Le Premier ministre suédois Ulf Kristersson a tenu une réunion de crise le 30 septembre avec le chef de l'armée suédoise, le général Per Bydén, le chef de la police Bengt Thornberg et le ministre de la Justice Gunnar Strömmer.

Il a été décidé que l’armée suédoise allait intervenir pour soutenir la police dans la lutte contre le crime organisé.

Cette mesure exceptionnelle a été provoquée par la recrudescence des meurtres commis par des gangs dans le pays qui, dans l’imaginaire collectif, avait une réputation de paix et de tranquillité.

Ainsi l’armée commencera dès le début octobre à fournir une assistance aux forces de police. Le Premier-ministre a précisé : « dans les cas où les compétences spécialisées des forces armées peuvent être utiles […] Cela peut couvrir beaucoup de domaines : une aide logistique, des hélicoptères, des compétences en explosifs, des compétences en analyses médico-légale, en informatique… ».

Kristersson a ajouté que les lois suédoises devraient également être révisées pour permettre une plus grande implication des forces armées dans la lutte contre la criminalité.

Les causes de cette décision sans précédent

Douze personnes ont été tuées en septembre lors d’affrontements entre gangs criminels. Pour journal Dagens Nyheter, il s’agit du chiffre le plus élevé depuis décembre 2019.

Rien que le 27 septembre soir, deux jeunes hommes ont été abattus à Stockholm et une femme – qui, selon la police, n’avait aucun lien avec la criminalité organisée – avait été tuée dans une explosion chez elle à environ 80 km au nord de la capitale.

Le Premier-ministre était alors intervenu à la télévision pour parler de la sécurité intérieure affirmant que : « la Suède n’a jamais vu quelque chose de pareil […] Aucun autre pays d’Europe ne connaît une telle situation ».

Selon les autorités, des enfants et des passants innocents sont de plus en plus victimes de cette violence. En 2022, plus de 60 personnes sont décédées lors des fusillades – le nombre le plus élevé jamais enregistré – et 2023 s’annonce comme étant du même niveau voire pire.

Un rapport officiel du gouvernement publié en 2021 indiquait que le taux de morts violentes en Suède était de 4 personnes pour 100.000 habitants (en comparaison des 1,3 pour la France, 0,9 pour l’Allemagne, 0,7 pour l’Espagne et 0,5 pour l’Italie).

La police fait un lien entre la violence et la mauvaise intégration des immigrés, à l’écart grandissant entre riches et pauvres et à la consommation de drogues.

Le « réseau Foxtrot »

Les médias suédois ont associé la récente augmentation du nombre de victimes à un conflit impliquant un gang connu sous le nom de « réseau Foxtrot» qui est secoué par des luttes intestines.

Le boss de ce réseau est Rawa Majid, un citoyen suédo-turc d’origine kurdo-irakienne (mais ayant aussi la nationalité iranienne) de 38 ans surnommé le « renard kurde » (« kurdish fox »).

Il serait  en conflit avec un ancien complice qui a créé son propre gang. En représailles, il aurait commandité l’assassinat de la mère de ce denier ce qui a répliqué en lançant une spirale de violences. Rawa Majid tente maintenant de prendre également le contrôle de la pègre norvégienne.

La difficulté pour les forces de sécurité suédoises réside dans le fait que Rawa Majid a trouvé refuge depuis 2018 en Turquie où il a obtenu la nationalité turque en 2020 en échange d’un important investissement financier (ce qui est parfaitement légal, des richissime Russes font de même à l’heure actuelle). Ankara a toujours refusé d’extrader un de ses concitoyens.

Sans lien apparent de cause à effet, tous les criminologues s’accordent à dire que le crime organisé turco-kurde est l’un des plus puissant d’Europe et qu’il entretient de relations incestueuses avec tous les pouvoirs qui se sont succédés depuis les années 1980…

Les « Babas » (« Papas » ou parrains) turco-kurdes tiennent en particulier la « route de Balkans » par où arrive l’héroïne et les drogues synthétiques qui approvisionnent l’Europe occidentale mais aussi la Russie.

La situation sécuritaire en Suède

En Suède, la police estime qu’environ 30 000 personnes sont directement impliquées ou ont des liens avec la criminalité organisée.

La violence endémique dans les grandes zones urbaines s’est désormais propagée vers les petites villes où les crimes violents étaient auparavant rares.

Le chef de la police, Bengt Thornberg, a affirmé dans un communiqué : « les conflits criminels en Suède constituent une menace sérieuse pour la sûreté et la sécurité du pays » .

Le gouvernement minoritaire de centre-droit de M. Kristersson, arrivé au pouvoir en 2022 avec le soutien des démocrates suédois anti-immigration, n’est pas parvenu à endiguer la violence. Il s’est engagé à aller de l’avant avec de nouvelles mesures sécuritaires en insistant sur le fait que « tout est sur la table ».

Certains critiques ont fait valoir que les mesures ne parviennent pas à résoudre les problèmes sociaux sous-jacents tels que la pauvreté des enfants et le sous-financement des services communautaires. Il convient de remarquer que des mineurs (en dessous de 18 ans) sont souvent recrutés par des gangs pour commettre leurs basses-œuvres car ils sont très peu sanctionnés s’ils se font prendre (maximum de quatre ans incompressibles de prison pour les actes les plus graves comme un meurtre).

Kristersson en ce qui le concerne attribue la responsabilité aux « politiques migratoires irresponsables et à l’échec de l’intégration » sous le gouvernement précédent.

La Suède s’est en effet longtemps distinguée en Europe par ses politiques d’immigration libérales et par l’accueil de centaines de milliers de demandeurs d’asile en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique.

Stockholm a depuis fortement restreint ses niveaux de migration, invoquant la hausse des niveaux de criminalité et d’autres problèmes sociaux.

À l’évidence, le crime organisé constitue une menace existentielle pour l’ensemble des sociétés. Son influence a considérablement augmenté en Occident du fait qu’il y trouve la « clientèle » pour ses « produits » au premier rang desquels se trouvent les drogues naturelles et synthétiques. Mais sachant s’adapter à la conjecture, il est présent dans beaucoup d’autres activités qui sont en vogue comme tout ce qui tourne autour de l’écologie (retraitement des déchets polluants comme les batteries de voitures électriques, acquisition de terrains pour y construire des champs d’éoliennes, détournement de fonds européens, etc.

Sa puissance réside dans les énormes gains que ses activités lui rapportent. Ils lui permettent de corrompre ceux qu’il juge utile et quand cette méthode qui est la pierre angulaire de la criminalité transnationale ne fonctionne pas, des méthodes plus musclées sont employées…

Enfin, si les pays du sud de l’Europe avaient une mauvaise réputation dans le domaine de la criminalité, il semble qu’une bascule est en train de s’effectuer vers le nord (1) à moins que ce ne soit qu’un rééquilibrage…

1.   Voir : « On reparle des mafias en Europe du Nord » du 29 septembre 2022

 

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Texte

Alain Rodier