Durant des décennies, l’Inde s’est crue à l’abri derrière la muraille de l’Himalaya, qui semblait infranchissable à plus de 6 000 m. Pourtant, depuis des années, les Chinois se sont inexorablement avancés, en profitant du plateau tibétain qu’ils occupent depuis 1950.
Ils ont tracé de nombreuses routes, spécialement le long de la ligne de démarcation, et construit une dizaine d’aérodromes tant pour les gros-porteurs que pour les avions de combat. En situation de force, Pékin a même déployé des unités blindées et a déclaré prévoir 35 nouvelles pistes d’atterrissage avant 2030. Dans cette région frontière himalayenne, la Chine revendique l’Arunachal Pradesh, dans le nord-est de l’Inde, et à l’ouest les deux pays se disputent toujours le Ladakh et l’Aksai Chin.
Le réveil est rude pour les Indiens. Pourtant, sur la « ligne de contrôle réel »(1), les patrouilles chinoises et indiennes se jaugent et s’affrontent régulièrement(2). Aussi l’Inde a décidé d’occuper le terrain en désenclavant des zones au pied de l’Himalaya. Car pour tenir militairement la frontière, les soldats indiens doivent gravir des pentes, ce que l’armée chinoise n’a pas à faire.
Actuellement, même si la tension est retombée, les relations sont mauvaises entre les deux pays. Et l’amitié sino-pakistanaise tout comme que le soutien de Pékin aux groupes armés –maoïstes ou non – qui déstabilisent le nord-est de l’Inde n’arrangent pas les choses. Pas plus que les discours populistes du Premier ministre Narendra Modi, un nationaliste avéré qui galvanise les foules.
Les Indiens ne veulent pas céder un pouce de terrain, bien que, selon les experts, certaines zones contestées n’aient aucune valeur stratégique. Alors, peut-être faut-il voir une autre explication : deux puissances en pleine ascension qui se livrent à une compétition stratégique inévitable. Sans une hégémonie régionale, la Chine ne peut se présenter comme une puissance globale, ce qu’elle veut être avant 2050. De sorte que des questions frontalières dans l’Himalaya pourraient bien servir de motif à un conflit armé entre les deux géants asiatiques.
(1) Battue militairement en 1962 par la Chine, l’Inde campe sur les accords signés en 1914 entre les Indes britanniques et l’État du Tibet pour définir la frontière avec la Chine.
(2) En 2020 dans la vallée de Galwan et en 2022 dans la zone de Depsang et de Demchok, des affrontements ont eu lieu. Même si les soldats se battent à mains nues ou à coups de bâtons, il y a des morts et des blessés à chaque confrontation.
Bonne lecture
Eric Micheletti
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