernando, après que plusieurs bus ont été détournés dans la région. Des membres des Zetas ont par la suite déclaré aux autorités qu’ils avaient forcé les victimes à se battre jusqu’à la mort dans des combats de gladiateurs, en recrutant de force comme sicarios ceux qui avaient survécu.
L’escalade de la violence générée par les Zetas a conduit les autres cartels du Mexique à créer leurs propres forces paramilitaires, lançant ainsi un cycle de violences qui s’est autoalimenté.
Les Zetas se sont rapidement étendus à une grande partie du Mexique et au Guatemala voisin, mais se sont ensuite éparpillés, une partie créant un cartel séparé du CdG.
Certaines factions du groupe d’origine subsistent, notamment les Metros et les Cyclones, et se battent avec d’autres factions d’ex-Zetas et des descendants du CdG pour le contrôle des marchés criminels, principalement dans l’État de Tamaulipas.
Il convient d’attendre la suite pour savoir s’il y a une recomposition au sein du monde criminels dont l’organisation la plus en proue depuis quelques années est le Cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG).
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